Algérie Résistance
Le Dr. Jacques Sapir : « La lutte pour
la souveraineté
des Nations est aujourd’hui décisive »
Mohsen Abdelmoumen
Le Dr.
Jacques Sapir. DR.
Jeudi 16 mars 2017
English version here:https://mohsenabdelmoumen.wordpress.com/2017/03/16/dr-jacques-sapir-the-struggle-for-the-sovereignty-of-nations-is-now-decisive/
Mohsen Abdelmoumen :
Dans votre livre « Les économistes
contre la démocratie : Pouvoir,
mondialisation et démocratie », vous
êtes très critique envers les
économistes. Pouvez-vous nous expliquer
pourquoi ?
Dr. Jacques Sapir :
C’est essentiellement parce que les
économistes se sont approprié un pouvoir
qui ne leur revient pas. Ils ont en
effet pénétré les rouages des appareils
de décision. Ceci est vrai à l’échelle
des États, comme à celle des grandes
organisations internationales, qu’il
s’agisse de l’Union européenne, ou de
l’OCDE ou de l’OMC. Ils sont ainsi de
plus en plus portés à intervenir sur
l’ensemble des problèmes sociaux et
politiques. Or, quand ils interviennent,
c’est en mélangeant une position
d’experts et une position d’acteurs
politiques. Cela pose un problème
immédiat.
Car, si l’expert est légitime à parler
au nom d’une connaissance, l’acteur
politique doit se plier à la règle du
débat démocratique. En jouant sur ces
deux tableaux, les économistes
s’exonèrent du problème de vérification.
Le problème est donc de savoir dans quel
espace parle-t-on, dans celui de la pure
compétence ou dans celui des choix
politiques. Si on se situe dans ce
dernier, il n’est plus possible
d’admettre que la seule « compétence »,
que l’on ne saurait d’ailleurs plus
vérifier car tout jugement mélangerait
éléments de compétence et valeurs
politiques, puisse trancher le débat. Si
l’on est dans l’espace du politique,
alors la question de la légitimité se
pose. Or, cette question fait
immédiatement référence à la question,
de degré supérieur, de la souveraineté.
Dans l’espace du politique, on demande
d’abord qui est légitime, et qui est
souverain.
Mais il y a un problème qui est plus
profond. La crédibilité scientifique
dont ils se réclament est loin d’être
indiscutable, ou indiscutée. Il y a de
très sérieuses raisons à cela, que j’ai
exposées dans un ouvrage datant du début
des années 2000[i].
La manière même dont une majorité de la
profession, ceux que l’on appelle les
économistes du courant dominant ou « mainstream » comprend
l’objet de ses travaux est aujourd’hui
débattue et fortement critiquée[ii].
Les méthodes que ces économistes
emploient, les modèles sur lesquels ils
se fondent, sont ouvertement contestées.
C’est en particulier le cas des modèles
inspirés par l’économie néo-classique,
qu’il s’agisse des modèles dits CGE
(Computable General Equilibrium) ou
qu’il s’agisse des modèles DSGE (Dynamic
Stochastic General Equilibrium)[iii].
Et cela renvoie à un débat plus général
sur l’usage que l’on peut faire des
modèles[iv].
Mais, pour légitime et nécessaire que
soit cette contestation, elle laisse
cependant dans l’ombre un point
essentiel: la pensée politique spontanée
des économistes, ou plus précisément de
ce courant dominant. En fait, les
économistes font de la politique, ce que
personne ne songe d’ailleurs à leur
reprocher, mais ils font de la politique
en prétendant ne pas en faire, et en
délégitimant par avance tout discours
critique. Ceci est, évidemment, une
atteinte grave à la démocratie.
L’économie ne serait pas la
discipline normative et prescriptive
qu’elle est, et si les économistes
étaient restés dans leurs bureaux et
leurs salles de cours, cette question
n’aurait, en réalité, que peu d’intérêt.
Mais, quand on confie à des économistes,
ou simplement au raisonnement
économique, le soin de guider des
décisions dont l’ampleur et les
conséquences dépassent de loin
l’économie, cette question devient
légitime. Quand l’économie se voit
progressivement transformée en un
système technique dont les termes des
choix ne seraient plus accessibles au
simple citoyen, cette question devient
impérative. Elle est même centrale pour
comprendre l’évolution de la démocratie
dans nos pays.
Il ne s’agit donc pas ici de
s’interroger sur les choix partisans de
tel ou tel, ou même de contester le
droit à un économiste de prendre des
positions politiques. Peu importe, pour
la démocratie, de savoir si tel ou tel
vote à gauche ou à droite. Mais encore
faut-il qu’il précise, quand il le fait,
qu’il prend des positions politiques, et
qu’il accepte les règles du débat
politique. Il ne peut se réfugier,
alors, dans un argumentaire de nature
technique ou, s’il le fait, il doit
savoir qu’il prend des positions qui
sont fondamentalement
anti-démocratiques.
Il ne s’agit pas, non plus, de mettre
en doute l’attachement formel à la
démocratie de certains de mes collègues.
Je suis persuadé que l’on peut, avec la
plus grande sincérité, s’affirmer
profondément attaché à la démocratie et
dans le même temps prodiguer des
conseils ou défendre des normes dont les
effets seront profondément dangereux
pour cette démocratie. L’amour de la
servitude est d’autant plus destructeur,
et d’autant plus profond, qu’il se pare
d’une défense formelle de son contraire.
