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Le Grand Soir

"Continuez, Elkabbach !"

Philippe Grasset

Vendredi 6 juin 2014

L’interview de Poutine pour TF1 et Europe1, passée le 4 juin en soirée, on l’a vue, entendue et largement commentée (sauf dans la presse-Système anglo-saxonne où tout ce qui est Poutine tout en n’étant pas anglo-saxon ne passe guère). Russia Today en fait ses choux gras, ce 5 juin 2014, et l’on dira que c’est de bonne guerre. Plus intéressant, beaucoup plus intéressant, l’ensemble des impressions de Jean-Pierre Elkabbach, l’intervieweur d’Europe1.

Elkabbach est presque aussi vieux que la Vème République dans le sport de l’interview. Il en a vu de vertes et de pas mûres, et il a su manœuvrer avec habileté pour rester toujours dans les fauteuils d’orchestre. Elkabbach est un homme du Système, qui sait jouer au journaliste indépendant mais qui sait aussi jouer jusqu’où il ne faut pas aller trop loin. De sa carrière, on a retenu ses joutes à la fin des années 1970 avec Georges Marchais, le dirigeant fameux du PC français, et le dernier stalinien de l’Occident de l’immédiat avant-Gorbatchev, qui jugeait en 1980 le bilan du communisme « globalement positif ». (Cri de guerre resté fameux de Marchais lors de l’une ou l’autre de ses rencontres en studio avec Elkabbach : « Taisez-vous, Elkabbach ! ») On a retenu aussi sa très longue interview de 1993, un peu pathétique, entre le parler franc et le sauvetage convenu, avec François Mitterrand proche du terme de sa vie et tentant d’écarter le poids de sa maladie pour répliquer ; c’était à la suite des révélations sur les mauvaises mais chaleureuses fréquentations du président avec des collaborateurs notoires, dont il ne se départit jamais d’avoir été leur ami.

... Mais tout cela, pour Elkabbach, est balayé, effacé, – “il se fout du passé”, comme dit la chanson de cette chère et bien française Edith, – pour avoir vécu le 3 juin, à Sotchi, « un moment que je n’oublierai jamais ! » Ainsi europe1.fr donne-t-il, le 4 juin 2014 un texte dit Making Off, sur les coulisses de l’interview de Poutine. Sur la chaîne radio on avait pu entendre le même 4 juin 2014, peu avant l’interview, une mini-interview d’Elkabbach sur son exploit de Sotchi. Le texte du Making Off nous dit à peu près ceci :

« “Un entretien tout à fait libre”... Jean-Pierre Elkabbach a dévoilé les dessous de cet “entretien tout à fait libre”. “Cela peut être surprenant”, concède le journaliste d’Europe 1, mais l’interview avec le dirigeant controversé “s’est déroulée sans préalable, sans tabou”. “Ni Poutine, ni son entourage n’ont cherché à connaître les thèmes" des questions posées par Jean-Pierre Elkabbach et Gilles Bouleau [de TF1]. “Il les maîtrise, il vit avec”, explique le journaliste. “Il peut improviser.”

« Le dirigeant russe a pourtant fait attendre les deux journalistes pendant de longues heures, mais cela n’était pas une stratégie d’intimidation, insiste Jean-Pierre Elkabbach. En pleine crise internationale, un ballet de conseillers et ministres a précédé Europe1 et TF1 dans l’agenda de Vladimir Poutine.

 »“La fermeté et la raideur brutale d’un timide”. Jean-Pierre Elkabbach a également livré ses impressions sur celui qu’on appelle le nouveau tsar. “Il a une sorte de charisme froid”, décrit-il. “Une énergie sans exubérance, la fermeté et la raideur brutale d’un timide”, raconte le journaliste. Selon lui, Vladimir Poutine “ne ressemble pas à sa caricature”, mais il concède qu’il faut “être vigilant” devant le président russe. »

Ce texte, finalement assez prudent dans l’atmosphère générale des salons parisiens, ne rend pas justice à l’enthousiasme difficilement contenu d’Elkabbach pour Poutine, que l’on constate à la vision et l’écoute de la vidéo donnée en référence. (Sa réplique complète sur la question concernant la liberté de l’entretien et les conditions qu’il a rencontrées à Sotchi : « Pas du tout, pas du tout, ç’a été un entretien tout à fait libre des deux côtés et je sais bien des dirigeants français qui pourraient en prendre de la graine. » Ainsi Poutine deviendrait-il un exemplaire ès-liberté des contacts avec la presse pour les salons parisiens...)

