Chronique de
Palestine
Abbas doit laisser les clés à l’OLP !
Ramzy Baroud
Février 2020 -
Manifestation à Ramallah contre le plan
de Trump - Photo: Ahmad al-Bazz
Mardi 30 juin 2020 L’amère vérité
est que l’Autorité palestinienne de
Mahmoud Abbas a déjà cessé d’exister en
tant qu’organe politique ayant une
quelconque influence ou pertinence, soit
pour le peuple palestinien, soit pour
ses ex-bienfaiteurs, à savoir les
gouvernements israélien et américain.
Ainsi, lorsque le
Premier ministre de l’Autorité
palestinienne, Mohammed Shtayyeh, a
annoncé le 9 juin que les dirigeants
palestiniens avaient soumis une
« contre-proposition » au plan de paix
américain au Moyen-Orient, également
connu sous le nom de « Contrat
du siècle« , peu de gens ont semblé
s’en soucier.
Nous avons peu
d’information sur cette
« contre-proposition », si ce n’est
qu’elle envisage un État palestinien
démilitarisé dans les frontières d’avant
1967. Nous savons également que les
dirigeants palestiniens sont prêts à
accepter des échanges de terres et des
ajustements de frontières, une
disposition qui a certainement été
insérée pour répondre aux besoins
démographiques et
sécuritaires d’Israël.
Il est presque
certain que rien ne sortira de la
contre-proposition de Shtayyeh et
qu’aucun État palestinien indépendant ne
devrait résulter de cette offre
prétendument historique. Alors, pourquoi
l’AP de Ramallah a-t-elle opté pour ce
genre de stratégie quelques jours
seulement avant l’échéance du 1er
juillet, alors que le gouvernement
israélien de Benjamin Netanyahu devrait
lancer son processus d’annexion
illégale en Cisjordanie occupée et
dans la vallée du Jourdain ?
La raison
principale de l’annonce de Shtayyeh est
que les dirigeants palestiniens sont
souvent accusés par Israël, les
États-Unis et leurs alliés de soi-disant
rejeter les propositions de « paix » qui
auraient précédées.
À juste titre,
l’Autorité palestinienne a
rejeté le « Deal du siècle », parce
que ce dernier représente la violation
la plus flagrante à ce jour du droit
international. Le « pacte » nie les
droits territoriaux des Palestiniens
dans Jérusalem-Est occupée, rejette
complètement le
Droit au retour des réfugiés
palestiniens et donne carte blanche au
gouvernement israélien pour
coloniser davantage de terres
palestiniennes.
En principe,
Netanyahu a également rejeté la
proposition américaine, sans toutefois
prononcer publiquement son refus. En
effet, le dirigeant israélien a déjà
rejeté toute perspective d’un État
palestinien et a
décidé d’aller de l’avant avec
l’annexion unilatérale de près de 30 %
de la Cisjordanie, alors que l’injuste
initiative de « paix » de Trump appelait
à un dialogue mutuel avant toute
annexion.
Dès que le plan de
Washington a été annoncé en janvier,
suivi par l’insistance d’Israël sur
l’imminence de l’annexion des
territoires palestiniens, l’Autorité
palestinienne est passée sur un mode
politique des plus curieux, plus
imprévisible et bizarre que jamais.
L’un après l’autre,
les responsables de l’Autorité
palestinienne ont commencé à faire
toutes sortes de remarques et de
déclarations contradictoires, notamment
l’apparente
décision d’Abbas, le 19 mai,
d’annuler tous les accords signés entre
les Palestiniens et Israël.
Cette décision a
été suivie d’une
autre annonce, le 8 juin, cette fois
par Hussein Al-Sheikh, un haut
fonctionnaire de l’Autorité
palestinienne et confident d’Abbas,
selon laquelle si l’annexion a lieu,
l’Autorité coupera les services publics
aux Palestiniens afin qu’Israël assume
son rôle légal de puissance occupante
conformément aux normes internationales.
Une
troisième annonce a été faite le
jour suivant par Shtayyeh lui-même, qui
a menacé que, si Israël revendique la
souveraineté sur certaines parties de la
Cisjordanie, l’Autorité riposterait en
déclarant un statut d’État dans les
frontières d’avant 1967.