Vous êtes un économiste de
renom. Ne pensez-vous pas que la science
économique, comme d’autres sciences, a
atteint ses limites en étant au service
des classes dominantes ?
L’économie est avant tout une science
critique, et donc une science sociale.
L’idée de la construire sur le modèle de
la mécanique, voire de la physique du
XIXè siècle, a représenté une immense
erreur de la part des économistes qui
l’ont portée. C’est ce que démontre avec
beaucoup de talent Mirowski[v].
Elle doit nous permettre de comprendre
non pas des lois générales, mais des
lois tendancielles, locales et
particulières de l’activité économique[vi].
Si l’économie (et l’économiste) se borne
à cela, il ne se met nullement au
service des classes dominantes. Mais,
certaines théories sont en réalité
l’expression de la pensée spontanée des
classes dominantes. Et ceci pose un
problème quand on sort du cadre
analytique pour entrer dans le domaine
du normatif et du prescriptif.
Il faut, ici, s’interroger sur la
conception de l’ordre social et
politique qui découle spontanément
de certaines conceptions de l’ordre
économique. Ce que l’on veut mettre en
lumière c’est le lien qui unit certaines
des hypothèses du raisonnement
économique orthodoxe aux conséquences
politiques des prescriptions qui en
découlent. C’est une tâche importante,
compte tenu des échéances en France, en
Europe mais aussi dans les instances
internationales.
Cette pensée spontanée porte en elle
les figures de la dépolitisation de la
politique économique, de la
naturalisation de l’économie, de la
substitution des choix techniques aux
choix démocratiques. Elle conduit, en
pente douce, par glissements successifs,
à la tyrannie. De ce point de vue, il
est aujourd’hui évident que l’on est
confronté aux limites des cadres
théoriques dans lesquels le consensus
des économistes, du moins du « mainstream »,
s’est constitué. Il s’agit ici de
limites en matière d’explications, mais
aussi de limites en ce qui concerne la
cohérence et même la consistance des
modèles canoniques, de limites enfin
d’une méthode qui est de moins en moins
scientifique[vii].
De ce point de vue, on peut penser qu’en
reprenant, parfois de manière consciente
mais aussi parfois de manière
inconsciente, le discours des classes
dominantes, et en cherchant à lui donner
les atours d’une pensée dite
scientifique, l’économie à cessé d’être
une science. Mais cela ne veut pas dire
qu’il ne puisse pas y avoir de science
économique. Ce n’est pas parce que des
générations d’économistes ont failli que
cela condamne le projet d’existence de
la science économique.
La décadence actuelle de la pensée
économique dominante n’est pas celle de
la science économique. Il n’y a rien en
cette dernière qui en fasse sans coup
férir un instrument de décervelage des
gouvernants ou une justification de
l’inaction. Cette décadence actuelle ne
résulte pas d’une erreur fondatrice de
l’économie mais bien de la conjonction
de la faillite d’un programme de
recherches particulier, que l’on peut
pour simplifier qualifier de
récupération libérale de l’héritage
keynésien, et d’un refus d’une part,
hélas majoritaire, des économistes de se
doter d’une méthodologie robuste.
Construisant sur du vent, ils ne nous
promettent que des récoltes de tempêtes.
On peut penser que l’un des problèmes
centraux de la science économique est
d’établir la typologie et les formes des
modes de coordination entre des acteurs
qui sont à la fois physiquement séparés
et interdépendants[viii].
La question essentielle n’est pas,
non plus, de savoir si l’économie sera
ou non une « science dure ».
L’opposition entre des sciences réputées
molles et celles qui s’affirment dures
est déjà suspecte. Au-delà, il y a
beaucoup d’illusion, ou de prétention, à
croire qu’une discipline puisse
s’auto-affirmer dans un registre dont
elle exclurait les autres, en tout ou
partie. Le problème fondamental n’est
pas le statut de l’économie comme
science mais la compréhension par les
économistes eux-mêmes des conditions
dans lesquelles ils travaillent. Ceci
implique une discussion sur les bases
méthodologiques[ix],
terrain qu’évitent soigneusement les
économistes représentatifs de l’économie
dominante ou « mainstream »[x],
quand ils ne cherchent pas en réalité à
délégitimer toute réflexion sur la
méthodologie[xi].
Je m’intéresse beaucoup à vos
travaux et je vous considère comme un
témoin de l’effondrement de l’Union
soviétique. Le système capitaliste
a-t-il triomphé de la Révolution
bolchevique sans offrir de perspectives
pour l’humanité ?
En fait, il convient ici de
s’interroger sur ce qu’était réellement
l’Union soviétique. Elève de Charles
Bettelheim, j’ai développé une vision
hétérodoxe de l’URSS, reposant sur
l’idée que la révolution d’octobre 1917
avait donné naissance à un système de
capitalisme d’Etat. Ce système s’est
complexifié avec le « grand tournant »
et la politique stalinienne à la fin des
années 1920[xii].
Il a acquis sa stabilité – certes
relative – dans les années 1950[xiii].
Le grand économiste polonais, Oskar
Lange, qui fut l’un des principaux
théoriciens de la planification[xiv],
par exemple n’a pas hésité à qualifier
la planification « réellement
existante » en Europe de l’Est
d’économie de guerre sui-generis; par là
il entendait non pas une économie
centrée sur des productions militaires
mais une économie fonctionnant à partir
des systèmes d’ordres et de priorités
que l’on avait connus lors des deux
conflits mondiaux[xv].