Elkabbach est un vieux routier du monde de la communication et des salons parisiens, habile comme on l’a décrit, toujours prudent et ainsi de suite. Le vieux routier, habitué aux cahots, aux dépassements interdits et ainsi de suite, plutôt dans la catégorie “vieille canaille” (genre affectueux, type-Gainsbourg ou Eddy Mitchell) que vieille midinette s’il fallait l’apprécier, s’est pourtant laissé surprendre, c’est-à-dire séduire, et il est tombée sous le charme de Poutine... De quel charme s’agit-il ? A nous commentateurs de faire des hypothèses, et nous avons la nôtre. Il y a certes les qualités de l’homme (Poutine) mais il y aussi, – et surtout pour notre propos, et cela en ayant dans l’oreille et à l’esprit l’interview où Poutine fut excellent, – il y a surtout la fermeté et l’évidence du propos d’un homme qui s’appuie sur la force des principes. Il ne perd pas trop de temps, ni ne nous fait perdre le nôtre, à nous exposer que la Russie est un grand pays, – on le sait, – ni même un pays “exceptionnel” – cela est bien possible, sans avoir à en faire le sujet d’une doctrine stratégique pour la communication. Poutine décrit et explique, et alors l’affirmation de la souveraineté nationale dans la politique vous permet d’exposer cette politique avec une force principielle, c’est-à-dire qu’elle vous donne le talent et l’éloquence qu’exsude la structuration évidente du propos. On comprend la remarque d’Elkabbach (« ... et je sais bien des dirigeants français qui pourraient en prendre de la graine. ») : même pour le vieux routier retors et désabusé de la communication parisienne, le discours d’un homme qui applique une politique principielle pulvérise les slogans psalmodiés des dirigeants-Système du bloc BAO, qui ne peuvent s’appuyer que sur le vide de l’absence de substance. Par ailleurs, Poutine est habile : on ne parle pas en vain à un journaliste français, type-vieux routier de la Vème République à qui il reste toujours un reste de sentimentalisme pour la grandeur disparu, de De Gaulle et de Mitterrand, – c’est-à-dire, lorsqu’il s’agit de rappeler le souvenir de ces hommes qui surent montrer cette même éloquence que donne la pratique d’une politique principielle, du temps où un président français, quels que soient ses défauts et ses qualités, savait être transcendé par la fonction. (Et Elkabbach de conclure l’une de ses interventions, au cours du même mini-interview : « A Moscou, la France compte toujours ! »)

Quoi qu’il en soit, l’interview est, du point de vue de la communication, un coup de maître de Poutine. Il plante un coin dans la structure psycho-hyper-rigide antirusse et anti-poutinienne des salons parisiens en touchant des personnalités au cœur du Système et non plus seulement des marginaux et des dissidents hors-Système et limite antiSystème. Il rameute l’esquisse de ce qui pourrait être un changement de ton parisien à son égard, avec son déjeuner avec Sarkozy (dont Elkabbach, justement, est un fidèle), au moment où le gymkhana parisien imposé par les exigences de communication d’Obama (éviter à tout prix une rencontre avec Poutine entre deux dîners, ce 5 juin au soir, à Paname) a un peu agacé la crème politicienne de la capitale. (Pour tous ces épisodes, voir le 3 juin 2014.)

Curieusement, on retrouve cet avis chez Pépé Escobar ; tout cela, dirait-on, avec l’ombre du Mistral qui se profile, qui fera plus de vagues dans le sens transatlantique que nulle part ailleurs. Répondant à une interview de Russia Today le 4 juin 2014, Escobar nous emporte dans son habituel style imagé et ironique, pour nous faire comprendre finalement qu’à son point de vue, nous ne serions peut-être plus très loin d’un certain rapprochement franco-russe coordonné avec une certaine et nouvelle distance entre Paris et Washington. On verra...

Russia Today : « Le président Hollande projette de dîner deux fois le même soir avec Barack Obama et Vladimir Poutine séparément. Est-ce que c’est de la bonne diplomatie ou est-ce que ça ne fait que souligner la bizarrerie de la situation ? »

