Algérie Résistance
L’Algérie à la tête d’Afripol
Mohsen Abdelmoumen
Le siège d’Afripol à Alger. DR.
Mardi 22 décembre 2015
La naissance d’Afripol à
Alger
Le 13 décembre dernier, la Conférence
africaine organisée par la direction
générale de la Sûreté nationale (DGSN) a
eu lieu à Alger avec la participation
des représentants de 40 pays, de l’Union
Africaine et d’Interpol. Les directeurs
et inspecteurs généraux de police des
pays africains s’étaient réunis en vue
de finaliser la création d’une structure
réunissant toutes les polices africaines
pour une coopération visant à lutter
contre la criminalité organisée, la
cybercriminalité, le trafic de drogue et
d’armes, et le terrorisme auxquelles ces
diverses activités sont liées.
Cette rencontre avait pour but
d’entériner les textes juridiques
relatifs à cet organisme qui sera
opérationnel en 2016 sous la houlette de
la DGSN. Cette nouvelle force africaine
imaginée par l’Algérie en 2013 porte le
nom d’Afripol et permettra à tous les
pays africains de s’accorder dans la
lutte contre le terrorisme.
Le fait que
l’Algérie soit à la tête de cette
structure est d’une importance
stratégique, car l’Algérie est non
seulement un interlocuteur
incontournable de par son expérience
dans la lutte antiterroriste mais son
influence se révèle capitale dans
l’échange de données concernant le crime
organisé et le terrorisme. Il est en
effet plus que nécessaire d’établir un
tel mécanisme qui pourra mettre sur pied
une gigantesque base de données, d’où
l’importance de la présence à cette
réunion du DRS, représenté par son
patron, le Général major Tartag, venu
appuyer l’initiative de la DGSN.
Rappelons que le DRS détient une énorme
base de données constituée au cours des
années de lutte antiterroriste. En
assistant à ce colloque, le DRS fait
donc un signe marquant envers les
partenaires africains, apportant son
poids à cette nouvelle structure. La
base de données du DRS peut servir de
véritable rampe de lancement dans la
lutte antiterroriste, que ce soit en
Afrique et en Europe. Cela se vérifie
dans l’échange que les services de
renseignement algériens effectuent avec
les pays de l’Union Européenne,
information confirmée par mes sources du
côté européen. Les informations que le
DRS a envoyées à des pays occidentaux,
il faut insister à ce sujet, ont permis
de déjouer de nombreux attentats sur le
sol européen.
L’importance de créer une structure
interétatique regroupant tous les pays
africains est cruciale, car elle
constituera une immense plateforme
d’informations et permettra de
coordonner les efforts de tous les pays
vers un seul but : combattre la
criminalité sous toutes ses formes, et
surtout le terrorisme. Dans cette
optique, aucun pays ne pourra se
permettre de jouer en solo. C’est l’un
des aspects très importants de cette
initiative et c’est la raison pour
laquelle il faut encourager l’idée
d’Afripol. Le chef de la DGSN, le
Général major Abdelghani Hamel, a donné
les trois grands principes de la
nouvelle structure africaine : mise en
commun des capacités techniques,
coopération opérationnelle et assistance
mutuelle, insistant sur le fait qu’il
faut aider ce bébé à grandir et à
acquérir sa maturité, afin qu’Afripol
devienne une organisation de poids.
Cette initiative inespérée intervient à
un moment décisif pour le continent
africain, car réunir autant de pays et
arracher un accord commun est un
véritable tour de force dû aux efforts
de l’Algérie. Ce rôle de pionnier lui
incombe de par son expérience inégalable
dans la lutte contre le terrorisme et
contre la criminalité, notamment dans le
grand banditisme, divers trafics de
drogue, armes, etc., d’autant que la
combinaison entre ces différentes formes
de criminalité alliant grand banditisme,
crime organisé et terrorisme est avérée.