L’analyse des formes économiques qui
commencent à se coaguler en Russie
depuis 2000 suggère le retour à un
modèle de développement où le poids de
l’État sera particulièrement important,
que ce soit sous des formes directes ou
indirectes. Dans le même temps, ces
formes économiques ne sont pas sans
rappeler celles que l’on trouvait dans
le modèle de développement russe des
années 1880-1914. Ceci est
particulièrement sensible dans le
domaine bancaire, mais concerne aussi la
très forte collusion entre de grands
groupes industriels et le pouvoir
politique. Mais, la question de la
permanence intertemporelle de schémas de
développement ne va pas sans soulever
des interrogations théoriques
essentielles pour l’économie et les
sciences sociales. Sommes-nous en
présence d’un « effet de sentier »
particulièrement puissant, ou devons
nous analyser cette permanence comme une
apparence, les acteurs du présent
réutilisant à d’autres fins des moules
institutionnels passés ? La persistance
de certaines formes institutionnelles
dans des modèles de développement étalés
sur près de 120 ans traduit-elle la
pertinence de ces formes par rapport aux
problèmes du développement ou au
contraire la persistance d’habitudes
passées, que l’on aura alors tendance à
qualifier d’archaïsmes ?
La permanence des structures, compte
tenu et de l’opprobre dont l’ancien
système était frappé et de la radicalité
des réformes prises en 1992 et 1993,
constitue une interrogation que l’on ne
peut esquiver. Que le système soviétique
soit mort n’est cependant pas douteux ;
il l’était en réalité avant que ne
commence son démantèlement à la fin des
années quatre-vingts. Mais ce qui émerge
aujourd’hui, en particulier la tendance
à la constitution d’un système
corporatiste[xvi],
renvoie largement à l’héritage
soviétique.
Il est vrai aussi que l’URSS ne
s’était pas débarrassée, ni en un jour
ni en un an, des legs russes. Qu’il
s’agisse de la permanence des
administrations, au moins jusqu’en 1929[xvii],
de la proximité du discours
industrialisateur soviétique avec celui
du ministre modernisateur Witte au
XIXème siècle, voire de pratiques
sociales, tant rurales qu’urbaines, dont
on peut suivre les traces jusque dans
les années quarante, les continuités
sont bien plus grandes que ne
l’imaginent les représentations
mythiques, en positif ou négatif, de la
révolution de 1917[xviii].
Ce thème des permanences, transformées
et recomposées par le mouvement du
développement, constitue l’un des axes
de l’interprétation que Moshe Lewin a
donné du système soviétique[xix].
Il est donc incontestable que les
dirigeants de l’URSS ont été conscients,
et souvent au sens d’une conscience
tragique, de la présence de ces
archaïsmes. Pourtant, et l’on pourrait
ici tracer un parallèle entre la
modernisation d’un Pierre le Grand et
celle d’un Staline, les méthodes
utilisées pour moderniser sont la cause
de la survivance, voire du renforcement
des éléments qualifiés d’archaïques[xx].
Dans un cas comme dans l’autre, les
rythmes de la modernisation imposent le
recours ou le renforcement de structures
anciennes, qu’il s’agisse du servage au
début du XVIIIème siècle ou
des modes de commandement ancestraux
dans le cours de l’industrialisation
soviétique, avec un mode de gestion de
la main d’œuvre et un rapport aux
relations homme/machine très primitifs[xxi].
Cette combinaison, pas toujours
heureuse, entre les produits de la
modernisation et des pratiques
archaïques, voire entre des éléments
techniques d’origines diverses, est
attestée longuement tant par des sources
soviétiques que par des témoins
occidentaux[xxii].
Rappelons qu’est considérée comme
pathologique, depuis Durkheim, la survie
dans le présent de généralités ayant été
engendrées par des conditions passées
qui ont depuis disparu[xxiii].
De ce point de vue, on peut alors
considérer le système soviétique comme
pathologique, et c’est incontestablement
l’une des voies que suggère M. Lewin
quand il évoque à propos du stalinisme
une pathologie systémique[xxiv].
Pour autant, l’image de structures
sociales, de normes de comportement
survivant à la disparition de leurs
causes premières n’est pas parfaitement
convaincante. Si on accepte de quitter
un instant l’URSS et la Russie pour
s’intéresser à une autre trajectoire de
modernisation, celle du Japon
contemporain, on va retrouver la dualité
entre le nouveau et l’ancien. La
persistance de relations sociales
traditionnelles, tout comme celle de
formes anciennes d’organisation
économique, ont été des éléments
décisifs dans le succès de la stratégie
de l’ère Meïji[xxv].
Il faut alors s’interroger si le
renforcement dans la Russie actuelle de
comportements hérités de la période
soviétique, comme les relations
bilatérales, les pratiques de collusion
entre directeurs, mais aussi
l’intégration des travailleurs à travers
le développement des fonctions sociales
de l’entreprise, constituent
nécessairement des phénomènes négatifs.
Le succès de toute stratégie de
modernisation passe, très probablement,
par la capacité à réutiliser des formes
traditionnelles et non par la projection
et l’application, directes et
intégrales, de l’ensemble des formes
réputées modernes et directement
empruntées à des sociétés considérées
comme plus avancées.
Il nous faut donc comprendre la
période soviétique comme la forme
spécifique à la Russie prise par le
développement du capitalisme, une forme
qui a abouti aussi à transformer ce
capitalisme et qui fait qu’aujourd’hui
la Russie est bien un système
capitaliste mais n’est pourtant pas
assimilable que ce soit aux États-Unis
ou aux divers capitalismes européens.
