Chronique de
Palestine
Libérez Heba al-Labadi,
emprisonnée et
torturée en Israël !
Ramzy Baroud
Heba al-Labadi âgée
de 24 ans, est détenue sans inculpation
au centre de détention d'Al-Damon -
Photo : réseaux sociaux
Vendredi 18 octobre 2019 Ramzy Baroud
– Le 20 août, Heba Ahmed al-Labadi a
été happée par le trou noir du système
judiciaire israélien,
rejoignant ainsi 413 prisonniers
palestiniens actuellement en détention
administrative.
Le 26 septembre,
Heba et sept autres prisonniers se sont
déclarés en
grève de la faim pour protester
contre leur détention illégale et leurs
horribles conditions de détention dans
les prisons israéliennes.
Ahmed Ghannam, âgé de 42 ans et
originaire du village de Dura près
d’Hébron, a entamé sa grève de la faim
le 14 juillet.
La détention
administrative est la pratique
judiciaire d’Israël quand il veut
simplement faire taire la voix des
militants politiques palestiniens, mais
ne dispose d’aucune accusation concrète
pouvant être présentée au grand jour
devant un tribunal militaire.
Les tribunaux
militaires israéliens ne sont vraiment
pas un exemple d’équité et de
transparence… En effet, s’agissant des
Palestiniens, l’ensemble du système
judiciaire israélien est biaisé. Mais la
détention administrative est un niveau
supplémentaire d’injustice.
La pratique de la
détention administrative remonte à 1945,
en pleine époque coloniale, dans le
cadre du Defense (Emergency)
Regulations adopté par les autorités
coloniales britanniques en Palestine
afin de réprimer la dissidence politique
palestinienne. Israël a modifié ce
règlement en 1979 en le renommant Loi
israélienne sur l’Autorité dans les
états d’urgence.
La loi après
révision a été utilisée pour incarcérer
indéfiniment des
milliers de militants politiques
palestiniens lors du
soulèvement palestinien de 1987.
Jour après jour, des centaines de
Palestiniens sont détenus conformément à
cette pratique illégale.
Cette procédure
prive les détenus de tout procès en
bonne et due forme et ne fournit aucun
élément probant expliquant pourquoi le
prisonnier – qui est souvent soumis à
une torture grave et implacable – reste
en détention.
Heba, une citoyenne
jordanienne, a été
arrêtée [kidnappée] à la frontière
al-Karameh (pont Allenby) alors qu’elle
se rendait de Jordanie en Cisjordanie
pour assister à un mariage dans la ville
palestinienne de Naplouse.
Selon le réseau de
prisonniers palestiniens Samidoun, Heba
aurait été retenue pour la première fois
au centre de détention des services de
renseignements israéliens à Petah Tikva,
où elle aurait été agressée et
torturée.
La torture est
permise en Israël depuis de nombreuses
années. En 1999, la Cour suprême
israélienne s’était formellement
opposée à l’usage de la torture mais
en 2019, le tribunal a explicitement
précisé que « la torture dans les
interrogatoires est légale dans
certaines circonstances du système
juridique israélien ».
Quoi qu’il en soit,
peu de choses ont changé dans cette
pratique avant ou après la
« clarification » du tribunal israélien.
Parmi les dizaines
de prisonniers palestiniens et arabes
que j’ai interviewés ces derniers mois
pour un
ouvrage à paraître sur l’expérience
de la prison par les Palestiniens,
chacun d’entre eux a subi une longue
séance de torture au cours de son
premier interrogatoire, souvent
renouvelée pendant des mois. Si leurs
expériences diffèrent, ce n’est que par
l’ampleur et la durée de la torture.
Cela vaut autant pour les détenus
administratifs que pour les dits
« prisonniers de sécurité ».
Wafa Samir Ibrahim
al-Bis, une Palestinienne du camp de
réfugiés de Jabaliya à Gaza, m’a raconté
ses années de détention dans les prisons
israéliennes. « J’ai été torturée
pendant des années dans la tristement
célèbre ‘Cellule neuf’ de la prison de
Ramleh, une chambre de torture qu’ils
ont réservée pour des gens comme moi »,
a-t-elle déclaré.
