Algérie
patriotique
L’ancien ambassadeur des Etats-Unis à
Alger
Robert Ford «interrogé» à Washington
R. Mahmoudi
Robert
Ford. D. R.
Jeudi 28 janvier 2016
C’est sans doute la première fois que le
Congrès américain engage un débat aussi
franc et direct sur un des sujets qui
étaient considérés, jusque-là, comme un
tabou au pays de l’Oncle Sam. Un signe
que les Américains commencent à se
remettre en cause sur leurs relations
avec Riyad et qu’une nouvelle stratégie
serait mise en place pour y remédier.
Cela s’est passé lors d’une séance de
débat programmée cette semaine, en
présence de responsables du secrétariat
d’Etat, du département de la Défense et
des services de renseignement autour du
wahhabisme et du rôle de l’Arabie
Saoudite et sa relation avec le
terrorisme international. En tête des
responsables interrogés,
l’ex-ambassadeur américain à Alger,
Robert Ford, un pro-islamiste notoire
connu pour ses contacts avec le FIS et
le GIA en Algérie dans les années 1990,
et, depuis 2011, pour son rôle dans les
soulèvements dans plusieurs pays arabes
qui ont conduit à des guerres civiles.
Les questions sont posées par un député
républicain, Hank Johnson, de Georgia.
Première interpellation : «N’est-ce pas
une évidence que les mouvements
djihadistes internationaux sont
étroitement liés aux préceptes du
wahhabisme ? Oui ou non ?» Réponse d’un
représentant des Affaires étrangères :
«En effet, je peux dire que le
wahhabisme est une source d’inspiration
pour eux (les djihadistes, ndlr),
notamment pour les deux plus importants
groupes djihadistes activant à l’échelle
internationale, Daech et Al-Qaïda.» Le
responsable reconnaît, au passage, que
le wahhabisme est une idéologie «qui
nourrit l’intolérance au sein même de
l’islam». Question posée à Robert Ford :
«La famille régnante en Arabie Saoudite
ne tire-t-elle pas sa légitimité de la
doctrine wahhabite ?» Réponse édifiante,
mais gênée du trublion diplomate : «Les
Al-Saoud sont montés sur un tigre. C’est
qu’ils ne peuvent ni continuer ni en
descendre. Je ne peux pas dire que les
Saoudiens s’appuient exclusivement sur
le wahhabisme comme source de
légitimité. Ils tirent leur légitimité
de beaucoup de choses, dont le
wahhabisme.» Le député veut l’acculer au
pied du mur, en poussant plus loin :
«Etes-vous d’accord que la famille
régnante saoudienne propage le
wahhabisme à travers la création
d’écoles religieuses à travers le monde,
avec les rentes pétrolières ?» «Il est
certain, rétorque Robert Ford, que ces
projets sont financés par les revenus
des hydrocarbures.» Moment crucial dans
le débat : «La doctrine wahhabite
s’accorde-t-elle avec celle de Daech ?»
Réponse immédiate et détournée de
l’agent de la CIA Robert Ford : «Je
pense que non. Par exemple, les
wahhabites officiels en Arabie Saoudite
ne tuent pas les chiites. Ils les
oppriment, c’est vrai, ils ne leur
accordent pas tous leurs droits, mais
ils ne les tuent pas. Or, les chiites à
Raqqa ou à Mossoul sont exposés à la
mort.» Devant l’insistance du député, le
diplomate finit par avouer que les deux
doctrines «s’accordent dans le
fondement, même si Daech est beaucoup
plus extrémiste», nuance-t-il.
Enchaînement : «Est-ce raisonnable
d’accepter que le wahhabisme continue à
préparer le terrain à Daech à travers
l’endoctrinement et le recrutement ?»
Robert Ford n’hésite pas à lâcher : «Je
pense effectivement que la propagation
du wahhabisme par l’Arabie Saoudite aide
au recrutement de l’Etat Islamique.»
Devant cette impasse, l'ancien directeur
adjoint de la CIA Michael Morell,
intervenant en dernier, suggère un
dialogue avec l’Arabie Saoudite à propos
de sa doctrine wahhabite et de «la
manière avec laquelle ce problème
devrait être traité».
R. Mahmoudi
Le
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