Arabie saoudite
Diagnostique d'un royaume en lutte
Noura
Samedi 2 juillet 2016
Depuis le printemps
arabe, plusieurs systèmes politiques au
Moyen-Orient se sont écroulés. Certains
se maintiennent difficilement et parfois
au coût d’une guerre, comme c’est le cas
en Syrie ou le conflit armé s’éternise.
De nos jours, nombreux sont les pays
arabes en sérieuses difficultés, se
posant la question de leur pérennité
dans le temps. Dans cette perspective
l’Arabie saoudite engagée sur plusieurs
fronts pour sa survie ne déroge pas à la
règle.
Il convient de
rappeler que la famille royale
saoudienne vit actuellement une période
difficile de son histoire. Les causes
principales de ses difficultés sont la
lutte acharnée entre les différentes
branches princières sur fond de guerre
au Yémen et en Syrie. Notamment la lutte
entre Ben Naïf ministre de l’intérieur
et Ben Salman ministre de la défense.
Hormis la lutte entre les branches
princières saoudiennes, le royaume doit
faire face au développement des
organisations tels Al Qaeda ou encore
Daesch sur son sol. Sans oublier la
révolte des chiites notamment dans la
région d’Al Hasa très riche en pétrole.
La mobilisation des chiites saoudiens à
l’ouest du royaume a valu l’exécution au
cheikh Nemer Al Nemer pour ses idées
séparatistes et ses réclamations d’un
Etat chiite, ce qui amputerait l’Arabie
Saoudite d’une région riche en
ressource. Ce malaise profond d’une
partie de la population est accentué par
une crise morale, politique et sociale,
due à plusieurs facteurs à la fois, tels
que l’égalité entre les citoyens du même
pays, les droits des femmes et le taux
élevé de chômage parmi les jeunes
saoudiens.
La politique de
l’Arabie Saoudite au Moyen-Orient est
fondée en premier lieu sur une lutte
fratricide contre l’Iran. Les saoudiens
accusent l’Iran d’avoir une politique
expansionniste. Cette idée constitue une
menace pour les saoudiens brisants leur
hégémonie sur la région. Les craintes
saoudiennes se sont multipliées suite à
l’accord nucléaire entre américains et
iraniens.
C’est dans cette
perspective que nous comprenons pourquoi
l’Arabie Saoudite essaye de ramener le
Yémen par la force sous sa coupe. L’Iran
soutient les Houthis au Yémen dans leur
guerre contre l’Arabie Saoudite. Un
Yémen sous influence iranienne préoccupe
sérieusement les saoudiens voyant dans
cela un début d’encerclement de la part
des iraniens. Il convient aussi de
signaler l’intérêt des saoudiens à la
région de Hadramout au Yémen. Cette
région constitue 36% du territoire
yéménite, avec 80% de ressources
pétrolières. Les saoudiens ont commencé
à s’intéresser sérieusement à la région
d’Hadramout suite aux accords passés
entre le sultanat d’Oman et l’Iran. La
région de Hardamout permet à l’Arabie
Saoudite d’avoir une ouverture vers le
golfe d’Aden puis vers l’Océan indien
sans passer par le golfe d’Hormuz..
Il est important de rappeler les câbles
diplomatiques divulgués par weakileaks
en 2008 sur la volonté de l’Arabie
Saoudite d’avoir des oléoducs afin
d’acheminer le pétrole du golfe Persique
jusqu’au golfe d’Aden.. Ces
raisons à elles seules n’expliquent pas
le conflit yéménite, mais permettent de
donner un éclairage sous un autre angle.