La démondialisation est-elle
la seule résistance qu’il nous reste
face à l’ultralibéralisme ?
La démondialisation est bien
aujourd’hui à l’ordre du jour, comme je
l’indiquais dans un livre datant de 2011[xxvi].
Elle n’est nullement la seule résistance
qu’il soit possible d’opposer au
néo-libéralisme ou à l’ultralibéralisme,
et l’on peut penser à des formes de
résistances écologiques par exemple.
Mais c’est très nettement aujourd’hui la
forme où se joue la bataille décisive.
C’est d’ailleurs pourquoi la lutte pour
la souveraineté des Nations, que cette
dernière s’incarne dans la souveraineté
populaire – ce qui est évidemment
souhaitable – ou qu’elle s’incarne dans
la souveraineté simple, est aujourd’hui
décisive. C’est ce qui a motivé
l’écriture de mon ouvrage sur la
souveraineté[xxvii].
Une des caractéristiques essentielle
de la période actuelle est que nous
vivons l’amorce d’un reflux de la
globalisation économique, ce que l’on
appelle en France la « mondialisation »
et « globalisation » dans le monde
Anglo-saxon[xxviii],
même si ce terme a en réalité une
signification plus large. Cela implique
que l’histoire et la politique
reprennent leurs droits avec le retour
des États, que l’on disait naguère
impuissants, et le recul des marchés,
que l’on prétendait omniscients[xxix].
En fait, le monde a connu bien des
épisodes de flux et de reflux dans le
domaine des échanges. Des historiens de
l’économie l’avaient bien noté[xxx].
Désormais, c’est le lien même entre
croissance mondiale et libre-échange qui
est ouvertement contestée par des
économistes qui ne sont pas spécialement
des hétérodoxes[xxxi].
Mais il est vrai que cette
démondialisation survient dans le
sillage d’une crise majeure. Alors se
réveillent de vieilles peurs. Et si
cette démondialisation annonçait le
retour au temps des guerres ? Mais ces
peurs ne sont, en réalité, que l’autre
face d’un mensonge qui fut propagé par
ignorance, pour les uns, et par intérêt,
pour les autres. Non, la globalisation
ou la mondialisation ne fut pas, ne fut
jamais « heureuse ». Le mythe du « doux
commerce » venant se substituer aux
conflits guerriers a été trop propagé
pour ne pas laisser quelques traces… À
la vérité, ce n’est qu’un mythe.
Toujours, le navire de guerre a précédé
le navire marchand. Les puissances
dominantes ont en permanence usé de leur
force pour s’ouvrir des marchés et
modifier comme il leur convenait les
termes de l’échange. Mais, ces vingt
dernières années ont été loin d’apporter
de l’eau au moulin des partisans du
libre-échange[xxxii].
De fait, ce dernier n’a pas fait
disparaître les conflits. Les progrès du
libre échange se sont arrêtés avec la
crise de 2008-2010. Le cycle de Doha
s’est avéré être un échec[xxxiii].
Le nombre de mesures protectionnistes
prises dans les différents pays depuis
2010 ne cesse d’augmenter. Aussi, le
tournant pris par les États-Unis sous la
direction de Donald Trump, pour
spectaculaire qu’il soit, est-il moins
étonnant que ce que l’on aurait pu
croire[xxxiv].
Il se produit dans le contexte d’une
réhabilitation générale de l’État
développeur[xxxv].
Il est donc aujourd’hui significatif que
le libre-échange soit remis en cause par
les États-Unis, par un président
américain, et qui plus est par une
personne connue pour être proche du
monde des affaires. De fait, les
critiques contre le libre-échange
provenaient plutôt des pays du « Sud »
et de gouvernements considérés comme de
gauche ou à tout le moins comme
populistes.
Les temps sont ainsi mûrs pour une
remise en cause globale du processus de
globalisation, et pour une compréhension
plus juste des causes de la croissance
au niveau international[xxxvi].
La conception de l’Europe
n’est-elle pas fasciste ?
Il est erroné ici de parler de
« l’Europe » comme si cette dernière
était une institution ou une fédération.
La seule réalité de l’Europe est une
réalité historique, d’ailleurs diverse,
et surtout une réalité culturelle. Si
vous allez à Vladivostok en Russie, vous
êtes dans une ville européenne. Ce qui
pose aujourd’hui un problème à la
démocratie, c’est l’existence de l’Union
européenne, qui elle est une institution
et dont on peut suivre l’évolution
depuis l’origine, c’est à dire le traité
de Maastricht. C’est même l’évolution de
l’Union européenne depuis les années
2007-2009 qui pose véritablement
problème. Là, oui, incontestablement,
nous sommes en présence d’une structure
qui tend à se développer sans contrôle
ni responsabilité. Les déclarations de
Jean-Claude Juncker lors de l’élection
grecque de janvier 2015 en témoignent[xxxvii].
Le comportement de l’UE et celui des
institutions de la zone Euro appellent
une réaction d’ensemble parce que ces
institutions contestent cette liberté
qu’est la souveraineté[xxxviii].
Rappelons ici cette citation de Monsieur
Jean-Claude Juncker, le successeur de
l’ineffable Barroso à la tête de la
Commission européenne : « Il ne peut
y avoir de choix démocratique contre les
traités européens ». Cette
déclaration révélatrice date de
l’élection grecque du 25 janvier 2015,
qui justement vit la victoire de SYRIZA.