Pepe Escobar : « Je me suis interrogé sur le menu en fait. Qui aura le cheeseburger, qui aura le foie gras. Mais trêve de plaisanterie, l’affaire est sérieuse parce que Ben Rhodes, la spectaculaire médiocrité qui est un des conseillers d’Obama pour les affaires étrangères, a laissé fuiter à la presse étasunienne qu’il n’avait jamais été question d’organiser une rencontre entre Obama et Poutine. Donc, la Maison Blanche a refusé de se trouver dans la même pièce que Hollande et Poutine. Et les Français ont dû se débrouiller pour organiser deux dîners à la suite. C’est tellement ridicule que je ne trouve pas de mots pour le dire. Et tout cela après le marteau d’un milliard de dollars d’Obama qui a pour but d’étendre l’OTAN en Pologne, tout près de la frontière ukrainienne, donnant pratiquement un chèque en blanc au gouvernement polonais complètement hystérique pour continuer de crier au monde entier que la Russie va l’envahir d’un instant à l’autre. C’est complètement idiot. Et ils sont en Normandie pour célébrer les 70 ans [du débarquement de la 2ième guerre mondiale]. C’est une chose extrêmement sérieuse, en particulier la participation de la Russie : 25 à 30 millions de Russes y ont laissé la vie. En fait la Russie a été le premier pays à gagner la guerre contre l’Allemagne nazie, l’Occident ne l’a gagnée qu’en second. Par conséquent Obama et Poutine devraient être dans la même pièce. Il faudrait qu’ils soient dans la même pièce en raison de l’effort de guerre d’il y a 70 ans. Au lieu de cela, à cause des gamineries de l’administration Obama, nous avons ces ridicules deux dîners en suivant, jeudi, en France. »

Russia Today : « Obama aura le premier dîner et le président russe le second. ce n’est sans doute pas par hasard ? »

Pepe Escobar : « L’empire d’abord avec des cheeseburgers, puis Poutine avec du borshch et du boeuf stroganoff. Obama ne connaît rien au vin et Poutine n’est pas un grand amateur, alors qui va boire toutes les bouteilles ? Hollande. On nous distrait avec toutes ces bêtises alors qu’il faudrait parler de choses sérieuses comme d’une rencontre au sommet entre Obama, Poutine et Hollande pour parler de l’expansion de l’OTAN, des BRICS et de l’OTAN en tant que camps actuellement opposés, pour essayer d’apaiser les tensions internationales qui ont été générées essentiellement par l’administration Obama depuis le putsch de févier en Ukraine. Et maintenant on essaie de nous faire croire que les plus de 200 ou 300 civils tués dans l’est de l’Ukraine sont des terroristes, c’est grotesque. Voilà que tout est de la faute des victimes. C’est absolument dingue. Les présidents devraient s’asseoir à la même table pour parler de tout cela. »

Russia Today : « Lequel de ces dîners sera le plus difficile à digérer pour Hollande, à votre avis ? »

Pepe Escobar : « Je pense que le plus indigeste sera celui avec Obama, en fait. Les grandes entreprises françaises ne veulent pas qu’on impose plus de sanctions à la Russie. Elles veulent rester en Russie et faire des affaires avec la Russie et sa sphère d’influence. Les Etasuniens posent plus de problèmes parce qu’ils essaient d’imposer le Traité Transatlantique par dessus la tête des gouvernements européens et les Français en ont une peur bleue. Pas seulement des pans entier du gouvernement de Hollande, mais les Français ordinaires aussi. D’abord, à cause de la déculottée que les Socialistes ont prise aux élections européennes, qui a eu beaucoup à voir avec le traité transatlantique, qui, pour le dire vite, aboutirait au contrôle par les multinationales américaines d’une grande partie de l’industrie et des marchés européens. C’est ce que Obama va seriner à Hollande jeudi soir : “S’il vous plaît, signez le Traité Transatlantique.” Obama fait un voyage militaire– Pologne, Bruxelles, OTAN –et un voyage commercial, c’est cela qui fait toute l’importance de cette rencontre avec Hollande, il s’agit de le convaincre de signer le Traité dans les mois qu viennent. Cela ne se fera pas, la pression en France sera trop forte. »

Philippe GRASSET

Traduction des parties en Anglais : Dominique Muselet

EN COMPLEMENT (Profitez du blog Olivier Berruyer avant que celui-ci ne nous fasse un burn-out - surmenage...)

[Juste pour rire] Namias “Poutine n’a demandé qu’une chose pour son interview : aucune coupe !” (+ Europe 1) http://www.les-crises.fr/juste-pour-rire-aucune-coupe/

[IMPORTANT] La transcription de l’interview de Vladimir Poutine en version intégrale : le scandale des coupes de TF1 http://www.les-crises.fr/interview-poutine-scandale-des-coupes/

Source : http://www.dedefensa.org/article-_continuez_elkabbach__05_06_2014.html

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Publié le 6 juin 2014

 

 

   

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Source : Le Grand Soir
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