Sachant que les filières des
narcotrafiquants passent à présent par
l’Afrique, il est plus qu’essentiel de
se doter des outils qui permettront dans
un premier temps à récolter toutes les
informations et de constituer une base
de données commune entre tous les pays,
atout majeur pour lutter efficacement
contre le terrorisme. Ce premier pas de
la coopération policière représentée par
Afripol sera peut-être un préambule à la
création d’une agence de renseignement
africaine.
Autre effet positif d’Afripol dans
les pays composant cette structure, la
nécessité d’une coordination entre les
différents services, allant de la police
à l’armée en passant par les différentes
agences de renseignement, sera
prioritaire. Afripol sera en mesure de
stimuler une coordination entre les
États et au sein même de certains de ces
États où il existe une défaillance entre
les services sécuritaires, Afripol
encourageant les différents corps
sécuritaires à se coordonner, ce qui est
vital pour la survie des États et des
nations. Ainsi la question libyenne est
au centre de toutes les préoccupations.
La Libye est devenue un pays sans État,
ni armée ni police, et, de plus, offrant
un sanctuaire à divers groupes
terroristes et où Daech étend son
influence. L’expérience d’hommes tels
que Toufik, Hassan, et autres
spécialistes du renseignement s’avère
donc essentielle et il est urgent de
dépasser les grilles de lecture
claniques et de permettre à ces hommes
de valeur de pouvoir participer à
nouveau à une lutte qu’ils connaissent
bien. L’aspect politique n’est certes
pas à occulter, il restera déterminant,
et tous les pays devront régler leurs
problèmes politiques internes.
Concernant la coopération entre
services et États, même les Européens
sont conscients de l’importance de
l’échange d’informations puisque le
débat est relancé en Europe. Bien que
l’Union Européenne dispose d’Europol,
les Européens en demandent encore
davantage car leur territoire est devenu
une cible pour les terroristes. Lors du
dernier sommet des chefs d’État à
Bruxelles, la Chancelière allemande
Angela Merkel a fait une intervention
intéressante au cours de laquelle elle a
évoqué la nécessité de se servir de la
base de données d’Interpol, demandant à
ce que toutes les agences de
renseignement et les différentes polices
européennes s’en servent comme outil de
travail. Madame Merkel a mis le doigt
sur la plaie sachant que de nombreux
États européens manquent de
coordination, non seulement entre eux
mais aussi au sein de certains États où
il existe un manque flagrant de
coopération entre les différents
services de police et de renseignement.
Cette harmonisation est essentielle pour
lutter efficacement contre le terrorisme
ou contre le grand banditisme avec les
différents trafics, armes, drogue, etc.
dont on sait maintenant qu’ils sont
étroitement liés, car tous les
spécialistes s’accordent à dire que les
trafiquants d’armes et les
narcotrafiquants sont liés à la
nébuleuse terroriste, soit Daech ou
Al-Qaïda. La constitution de bases de
données est donc essentielle et
constitue un enjeu stratégique majeur.
Dans un second temps, la nécessité
d’échanges intensifs d’informations
entre les polices européennes et Afripol
s’avéreront inestimables dans la lutte
contre le terrorisme.
L’Algérie ayant pris l’initiative et
le commandement d’Afripol, il faut
effectuer un travail pédagogique et
offrir une formation aux policiers,
gendarmes et agents de renseignement des
pays partenaires dans une mise à jour
permanente afin d’obtenir des résultats
probants et améliorer le rendement, ce
qui sera répercuté au niveau de la
structure et au niveau des États
adhérents. S’il n’existe quasiment pas
de police et d’armée dans certains pays
africains, il faut commencer à réfléchir
sur la manière de doter ces pays des
différents segments sécuritaires, ce qui
est plus que vital. Dans un autre
chapitre, je plaide également pour la
formation de journalistes capables de
maîtriser l’information sécuritaire et
qui puissent donner la parole à des
acteurs de terrain expérimentés.