En quelques mots, tout est dit. C’est
l’affirmation tranquille et satisfaite
de la supériorité d’institutions non
élues sur le vote des électeurs, de la
supériorité du principe technocratique
sur le principe démocratique.
Les règles de base de la démocratie
sont systématiquement violées. Les
Britanniques ont pris conscience de
cette réalité et ils en ont tiré les
conclusions logiques avec le BREXIT et
la décision de sortir de l’Union
européenne. Si je n’utiliserai pas le
terme de « fasciste », parce que je
crois beaucoup à la nécessaire précision
des termes, et que le « fascisme »
implique un projet totalitaire avec des
formes d’embrigadement de la population
du berceau jusqu’à la tombe, l’Union
européenne est clairement devenue
aujourd’hui une institution liberticide
et un projet dangereux pour les divers
peuples européens.
Par contre, il est clair que les
dirigeants européens reprennent, en le
sachant ou non, le discours de l’Union
soviétique par rapport aux pays de l’Est
en 1968 lors de l’intervention du Pacte
de Varsovie à Prague : la fameuse
théorie de la souveraineté limitée. Ils
affectent de considérer les pays membres
de l’Union européenne comme des
colonies, ou plus précisément des
« dominions », dont la souveraineté
était soumise à celle de la métropole
(la Grande-Bretagne). Sauf qu’en
l’occurrence, il n’y a pas de métropole.
L’Union européenne serait donc un
système colonial sans métropole. Et,
peut-être, n’est-il qu’un colonialisme
par procuration. Derrière la figure
d’une Europe soi-disant unie, mais qui
est aujourd’hui divisée dans les faits
par les institutions européennes, on
discerne la figure des États-Unis, pays
auquel Bruxelles ne cesse de céder.
Certains l’on fait, comme Stefano
Fassina en Italie[xxxix].
Je l’ai dit et je l’ai écrit, et je ne
me renie pas, il faudra bien, à un
moment donné, en tirer les conséquences,
et toutes les conséquences[xl].
Quelle est votre lecture de
la politique de la nouvelle
administration Trump ?
L’administration Trump nous met
devant une contradiction intéressante.
D’une part, il s’agit clairement d’une
administration issue d’un projet
populiste. Ce projet a clairement en son
sein des éléments régressifs. Mais
l’administration Trump permet aussi de
poser tout une série de questions quant
à la rationalité du libre-échange qui
est devenu de nos jours non plus une
théorie mais bien une idéologie, non une
simple idéologie mais une religion. On
le voit en particulier dans le cas de
l’Union européenne.
Le Président Donald Trump n’a
d’ailleurs guère attendu son entrée en
fonction, le 20 janvier 2017, pour
commencer à mettre en œuvre une
partie de son programme économique, que
ce soit au niveau interne[xli]
ou à travers des pressions
protectionnistes et la remise en cause
des accords de libre échange. Qu’il
s’agisse du Traité Trans-Pacifique (le
TPP), de l’ALENA (signé il y a plusieurs
décennies avec le Mexique et la Canada),
voire de mesure remettant en cause
l’autorité de l’OMC, c’est bien à une
offensive généralisée contre le principe
même du libre échange à laquelle on
assiste. Cette offensive suscite des
nombreuses questions quant à sa
pertinence, et à la politique
commerciale que le Président Trump veut
mettre en œuvre pour les Etats-Unis. Il
est d’ailleurs très intéressant de
constater que des économistes qui sont
classés à gauche sur l’échiquier
politique admettent aujourd’hui qu’un
traité comme l’ALENA (ou NAFTA) a
provoqué des dommages importants à
l’économie mexicaine par exemple[xlii].
Les récentes déclarations de Donald
Trump tout comme ses pressions sur les
grands groupes industriels par des
messages Twitter (pour Toyota[xliii],
Ford et General Motors), si elles
peuvent paraître quelque peu exotiques,
ont donc relancé la question de formes
modernes de protectionnisme. De ce point
de vue, on doit créditer
l’administration Trump d’une
contribution positive quant au débat sur
la nécessité de sortir d’un
libre-échange généralisé et de repenser
des formes de protectionnisme.
C’est un point intéressant, mais
assez paradoxal, que le libre-échange
soit remis en cause par le Président
considéré comme le plus
« pro-business », mais aussi le plus
indifférent aux préoccupations
écologiques, qu’il soit aux Etats-Unis
depuis de nombreuses années. Au-delà du
style politique, discutable, de Donald
Trump, reconnaissons que son projet
s’inscrit dans le cadre du grand
retournement annoncé il y a de cela
quelques années. Nous ne savons pas
encore, à l’heure actuelle, si Donald
Trump réussira à articuler une véritable
politique de réindustrialisation de son
pays, politique qui profiterait alors au
plus grand nombre. Mais, sa politique
prend en compte, à la différence de ce
que l’on peut voir dans l’Union
européenne, que l’ère du libre-échange
est aujourd’hui terminée.
Votre site
RussEurope a-t-il un impact
pour éveiller les consciences des
citoyens européens aux enjeux
géostratégiques ?
Quand j’ai créé, en septembre 2012,
avec l’aide technique de la FMSH
(Fondation Maison des sciences de
l’homme), et en particulier de Nicolas
de Lavergne que je tiens ici a
chaleureusement remercier, mon carnet
scientifique
RussEurope, je n’avais aucune
idée de l’importance qu’il allait
prendre. Or, sa croissance a été
réellement spectaculaire. Pendant la
première année, la fréquentation (le
nombre de connexions) est montée
progressivement à 1500 par jour (après
avoir connu une pointe à 3800
connexions/jour fin avril 2013). Ce
résultat m’avait déjà étonné car je ne
croyais pas avoir plus de 1000
connexions/jours (soit 30 000 par mois)
compte tenu des sujets que je traitais
et qui étaient assez spécialisés. Puis,
le nombre de connexions a régulièrement
augmenté jusqu’à atteindre 6300
connexions jours (environ 200 000
connexions/mois) en décembre 2014. C’est
là que j’ai compris que mon carnet était
devenu, que je le veuille ou non, un
média en tant que tel.