La
contre-proposition palestinienne a été
énoncée peu après ce mélange de
déclarations, très probablement pour
annuler les effets de l’état de
confusion qui entache le corps politique
palestinien. C’est la façon pour les
dirigeants palestiniens d’apparaître
proactifs, positifs et institutionnels.
L’initiative
palestinienne vise également à envoyer
un message aux pays européens selon
lequel, malgré l’annulation par Abbas
des accords avec Israël, l’Autorité
palestinienne est toujours attachée aux
paramètres politiques fixés par les
accords d’Oslo dès septembre 1993.
Ce qu’Abbas et
Shtayyeh espèrent finalement obtenir est
une répétition d’un épisode antérieur
qui a suivi l’admission de la Palestine
en tant que membre non étatique de
l’Assemblée générale des Nations unies
en 2011. Salam Fayyad, qui était alors
Premier ministre de l’Autorité, avait
également
agité la carte de la déclaration
unilatérale d’un statut d’État pour
forcer Israël à geler la construction de
colonies juives.
Finalement,
l’Autorité palestinienne avait été
cooptée par le secrétaire d’État
américain de l’époque, John Kerry, pour
reprendre un autre cycle de négociations
totalement stériles avec Israël, ce qui
a permis à l’Autorité de gagner dix
années supplémentaires de survie,
pendant lesquelles elle a reçu de
généreux fonds internationaux tout en
vendant aux Palestiniens de faux espoirs
pour un État qui tenait du mirage.
Malheureusement,
c’est la stratégie actuelle des
dirigeants palestiniens : une
combinaison de menaces, de
contre-propositions et autres
initiatives, dans l’espoir que
Washington et Tel-Aviv acceptent de
revenir à une époque pourtant révolue.
Bien sûr, le peuple
palestinien, sous occupation, assiégé et
opprimé, est l’élément le moins
pertinent dans les calculs de l’Autorité
palestinienne, mais cela ne devrait pas
surprendre. Les dirigeants palestiniens
ont fonctionné depuis de nombreuses
années sans même un semblant de
démocratie, et le peuple palestinien ne
respecte ni son gouvernement ni son
soi-disant président. Ils ont fait
connaître leurs sentiments, à maintes
reprises, dans de nombreux
sondages d’opinion.
Au cours des
derniers mois, l’Autorité a utilisé tous
les moyens à sa disposition pour
démontrer sa pertinence et son sérieux
face à la double menace de l' »accord du
siècle » de Trump et de l’annexion des
terres palestiniennes par Netanyahu.
Pourtant, l’étape la plus importante et
la plus urgente, celle qui consiste à
unir tous les Palestiniens, peuples et
factions, derrière un seul corps
politique et un seul document politique,
reste à franchir.
Compte tenu de tout
cela, il n’est pas exagéré de dire que
l’Autorité d’Abbas est en train de
rendre son dernier souffle, surtout si
ses alliés européens traditionnels ne
parviennent pas à prolonger un
système de perfusion dont elle a
désespérément besoin.
Les positions très
timorées adoptées par les pays de l’UE
ont, jusqu’à présent, montré qu’aucun
pays européen n’est capable ou même
désireux de combler le vide laissé par
la trahison de Washington à l’égard de
l’Autorité palestinienne et du prétendu
« processus de paix ».
Tant que l’Autorité
ne « remettra pas les clés » à
l’Organisation de libération de la
Palestine (OLP) afin que l’organe
palestinien le plus démocratiquement
représentatif puisse entamer un
processus de réconciliation nationale,
Netanyahu restera, tragiquement, la
seule partie concernée, déterminant le
sort de la Palestine et de son peuple.
* Ramzy Baroud
est journaliste, auteur et rédacteur en
chef de
Palestine Chronicle. Son prochain
livre est «The
Last Earth: A Palestine Story» (Pluto
Press). Baroud a un doctorat en études
de la Palestine de l’Université d’Exeter
et est chercheur associé au Centre
Orfalea d’études mondiales et
internationales, Université de
Californie. Visitez son site web:
www.ramzybaroud.net.
24 juin 2020 –
RamzyBaroud.net – Traduction :
Chronique de Palestine – Lotfallah
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