L’information sécuritaire est tellement
stratégique aujourd’hui qu’il faut
former les journalistes à recouper,
mettre en valeur l’information et à
faire attention à leurs propos car les
dossiers touchant aux renseignements
sont extrêmement sensibles.
Passons sur les différentes
spéculations concernant la présence du
Général major Tartag à cette réunion et
sur les supputations les plus
fantaisistes liées au fait qu’il se soit
fait photographier ou sur la couleur de
sa cravate. Il faut cesser de lier les
questions sécuritaires à des
considérations vestimentaires, et
dépasser la mentalité stupide de
personnaliser les institutions. Les
questions d’ordre sécuritaire ou de
renseignement sont trop sensibles pour
les réduire à des histoires de personnes
et je formule le vœu que l’on arrête de
parler des personnes pour se concentrer
sur les différents déficits en matière
de lutte contre le terrorisme et de la
communication sécuritaire. Chaque
personne qui a contribué à la lutte
antiterroriste est importante, et ceux
qui s’attaquent à l’ancien chef du DRS
parce qu’il n’est pas là, ont trouvé un
courage qu’ils n’ont jamais montré
lorsque le général Toufik était en
fonction. Ceux qui portent atteinte à
Toufik et à ses collaborateurs – et je
rappelle que Tartag a été l’adjoint de
Toufik -, portent atteinte à toute
l’institution du DRS et de l’armée. Il
faut stopper cette mentalité de lâche
qui consiste à attaquer celui qui n’est
plus là. Quoi qu’il en soit, la présence
de Tartag est un signe positif envers la
nouvelle structure Afripol qui ne doit
pas seulement être policière, même si la
police y joue un rôle majeur, mais doit
avoir un spectre très large et s’ouvrir
aux différents corps de sécurité.
Afripol opérationnelle sera un
interlocuteur appréciable pour les
Européens et autres partenaires, et
aidera à réactiver une coopération,
puisque la sécurité en Afrique garantit
la sécurité de l’Europe. Comme les
mouvements terroristes pullulent dans la
région du Sasel (Sahara-Sahel), la
coordination entre services dans le
cadre d’Afripol permettra de se
concerter et de coopérer avec la
structure européenne, notamment avec le
travail que fait aujourd’hui le
coordinateur européen de la lutte
antiterroriste, Gilles de Kerchove, qui
trouvera côté africain de bons
interlocuteurs et des gens expérimentés,
notamment les services de renseignement
algériens.
Alger, via l’initiative de la DGSN,
est devenue aujourd’hui la capitale des
polices africaines. Je rappelle que
l’Algérie a combattu toute seule des
hordes de terroristes pendant de longues
années et connaît mieux que quiconque la
nécessité d’avoir des partenaires. Ce
n’est donc pas un hasard si elle a mis
sur pied cette organisation. Son
expérience acquise au cours de la
décennie noire est un atout majeur pour
la réussite des missions dévolues à
Afripol. Avec le siège d’Afripol à
Alger, la capitale algérienne est
aujourd’hui le centre africain du
renseignement et de la collecte
d’informations, dont Afripol sera la
pierre angulaire et une rampe de
lancement pour d’éventuelles opérations
visant à l’anéantissement de Daech et
autres organisations criminelles. La
coopération entre services européens et
algériens et la structure Afripol
dirigée par la DGSN, valorise
l’expérience algérienne et permet une
bonne coordination entre tous les
services qu’ils soient européens,
africains, et mondiaux. Certains États
restant très réticents à échanger des
informations et préférant le
« donnant-donnant » en offrant le moins
possible, pratiquant même la rétention
d’informations, il est indispensable
pour les pays partenaires d’être
transparents et de comprendre que le
refus d’échanger des informations doit
être punissable. Par exemple, le Maroc,
notamment via le Makhzen qui détient des
informations concernant certains
terroristes qu’il manipule ou dans le
cas des terroristes belges issus de
l’immigration marocaine que le Makhzen
connaît très bien et qui n’a pas
communiqué l’information à temps, ce qui
a été confirmé par mes sources dans le
renseignement belge. Ces agissements ne
seront plus permis et entraîneront des
sanctions immédiates, comme la mise en
quarantaine voire l’expulsion. Tous les
partenaires doit échanger leurs
informations, le statut de l’Afripol
devant privilégier la transparence en ne
contentant pas d’être une coquille vide.