J’avais remarqué que le lectorat du
carnet réagissait aux événements
internationaux, qu’il s’agisse de la
crise en Ukraine et dans le Donbass ou,
bien entendu, de la crise Chypriote et
de la crise Grecque. En janvier-février
2015, à la suite des attentats de Paris
(Charlie-Hebdo) mais aussi de la montée
en puissance de la crise grecque, le
lectorat a fait un bond, s’établissant à
7200-7500 connexions jours, pour
atteindre des sommets en juin-juillet
2015 avec des pics à plus de 24000
connexions/jour. Le calme relatif de
septembre-octobre a ramené la
fréquentation autour de 6500
connexions/jour, mais à la suite des
attaques terroristes de novembre 2015,
de la déclaration de l’état d’urgence et
des troubles politiques que l’on a connu
au début de 2015, cette fréquentation
est remontée vers les 8000
connexions/jour.
Aujourd’hui, en février 2017, suite à
la manœuvre lancée par le journal Le
Monde et visant à discréditer les
sources alternatives d’information, ce
que l’on appelle l’affaire « decodex »,
la fréquentation est en réalité montée
en moyenne hebdomadaire de 9200 à 12000
connexions/jour avec, pour les 15
premiers jours de févriers, 8 pics de
fréquentation au-delà de 10 000 et 2
pics au-delà de 15 000. Pour l’année
2016 il y a eu en moyenne 220 000
connexions par mois, provenant d’un
lectorat régulier (identifié par l’IP de
leur ordinateur) de 87000 personnes en
moyenne par mois.
Il est donc clair que RussEurope
a une audience qui va bien au-delà de ce
que j’escomptais. Le fait que je publie
sur le carnet en anglais (avec l’aide
d’une traductrice, Mme de Grazia), en
italien (avec l’aide de M. Ruzic),
parfois en espagnol et en russe a
certainement contribué à l’audience
internationale du carnet. Mon lectorat
est en principe francophone à 50%
(France, Belgique, Suisse), puis
viennent les Etats-Unis et la Grande
Bretagne, puis l’Allemagne et l’Italie
(où je sais par twitter que le carnet
est suivi, et régulièrement traduit sur
divers sites), puis en Russie.
Il me semble donc que mes lecteurs,
et vous avez raison de dire
« européens » et même au-delà,
apprécient dans mon carnet les
dimensions économiques et géopolitiques.
Je pense néanmoins que ce que viennent
chercher les lecteurs, ce sont plus mes
analyses économiques, et bien entendu
les conséquences politiques qui en
découlent. Les questions géostratégiques
sont bien entendu importantes, et j’y
attache moi-même une grande importance,
mais je n’ai pas le sentiment que ce
sont elles qui attirent le plus grand
nombre de lecteurs. De ce point de vue,
je suis très fidèle à ce que j’avais
écrit à l’ouverture de mon carnet, soit
que je me concentrerai sur les questions
économiques de la France, de l’Union
européenne et de la Russie. D’où le nom
du carnet :
RussEurope.
Interview réalisée par Mohsen
Abdelmoumen
Qui est le Dr. Jacques
Sapir ?
Jacques Sapir est un économiste
français expert de l’économie russe et
des questions stratégiques, mais aussi
un théoricien de l’économie de renommée
internationale connu pour ses positions
indépendantes. Il prône la souveraineté
des nations et la démondialisation.
Après s’être interrogé sur l’avenir de
la zone euro et l’éventuelle nécessité
pour la France de sortir de l’euro, il
plaide désormais pour une dissolution de
la monnaie unique. Il a été élu en
octobre 2016 membre de l’Académie des
Sciences de Russie en tant qu’étranger.
Diplômé de l’IEPP en 1976, Jacques
Sapir a soutenu un Doctorat de 3ème
cycle sur l’organisation du travail en
URSS entre 1920 et 1940 (EHESS, 1980)
puis un Doctorat d’État en économie,
consacré aux cycles d’investissements
dans l’économie soviétique (Paris-X,
1986).
Il a enseigné la macroéconomie et
l’économie financière à l’Université de
Paris-X Nanterre de 1982 à 1990, et à
l’ENSAE (École nationale de la
statistique et de l’administration
économique, 1989-1996) avant d’entrer à
l’École des Hautes Études en Sciences
Sociales en 1990. Il y est Directeur
d’Études depuis 1996 et dirige le Centre
d’Études des Modes d’Industrialisation (CEMI-EHESS).
Il a aussi enseigné en Russie au Haut
Collège d’Économie (1993-2000) et à
l’Ecole d’Économie de Moscou depuis
2005.
Il dirige le groupe de recherche
IRSES à la FMSH (Fondation Maison des
sciences de l’homme), et co-organise
avec l’Institut de Prévision de
l’Economie Nationale (IPEN-ASR) le
séminaire Franco-Russe sur les problèmes
financiers et monétaires du
développement de la Russie.
