Opinion
Le plan saoudo-sioniste
contre le Hezbollah :
intimidation ou réalité ?
Amin Hoteit
Mardi 8 mars 2016
Immédiatement après
sa défaite au Liban
en 2000, Israël
a commencé à chercher
la riposte qui compenserait son
échec face au Hezbollah. Pour cela, il a
organisé la première « Conférence
d'Herzliya », puis a exécuté une série
d’actions hostiles contre la région,
avant d’en arriver à sa guerre contre le
Liban en 2006 ; une agression sur
laquelle ont misé les
tenants du projet américano-sioniste
comme point de départ de la création
d’un
Moyen-Orient
contrôlé par les États-Unis où il n’y
aurait plus place pour la Résistance et
tous ceux qui pourraient y songer [1].
Mais le combat héroïque du Hezbollah a
dissipé ses rêves hostiles. Il est sorti
victorieux de cette guerre, instaurant
les bases d’’une « dissuasion active »
douloureuse pour Israël.
L’une des conséquences de cette
victoire de 2006 fut le virage des
planificateurs de ce projet d’occupation
colonisatrice vers la stratégie dite
du « soft power », telle qu’adoptée par
les Forces de l’OTAN en 2010, avec pour
résultat l’incendie catastrophique
présenté par l’Occident comme un
« printemps arabe » qui est, en réalité,
un printemps américano-sioniste censé
anéantir l’« Axe de la Résistance » à
partir de sa citadelle centrale : la
Syrie.
Mais malgré la multiplication des
plans et les stratégies successives, la
Syrie, l’Axe de la Résistance et
dernièrement, la Russie, ont réussi à
créer une nouvelle donne fondée sur
trois constats :
-
L'agression est incapable
d'atteindre ses objectifs, la Syrie
étant reconnue une et indivisible.
-
Le poids militaire et
stratégique de l’Axe de la
Résistance est désormais plus
important qu’il ne l’était il y a
cinq ans.
-
Le temps joue en faveur de la
Résistance, le camp des agresseurs
de la Syrie pouvant obtenir,
aujourd'hui, davantage que ce qui
lui resterait demain.
D’où la
terrible déception et l’horrible
frustration des agresseurs et de leurs
alliés, chacun étant condamné à choisir
la voie susceptible de limiter ses
pertes et éventuellement d’inverser la
donne au moment opportun. Ce qui
explique la dispersion des prises de
position et la discorde devenue la
caractéristique dominante au sein de
leur camp, divisé entre réalistes et
ceux qui refusent les faits accomplis.
Dans cette dernière catégorie se situent
l’Arabie saoudite et Israël couverts par
les États-Unis, lesquels président
pourtant la catégorie des réalistes se
dirigeant vers une solution politique.
L'Arabie
Saoudite a jugé que son échec en Syrie
s’ajoutait à tous les autres dans
la région, ce qui anéantit son espace
stratégique vital et conduit
inévitablement à la perte de sa capacité
de contrôler les décisions du monde
arabe et musulman.
Quant à
Israël, cet échec signifie la fin d’un
rêve auquel il a travaillé depuis au
moins quinze ans, celui d’anéantir le
Hezbollah et de démanteler l'Axe de la
Résistance. Ce, d’autant plus que cet
échec coïncide avec le renforcement des
capacités militaires du Hezbollah, au
point de lui permettre d’atteindre une
nouvelle équation de dissuasion
stratégique mettant lsraël dans
l’incapacité de mener, à lui seul, une
guerre victorieuse contre lui.
Et pour
couronner le tout et exacerber
l’amertume des uns et des autres, voici
que la question syrienne prend le chemin
d’une solution politique qui risque, au
cas elle est appliquée par toutes les
parties, de consacrer les bénéfices des
gagnants et les défaites des perdants
avec quelques cadeaux de compensation
qui rendraient l’échec moins cuisant.
Un contexte
qui a poussé Saoudiens et Israéliens à
tenter de renverser la situation et à
revenir sur le terrain pour compenser
ces pertes et atteindre leurs objectifs
en totalité ou en partie, d’où
l’alliance israélo-saoudienne déclarée
publiquement, après avoir été longtemps
secrète, sans aucun égard envers les
Palestiniens, les Arabes et les
Musulmans ; une alliance dont le plan se
résumerait en quatre points :
-
Le premier point
:
Diabolisation du Hezbollah et de sa
résistance afin de le cerner de tous
les côtés en faisant croire qu’il
constitue un danger pour le monde
entier et ainsi réussir à créer les
conditions d’une coalition
internationale contre lui, semblable
à celle formée contre Daech [EIIL ou
EI]. Dès lors, Israël pourra faire
partie de cette coalition et, par
conséquent, n’aurait plus à assumer
seul la charge de le combattre et
échapperait à la récente équation de
dissuasion stratégique qu’il lui
impose. Dans ce but, les deux alliés
se seraient partagés les tâches.
L’Arabie
saoudite s’est chargée de le faire
passer pour une organisation terroriste
sous prétexte qu’il représente « une
menace pour la sécurité nationale
arabe». Elle a commencé à y travailler
au niveau local avant d’aller au Conseil
de Coopération du Golfe [CCG] [2],
puis au Conseil des Ministres arabes de
l'Intérieur [3]. Elle devrait
poursuivre sa quête au Sommet arabe
prévu en avril prochain, puis à
l’Organisation des Nations Unies.
Quant à
Israël, sa tâche a surtout consisté à se
concentrer sur la menace que le
Hezbollah représenterait pour « la
population civile israélienne et pour la
stabilité du Moyen-Orient » [4], d’où
ses déclarations sur ses capacités
offensives de 41.000 combattants
hautement expérimentés et de 100.000
mille missiles dont la portée serait de
10 à 350 kilomètres.
