Algérie
Des islamistes exacerbent les tensions à
Ghardaïa
et traitent les ibadites d'«ennemis de
Dieu»
R. Mahmoudi
Le
prédicateur salafiste algérien, Mohamed
Hamen, lors d'un séminaire au sultanat
d'Oman. D. R.
Mardi 14 juillet 2015
Les islamistes ne veulent pas rater
cette aubaine qui leur est offerte par
les événements qui secouent la vallée du
M’zab pour tenter d’appliquer leur
funeste dessein qui consiste à aggraver
les dissensions entre les deux parties
en conflit : les Chaâmba, qui sont de
confession malékite, et les Mozabites de
rite ibadite, profitant de l’absence des
forces politiques saines dans cette
région, livrée à elle-même depuis
plusieurs mois. Une vidéo qui circule
depuis deux jours sur les réseaux
sociaux montre bien des militants
intégristes à l’avant-garde d’une marche
de protestation organisée par la
population malékite à Ghardaïa, suite à
la mort de trois jeunes dans les
derniers affrontements à Ghardaïa, et
scandant des slogans anti-ibadites du
genre : «La Ilah illa Allah, el-ibadhi ‘aduw
Allah ! » (les ibadites ennemis de
Dieu). D’un point de vue religieux,
c’est un appel clair à la haine et à
l’excommunication de toute une
communauté dont les pratiques
religieuses n’ont pourtant jamais posé
problème, depuis leur installation dans
cette vallée du M’zab au Xe siècle,
suite à la chute de la dynastie des
Rostémides dont ils étaient issus. Ces
images confortent, en tous cas, la thèse
selon laquelle l’acharnement constaté
contre la communauté mozabite trouve, en
partie, son explication dans
l’embrigadement de ces groupes de jeunes
désœuvrés par des gourous fanatiques qui
leur décrivent les ibadites comme des
impies, voire comme des kharidjites ou
des apostats, que la religion ordonne de
combattre. Ces thèses takfiristes sont
aujourd’hui crânement brandies par des
prédicateurs algériens sous influence
wahhabite, à l’image d’un certain Belaïd
Abdellaoui qui sillonne le pays pour
donner des conférences sous couvert de
«colloques scientifiques» pour dispenser
en toute impunité cette pensée rigoriste
et dangereuse de l’islam, qui appelle à
la discorde dans sa perception la plus
primitive. Ce cheikh autoproclamé a été
invité en novembre dernier à un
«séminaire» organisé au sultanat d’Oman,
sous le thème «Les kharidjites et leur
survie jusqu’à l’avènement de
l’Antéchrist», et diffusé par la chaîne
de télévision intégriste à capitaux
saoudiens Iqraa. Dans son intervention
lue par un de ses disciples, Mohamed
Hamen (photo), qu’il a délégué, Belaïd
Abdellaoui explique que la secte des
kharidjites, dans son acception des
temps modernes, n’existe plus que sous
la forme de la Jama’a al-ibadhiya,
disséminée à travers cinq pays : le
Bahreïn, la Libye, la Tunisie, l’Algérie
et le Yémen. En s’appuyant sur des
hadiths jamais authentifiés et des
interprétations farfelues de quelques
«oulémas» connus pour être des
références de tous les mouvements
intégristes, tels qu’Ibn Taimiya, le
prédicateur algérien avance sans
sourciller que les kharidjites – et, par
extension, les ibadites – sont
«substantiellement destructeurs et
semeurs de fitna», au motif, selon lui,
qu’ils véhiculent «une fausse
interprétation du Coran et de tous les
préceptes de l’islam». «Ils sont aussi
dévoyés que les gens de Takfir wa-hijra»,
dira-t-il encore. Mais à aucun moment,
il n’a cité des exemples pour étayer ses
propos, ni fourni la moindre preuve
irréfutable de cette condamnation.
R. Mahmoudi
Publié sur
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