Il est l’auteur de nombreux ouvrages,
tels que :
Pays de l’est : vers la crise
généralisée ?, Federop,
Lyon, 1980 ;
Travail et travailleurs en URSS,
La Découverte, Paris, 1984 ;
Le Système militaire soviétique,
La Découverte, Paris, 1988 (Prix Castex
en 1989) ; cet ouvrage a été publié en
anglais en 1991, The
Soviet Military System, Polity
Press, Cambridge, UK ;
L’Économie mobilisée, La
Découverte, Paris, 1989 ;
Les Fluctuations économiques en URSS,
1941-1985, Paris, Éditions de
l’EHESS, 1989 ;
Feu le système soviétique ?, La
Découverte, Paris, 1992 ;
Le Chaos russe, La Découverte,
Paris, 1996 ;
La Mandchourie oubliée : grandeur et
démesure de l’art de la guerre
soviétique, Éditions du
Rocher, 1996 ;
Le Krach russe, La Découverte,
Paris, 1998 ;
Les bases futures de la puissance
militaire russe, Cirpes,
Cahiers d’Etudes stratégiques, Paris,
1999 ; Les
Trous noirs de la science économique :
essai sur l’impossibilité de penser le
temps et l’argent, Albin
Michel, Paris, 2000 (Prix Turgot en
2001) ;
L’expérience soviétique et sa remise en
cause, co-auteur avec Annie
Badower et Thierry Crespeau, Bréal,
Paris, 2000 ; (ru) K Ekonomitcheskoj
teorii neodnorodnyh sistem – opyt
issledovanija decentralizovannoj
ekonomiki (Théorie économique des
systèmes hétérogènes : essai sur l’étude
des économies décentralisées),
Éditions du Haut Collège d’économie,
Moscou, 2001 (ouvrage original, non
traduit en français) ;
Les Économistes contre la démocratie,
Albin Michel, Paris, 2002 ;
L’Empire khazar : VIIe-XIe siècle,
l’énigme d’un peuple cavalier,
en collaboration avec Jacques
Piatigorsky, Autrement, Paris, 2005 ;
Quelle économie pour le XXIe siècle ?,
Odile Jacob, Paris, 2005 ;
La Fin de l’eurolibéralisme, Le
Seuil, 2006 ;
Le nouveau XXIe siècle, du
siècle américain au retour des nations,
Le Seuil, 2008 ;https://www.amazon.fr/transition-russe-vingt-ans-apr%C3%A8s/dp/2845451717
1940 – Et si la France avait continué la
guerre…, Tallandier, 2010 ;
coécrit avec Franck Stora et Loïc Mahé ;
1941-1942 et si la France avait continué
la guerre… , 2014 ;
La Démondialisation, Paris, Le
Seuil, 2011 ;
Faut-il sortir de l’euro ?,
Paris, Le Seuil, 2012 ;
La transition russe, vingt ans après,
en collaboration avec V. Ivanter, D.
Kuvalin et A. Nekipelov, Paris, éditions
des Syrtes, 2012 ;
Souveraineté, démocratie, laïcité,
éditions Michalon, 2016, 326 pages.
Il tient une
chronique économique hebdomadaire sur
Radio-Sputnik
Son site web :
RussEurope
Références
[i] Voir J. Sapir,
Les Trous Noirs de la Science
Économique, Albin Michel, Paris,
2000.
[ii] B. Guerrien,
L’économie néo-classique, La Paris,
Découverte, coll. Repères, 1989.
[iii] Goodhart,
C.A.E., “The Continuing Muddles of
Monetary Theory: A Steadfast Refusal to
Face facts”, paper presented to the 12th
Conference of the Research Network
macroeconomics and
Macroeconomic Policy, Berlin,
Germany, October 31st – November 1st,
2008. C.A.E. Goodhart, “The Foundation
of Macroeconomics: Theoretical Rigour
versus Empirical realism”, paper
presented at the Conference on the
History of Macroeconomics,
Louvain-la-Neuve, Belgium, January 2005
[iv] Mäki, U., « Contested
modelling: The case of economics », in
Models, Simulations, and the
Reduction of Complexity, ed. U.
Gähde, S. Hartmann and J.H. Wolf, Berlin
/ New York: Walter de Gruyter 2012
[v] Mirowski P.,
« How not to do things with metaphors:
Paul Samuelson and the science of
Neoclassical Economics », in Studies
in the History and Philosophy of Science,
vol. 20, n°1/1989, pp. 175-191. Pour une
critique plus générale sur le modèle de
scientificité de la physique appliqué à
l’économie, P. Mirowski, More heat
than light, Cambridge University
Press, Cambridge, 1990.
[vi] Insel A., “Une
rigueur pour la forme: Pourquoi la
théorie néoclassique fascine-t-elle tant
les économistes et comment s’en
déprendre?”, in Revue Semestrielle
du MAUSS, n°3, éditions la
Découverte, Paris, 1994, pp. 77-94.
[vii] Voir, J.
Sapir, « Calculer, comparer, discuter:
apologie pour une méthodologie ouverte
en économie », in Économies et
Sociétés, série F, n°36, 1/1998,
numéro spécial, Pour aborder le
XXIème siècle avec le développement
durable, édité par S. Passaris et K.
Vinaver en l’honneur du professeur
Ignacy Sachs, pp. 77-89.
[viii] F.A. Hayek,
« Economics and knowledge », in F.A.
Hayek, Individualism and Economic
Order, University of Chicago Press,
Chicago, 1948, pp. 36-56; première
publication en 1937.