« J’ai été pendue
au plafond et battue. Ils m’ont mis un
sac noir sur la tête pendant qu’ils me
battaient et m’interrogeaient pendant
plusieurs heures et jours. Ils ont
libéré des chiens et des souris dans ma
cellule. Je ne pouvais pas dormir
plusieurs jours de suite. Ils m’ont mise
à nu et laissée comme ça pendant des
jours. Ils ne m’ont pas permis de
rencontrer un avocat ni même de recevoir
la visite de la Croix-Rouge. »
Heba est maintenant
perdue dans ce même système, un système
sans pitié ni obligation de rendre le
moindre compte, ni en Israël ni devant
les institutions internationales qui ont
le devoir de lutter contre ce type de
violation flagrante du droit
humanitaire.
Alors que les
mauvais traitements infligés à tous les
prisonniers palestiniens par Israël
s’appliquent de la même manière, sans
distinction d’appartenance politique,
d’idéologie ou d’âge, le sexe du
prisonnier compte pour ce qui est du
type de torture ou d’humiliation
utilisé. Beaucoup des femmes
emprisonnées que j’ai interrogées ont
expliqué comment les mauvais traitements
subis dans les prisons israéliennes
impliquent souvent des actes dégradants
et des abus sexuels.
L’un des mauvais
traitements consiste à faire en sorte
que les femmes détenues soient
déshabillées devant leurs interrogateurs
israéliens et obligées de rester dans
cette situation pendant toute la durée
de l’interrogatoire, qui peut durer
plusieurs heures.
Khadija Khweis, de
la ville d’Al-Tour, adjacente à la
vieille ville de Jérusalem-Est occupée,
a été emprisonnée par Israël à 18
reprises pour des périodes allant de
quelques jours à plusieurs semaines.
Elle m’a dit que « le premier jour de
mon arrivée à la prison, les gardes
m’ont complètement déshabillée ».
« Ils m’ont
fouillée de manière si dégradante… Je ne
peux même pas le décrire. Tout ce que je
peux dire, c’est qu’ils ont délibérément
essayé de me priver du moindre degré de
dignité humaine. Cette pratique de
déshabillage et de fouille corporelle
dégradante se répétait chaque fois que
je sortais de ma cellule puis y étais
ramenée. »
Heba et tous les
prisonniers palestiniens sont
quotidiennement victimes d’humiliations
et de mauvais traitements. Leurs récits
ne doivent pas être réduits à une
information occasionnelle ou à une
publication dans les médias sociaux,
mais devenir la raison d’être de tous
les efforts de solidarité visant à
dénoncer Israël, son système judiciaire
totalement hors la loi et ses tribunaux
qui ne sont qu’une parodie de justice.
La lutte des
prisonniers palestiniens incarne les
efforts de tous les Palestiniens. Leur
emprisonnement est une représentation
éclatante de l’emprisonnement collectif
du peuple palestinien – ceux qui vivent
sous l’occupation et l’apartheid en
Cisjordanie et ceux sous l’occupation et
le siège à Gaza.
Israël devrait être
tenu responsable de tout cela. Les
groupes de défense des droits et la
communauté internationale doivent faire
pression sur Israël pour qu’il relâche
Heba al-Labadi et tous ses camarades
détenus illégalement dans les prisons
israéliennes.
*
Ramzy Baroud est journaliste,
auteur et rédacteur en chef de
Palestine Chronicle. Son prochain
livre est «The
Last Earth: A Palestine Story» (Pluto
Press). Baroud a un doctorat en études
de la Palestine de l’Université d’Exeter
et est chercheur associé au Centre
Orfalea d’études mondiales et
internationales, Université de
Californie. Visitez son site web:
www.ramzybaroud.net.
9 octobre 2019 –
RamzyBaroud.net – Traduction :
Chronique de Palestine – Lotfallah
Le dossier des prisonniers palestiniens
Les dernières mises à jour
|