Quant à la Syrie,
l’Arabie Saoudite est aussi en
confrontation avec l’Iran allié du
pouvoir syrien et cela depuis des
décennies. Mais il ne faut pas ôter de
nos esprits le projet du gazoduc qui
devait passer par la Syrie venant de
Qatar, Arabie Saoudite, Jordanie pour
acheminer cette énergie en Europe. C’est
dans ce fait, et devant le refus du
président Bachar Al-Assad de signer ce
projet optant pour un autre gazoduc que
réside une grande partie du conflit
syrien. Celles et ceux qui cernent la
complexité des projets de gazoducs au
Moyen-Orient comprendront mieux comment
la guerre en Syrie est plus une guerre
énergétique qu’autre chose. Mais aussi
l’alliance ambigüe entre Israël et
l’Arabie Saoudite explique en partie
pourquoi cette dernière veut un
changement de régime en Syrie. Une chute
probable du régime de Damas permettrait
à l’Arabie Saoudite et à Israël de
gouverner le Moyen-Orient, piétinant la
cause palestinienne et avec elle le
Hezbollah, ennemi premier d’Israël et
menace élémentaire pour le royaume
saoudien de part son appartenance chiite
ainsi que son alliance avec l’Iran.
Le Liban paraît
pour les saoudiens comme un pays sous
domination du Hezbollah que l’Arabie
Saoudite s’emploie à combattre par tous
les moyens, pour les raisons que nous
avons cités. Plusieurs indices révèlent
la dégradation des relations
libano-saoudiennes. Le premier est la
suspension le 19 février 2016 d’un
important programme d’armement de 3
milliards de dollars acheté par l’Arabie
Saoudite à la France à destination de
l’armée libanaise. Cette aide militaire
à l’armée libanaise aurait pu
contrebalancer la force armée du
Hezbollah. La question qui se pose est
pourquoi ce programme s’est arrêté ? La
décision saoudienne a encore laissé la
voie libre au Hezbollah au Liban,
surtout face à une armée libanaise
faible matériellement pour lutter contre
la menace terroriste. En punissant le
Liban l’Arabie Saoudite jette les
libanais dans les bras de l’Iran, seul
acteur semblant capable de défendre le
pays des Cèdres contre la vague
terroriste au Moyen-Orient.
Enfin, les
relations entre l’Arabie Saoudite et
l’Iran ont commencé sérieusement à se
détériorer lors de la prise de pouvoir
des chiites en Irak suite à
l’arrestation et l’exécution de Saddam
Hussein, ce qui a donné l’opportunité à
l’Iran de jouer un rôle important dans
ce pays, constituant pour elle une porte
vers le Moyen-Orient arabe au nom de la
solidarité confessionnelle avec les
chiites d’Irak. Les relations
irako-saoudiennes ont eu un semblant
d’apaisement suite au départ du premier
ministre Nuri Al-Maliki et la visite à
Riyad en 2014 du nouveau président
irakien Fouad Massoum.
Il existe un point
élémentaire qui doit être pris en compte
dans la politique actuelle de l’Arabie
Saoudite, qui est ses relations avec les
pays du Golfe. La rivalité entre
l’Arabie Saoudite et le Qatar est à son
apogée. Les rapports entre saoudiens et
qataris sont concurrentielles et du fait
conflictuelles. La rivalité entre
l’Arabie Saoudite et le Qatar s’est
accentuée lors du printemps arabe, où le
Qatar est sorti entièrement de l’égide
de l’Arabie Saoudite se rapprochant des
frères musulmans ennemis du royaume
saoudiens, s’ingérant dans les affaires
syriennes, abandonnant son rôle de
médiateur au Moyen-Orient pour devenir
un acteur à part entière. Aujourd’hui le
seul point qui rassemble saoudiens et
qataris est la lutte contre les chiites.
Le diagnostique de
la politique saoudienne au Moyen-Orient
révèle deux tendances, celle de l’Arabie
Saoudite qui souhaite maintenir son
hégémonie sur le Moyen-Orient et l’Iran
qui s’étend au nom de l’aide aux
opprimés. La lutte entre l’Arabie
Saoudite et l’Iran n’est que sur le
leadership au Moyen-Orient. De cette
hégémonie dépend sa survie et pérennité
dans le temps.
Noura
Publié le 6 juillet 2016 avec
l'aimable autorisation de l'auteur
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