Afripol doit être le fer de lance de la
lutte anti banditisme, anti criminalité
et antiterroriste. Les pays constituant
Afripol doivent être mis à jour, envoyer
leurs éléments effectuer des formations,
des stages de perfectionnement,
coordonner leurs efforts et les
conjuguer avec les partenaires
occidentaux qu’ils soient européens ou
américains, ainsi qu’avec nos
partenaires stratégiques tels la Russie
et la Chine. L’Afripol deviendra ainsi
un interlocuteur incontournable. C’est
une structure qui doit bénéficier de
tous les moyens en hommes et en matériel
pour qu’elle puisse exister et se
renforcer jusqu’à devenir référentielle.
L’Algérie à cette fin doit jouer un rôle
majeur, et la création de cette
structure doit être aidée et cautionnée
par toutes les instances, autant par
l’ONU que par l’Union Européenne qui
fait face aujourd’hui aux menaces
terroristes.
Afripol n’est pas seulement une
question africaine ou algérienne, elle
doit être aussi une question européenne
et internationale, c’est-à-dire
mondiale. En étant à l’avant-garde de la
construction de cette grande
organisation, l’Algérie tourne aussi le
dos à la nouvelle coalition absurde
chapeautée par les Saoudiens et qui
regroupe le Qatar et d’autres pays
arabes. Je rappelle que l’Arabie
saoudite est le premier financier du
terrorisme. Une coalition antiterroriste
sérieuse ne peut se mettre en place que
sur la base d’une organisation
transnationale telle qu’Afripol. Lutter
contre le terrorisme ne se fait pas à la
manière des Saoudiens avec des
coalitions boiteuses qui ne servent qu’à
agresser des pays au mépris de toutes
les conventions internationales, comme
on le voit avec le Yémen ravagé. Il faut
que les Saoudiens, les Turcs et les
Qataris, cessent de financer, armer et
entraîner le terrorisme et renoncent à
diffuser un contenu idéologique qui
fabrique les terroristes via le
wahhabisme. Il est heureux que l’Algérie
ait travaillé à la création de cette
structure africaine, car la profondeur
géostratégique de l’Algérie est en
Afrique et non dans les pays du Golfe ou
en Asie. Nous ne devons pas occulter
notre dimension africaine qui est aussi
importante que nos différents
partenariats et l’élargir vers d’autres
secteurs, économiques et autres.
Aujourd’hui, travailler sur le court
terme est important mais à moyen et à
long terme, une organisation comme
Afripol qui disposera de suffisamment
d’agents bien formés et compétents,
s’avère essentielle. Face au fléau
terroriste qui s’est internationalisé et
qui agit sur plusieurs continents à la
fois, c’est ensemble qu’il faut le
combattre avec des structures
supranationales qui regroupent plusieurs
États, la sécurité de chaque pays
dépendant de la stabilité de ses
partenaires. La menace terroriste étant
globale, il faut des outils globaux pour
le combattre. Afripol constituera l’un
de ces outils, si chacun y met une bonne
volonté politique et les moyens
nécessaires à le rendre performant.
Mohsen Abdelmoumen
Published in Oximity, December
22, 2015:https://www.oximity.com/article/L-Alg%C3%A9rie-%C3%A0-la-t%C3%AAte-d-A-1
In Whatsupic:http://fr.whatsupic.com/sp%C3%A9ciale-monde/l%E2%80%99alg%C3%A9rie-d%E2%80%99afripol-551488.html
Reçu de l'auteur pour
publication
Le sommaire de Mohsen Abdelmoumen
Le dossier
Algérie
Les dernières mises à jour
|