-
Le deuxième
point : Explosion de la
situation sécuritaire libanaise et
ouverture de plusieurs fronts contre le
Hezbollah, associées à la coupure de ses
moyens et renforts, d’où l’escalade dans
le ton du discours politique à son
encontre et l’acheminement d’armes vers
le Liban.
Faisait
partie de cette opération le cargo
arraisonné actuellement en Grèce,
puisque parti de Turquie, il se
dirigeait vers Tripoli [Liban] avec, à
son bord, 6000 armes à feu dont des
fusils de précision sophistiqués et 45
tonnes de munitions et d’explosifs [5].
Et, d’une certaine manière, l’annulation
du « don » saoudien à l’armée et aux
forces de sécurité libanaises [3+1
milliards de dollars, NdT] fait aussi
partie de cette même opération, afin de
les priver des moyens nécessaires au
rétablissement de la sécurité une fois
la déstabilisation réussie [6].
-
Le troisième
point : Déclenchement
de la guerre contre le Hezbollah après
création d'une large coalition
internationale semblable à celles que
nous avons connues au cours des trois
dernières décennies, à commencer par
celle levée pour libérer le Koweït de
Saddam Hussein jusqu'à la prétendue
coalition, toujours menée par les
États-Unis, contre Daech ; l’idée des
concepteurs de ce projet
israélo-saoudien étant qu’une telle
coalition infligerait au Hezbollah une
longue guerre qui l’épuiserait à défaut
de l’exterminer.
-
Le quatrième
point : Torpillage de
toute solution politique en Syrie en la
reportant et en posant des conditions
préalables inacceptables jusqu’à la fin
du mandat présidentiel d'Obama, dans
l’espoir de voir revenir les
Républicains avant concrétisation de
tout accord. Dès lors, il serait
beaucoup plus facile de discuter du
dossier syrien et de tous les autres,
dont celui du Hezbollah. D’où
l’obstination du ministre saoudien des
Affaires étrangères à bloquer la
solution envisagée en se cramponnant à
la destitution du Président syrien.
La phase
initiale de ce projet, développé par le
régime sioniste en Israël, est
actuellement mise à exécution par
l'Arabie Saoudite qui use de toutes ses
capacités médiatiques, financières et
politiques. Malgré cela, nous écartons
la possibilité que le plan
saoudo-sioniste puisse réussir et aller
au-delà de ce stade, car les évolutions
sur le terrain syrien et régional ainsi
que les cartes des relations
internationales et régionales ne lui
prédisent pas le succès. En effet, il
suffit de rappeler les échecs successifs
des plans saoudiens en Irak, en Syrie,
au Yémen et au Liban, ainsi que l'échec
de leur coalition arabe, de leur
coalition islamique et dernièrement le
refus d’obtempérer des Ministres de
l’Intérieur des principaux États arabes
[7], pour dire que la folie
saoudienne ne le mènera pas vers le
succès.
Quant à
Israël, il pourrait se considérer
gagnant quel que soit le dénouement,
puisqu’il lui suffit de glaner les
bénéfices de la « normalisation avec
les arabes » avec lesquels il se
retrouverait dans une même tranchée
contre le Hezbollah, vu comme l’ennemi
qui l'a forcé à dépenser 80% de son
revenu national pour sa défense et sa
sécurité.
Reste que le
plus dangereux est que cette alliance
dite « israélo-arabe » puisse tourner la
page de la question palestinienne et
mener à l’abandon de la Palestine par
les arabes, alors que nous croyons que
le Hezbollah prépare pour chaque
situation la réponse qui lui convient
afin d’offrir à ceux qui le soutiennent
la victoire qu’ils méritent.
Amin
Hoteit
07/03/2016
Source :
Al-Thawra [Syrie]
http://thawra.sy/_kuttab.asp?FileName=42100984920160306222201
Article
traduit de l’arabe par Mouna Alno-Nakhal
Notes :
[1] The seventh annual Herzliya
Conference - 2007
http://www.herzliyaconference.org/eng/?CategoryID=243&ArticleID=1918
[2] Les monarchies du Golfe
déclarent le Hezbollah terroriste
http://www.rfi.fr/moyen-orient/20160302-monarchies-golfe-arabie-saoudite-hezbollah-terrorisme-organisation-terroriste-
[3] Le Liban refuse de
soutenir la décision de la Ligue arabe
sur l'Iran
https://fr.sputniknews.com/international/201601101020832910-liban-ligue-iran-hezbollah-riyad/
[4] Au coeur de la menace du
Hezbollah
http://tsahal.fr/2015/02/15/au-coeur-de-la-menace-du-hezbollah/
[5] Un bateau
d’armes envoyé au Liban, en provenance
de la Turquie
http://www.almanar.com.lb/french/adetails.php?fromval=2&cid=23&frid=18&seccatid=23&eid=289573
[6] L’Arabie saoudite
interrompt son soutien financier à
l’armée libanaise
http://www.rfi.fr/moyen-orient/20160220-arabie-saoudite-interrompt-son-soutien-financier-armee-libanaise
[7]
L’Algérie et la Tunisie refusent de
classer le Hezbollah comme une
organisation terroriste
http://www.french.alahednews.com.lb/essaydetails.php?eid=17679&cid=307#.Vt8MmOZu2T0
Le
Docteur
Amin Hoteit
est libanais, analyste politique,
expert en stratégie militaire, et
Général de brigade à la retraite.
Le
dossier Hezbollah
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