L'Humanité
Elsa et Salah Hamouri dans le viseur
Pierre Barbancey
Photo:
D.R.
Jeudi 21 janvier 2016
L’épouse de l’ancien prisonnier des
geôles israéliennes, enceinte de six
mois et employée au consulat général de
France, a été refoulée à l’aéroport de
Tel-Aviv.
Il était une fois
deux jeunes gens qui s’aimaient. Ils
décidèrent de se marier. Ce fut chose
faite, le 29 mai 2014. Un conte d’amour
qui pourrait se terminer comme tous les
jolis contes par « ils vécurent heureux
et eurent beaucoup d’enfants ». Mais
voilà, les faits se passent à
Jérusalem-Est, occupée par Israël. Lui
s’appelle Salah Hamouri. Il a purgé sept
années dans les geôles israéliennes,
jugé par une cour illégale et pour des
faits jamais avérés. Depuis qu’il est
sorti de prison, il est l’objet de
toutes les attentions des services de
renseignement intérieur israéliens, le
Shin Beth ou Shabak. En octobre dernier,
il a reçu, une nouvelle fois, une
interdiction de se rendre en
Cisjordanie. Une mesure s’apparentant à
une brimade puisque, du même coup, il ne
pouvait plus assister à ses cours pour
devenir avocat à l’université de Bir
Zeit, près de Ramallah. Salah est
pourtant un Français et dispose sur son
passeport de ce que l’on appelle un «
Return visa », un visa de retour
(renouvelable tous les trois ans), en
plus de sa carte d’identité de
Hiérosolymitain, délivrée chaque année
par l’occupant, visant à prouver que son
centre de vie (paiement de taxes
surtout) est bien à Jérusalem. C’est
d’ailleurs à Jérusalem-Est que le couple
s’est marié. Le mariage civil n’existant
pas dans la loi d’Israël (imposée
également dans la partie orientale de la
ville occupée), il a d’abord fallu
passer devant un imam, avant d’être
enregistré au consulat de France de la
ville, qui a délivré un livret de
famille. Un livret qui va servir,
puisque Elsa est maintenant enceinte.
L’accouchement est prévu pour le mois de
mars 2016. Une date qui a son importance
et explique certainement beaucoup de
choses…
Les douaniers israéliens
annulent le visa d’un coup de tampon
Pour les autorités
israéliennes, ce n’était pas suffisant.
Voilà qu’ils s’attaquent à Elsa Lefort,
l’épouse de Salah. Le 18 septembre
dernier, déjà, la demande de visa
d’épouse qu’elle avait formulée en tant
que ressortissante française avait été
rejetée. Elle avait alors interjeté
appel et avait bénéficié d’un visa de
service en tant qu’employée du consulat
général de France à Jérusalem. Le 21
décembre, tout comme son époux, Elsa se
rend en France pour passer les fêtes en
famille. À peine arrivée, dès le 22,
elle apprend par son avocat israélien
que l’appel pour le visa d’épouse a été
rejeté mais qu’il reste encore une
possibilité. Pour cela, elle dispose
d’un mois. Elsa a largement le temps
puisqu’elle doit rentrer le 5 janvier.
Mais lorsqu’elle atterrit à l’aéroport
Ben Gourion, elle est immédiatement
placée sur le côté. On l’interroge sur
les raisons de son entrée en Israël.
Lorsqu’elle répond qu’elle travaille au
consulat général de France, ce que les
douaniers ont vu puisqu’elle possède un
visa de service sur son passeport, on
lui demande tout de go si elle est
mariée, qui est son mari, où elle l’a
rencontré. Bizarrement, arrivé la
veille, le 4, Salah s’est vu demandé où
était sa femme, pourquoi elle n’était
pas rentrée avec lui ! C’est alors qu’on
signifie à Elsa qu’elle n’a pas le droit
d’entrer en Israël, que cette
interdiction était notée sur la lettre
de refus du visa d’épouse, ce qui n’est
pas vraiment établi. Or, elle possède ce
visa de service (comme tous les employés
du consulat), qui montre sa bonne foi,
délivré le 12 octobre 2015 et valable
jusqu’au 11 octobre 2016. Un visa à
multiples entrées, délivré par le
ministère israélien des Affaires
étrangères, division des affaires
consulaires. Un visa que les douaniers
israéliens annulent d’un coup de tampon
sur le passeport. Pour eux, l’affaire
était dans le sac, en quelque sorte.
Malheureusement pour cette
administration zélée, le 4 janvier, la
veille, le service des permis de
conduire, contacté pour une équivalence
avec le permis français, faisait savoir
que tout était en ordre, y compris le
visa !
La police des
frontières israélienne est l’une des
plus redoutables sections. Par sa dureté
et son manque d’humanité. Elsa a été
placée en détention dans un centre situé
près de l’aéroport, en attente
d’expulsion. Peu importe qu’elle soit
enceinte de plus de six mois, elle subit
des conditions d’incarcération
scandaleuses (hygiène, nourriture,
etc.). L’avocat de Salah et d’Elsa fait
appel de cet expulsion, arguant du
regroupement familial. Et là, la vérité
éclate sur les véritables motifs des
autorités israéliennes. Le refus
d’entrer s’appuie sur des motivations
uniquement politiques, comme déjà
précisé en octobre, parlant « des
risques de sécurité potentiels venant de
M. Hamouri et de sa conjointe, sur
laquelle il existe des informations
concernant ses activités qui présentent
un danger pour la sécurité du pays ».
La cour d’appel ose
même, dans ses attendus, écrire que «
les appelants dissimulent à la cour leur
activité terroriste » (sic). La fameuse
cour se basant sur un rapport des
services secrets affirmant qu’Elsa
aiderait « son mari dans ses activités
au sein du Front populaire et a des
liens directs avec d’autres militants de
l’organisation ». Voilà les motivations
de l’occupant, qui se drape dans des
arguties juridiques qui ne sont que
foutaises. Il s’agit en réalité
d’empêcher l’enfant d’Elsa et Salah
Hamouri de naître à Jérusalem et
d’éloigner Salah de sa terre natale.
Nettoyage comment ?
Une pétition a été lancée en ligne
Le sommaire de Pierre Barbancey
Le dossier Salah Hamouri
Les dernières mises à jour
|