[ix] B.J. Caldwell,
« Economic Methodology: Rationale,
Foundation, Prospects », in U. Mäki, B.
Gustafsson et C. Knudsen, (eds.),
Rationality, Institutions & Economic
Methodology, Routledge, Londres-New
York, 1993, pp. 45-60. Idem, « Does
Methodology matters? How should it
practiced? », in Finnish Economic
Papers, vol.3, n°1/1990, pp. 64-71
[x] Comme par
exemple E.R. Weintraub, « Methodology
doesn’t matter, but history of thought
might », in S. Honkapohja, (ed.),
Wither Macroeconomics?, Basil
Blackwell, Oxford, 1989.
[xi] Comme c’est le
cas avec D. McCloskey, The Rhetoric
of Economics, University of
Wisconsin Press, Madison, Wisc., 1985.
[xii] R. Hutchings,
The structural origins of Soviet
industrial expansion, Macmillan,
Londres, 1984.
[xiii] J. Sapir,
Fluctuations et cycles économiques
en URSS, 1941-1982, Éditions de
l’École des Hautes Études en Sciences
Sociales, Paris, 1989.
[xiv] O. Lange,
« On the Economic Theory of Socialism »,
in Review of Economic Studies,
vol. 4, n°1, 1936 (octobre) et n°2
(février 1937). Voir aussi A.P. Lerner,
« A Note on Socialist Economies », in
Review of Economic Studies,
vol. 4, n°1, 1936, octobre. Idem, « Statics
and Dynamics in Socialist Economies »,
in Economic Journal , vol. 47,
juin 1937.
[xv] O.Lange, “The
Role of Planning in a Socialist Economy”,
in O.Lange, Papers in Economics and
Sociology, PWN et Pergamon Press,
Varsovie-Londres, 1970, pp. 101-102
[xvi] J. Sapir,
« Action publique et agents privés: vers
un modèle russe ? », in Revue
d’études comparatives Est-Ouest,
vol. 27, n°2, juin 1996, pp. 187-219.
[xvii] D.K. Rowney,
Transition to technocracy – The
structural origins of the Soviet
Administrative State, Cornell
University Press, Ithaca et Londres,
1989 ; S. Sternheimer, « Administration
for the development : the emerging
bureaucratic elite, 1920-1930 », in W.
McKenzie Pintner et D.K. Rowney (eds.),
Russian Officialdom – The
bureaucratization of Russian society
from the seventeenth to the twentieth
century, The University of North
Carolina Press, Chapell Hill, N.C.,
1980.
[xviii] A.
Gerschenkron, « Russia : Patterns and
Problems of Economic Development,
1861-1958 », in A. Gerschenkron,
Economic Backwardness in Historical
Perspective – A Book of Essays, The
Belknap Press of Harvard University
Press, Cambridge, Mass., 1962, pp.
119-151 ; T. Shanin, Russia as a
developping society, Macmillan,
Londres, 1985.
[xix] M. Lewin,
La formation du système soviétique,
Gallimard, Paris, 1987.
[xx] A.
Gerschenkron, « Russia : Patterns and
Problems of Economic Development,
1861-1958 » op. cit.
[xxi] O.
Khakhordine, « L’éthique corporatiste,
l’éthique du ‘samostojatel’nost’
et l’esprit du capitalisme : réflexions
sur la création du marché en Russie
post-soviétique », in Revue d’Études
Comparatives Est-Ouest, vol. 25,
n°2, juin 1994, pp. 27-56
[xxii] Voir, Iz
istorij magnitogorskogo
metalurgitcheskogo kombinata i goroda
Magnitogorska (1929-1941gg) : sbornik
dokumentov i materialov,
Magnitogorsk, 1965. J. Scott,
Au-delà de l’Oural, Marguerat,
Genève, 1945 ; un témoignage identique
sur les usines de Léningrad se trouve
dans A. Smith, J’ai été ouvrier en
URSS, Plon, Paris, 1938.
[xxiii] É.
Durkheim, Règles de la méthode
sociologique, PUF, Paris, 1952,
15ème édition.
[xxiv] M. Lewin,
La formation du système soviétique,
op. cit..
[xxv] Voir, J.
Hirschmeier, The origins of
Entrepreneurship in Meïji Japan,
Harvard University Press, Cambridge,
Mass., 1964 ; J.W.Bennet et I. Ishino,
Paternalism in the Japanes Economy :
Anthropological Studies of Oyabun-Kobun
Patterns, University of Minnesota
Press, Minneapolis, Minn., 1963 ; G.
Ranis, « The community-Centered
Entrepreneur in Japanese Development »,
in Explorations in Entrepreneurial
History,
vol.III,
n°2, décembre 1955 ; M.Y. Yoshino,
Japan’s Managerial System-Tradition and
Innovation, MIT Press, Cambridge,
Mass., 1968.
26 Sapir
J., La Démondialisation, Paris,
Le Seuil, 2011.
27 Sapir
J., Souveraineté, Démocratie,
Laïcité, Paris, Michalon, 2016.
28 Voir
Sachs J., A. Warner, « Economic Reform
and The Process of Global Integration »,
Brookings Paper on Economic Activity,
n° 1, 1995, p. 1-118
29 Sapir
J., « Le vrai sens du terme. Le
libre-échange ou la mise en concurrence
entre les Nations » in D. Colle
(dir), D’un protectionnisme l’autre.
La fin de la mondialisation ?, Puf,
« Major », 2009.
30 P.
Bairoch, R. Kozul-Wright, « Globalization
Myths: Some Historical Reflections on
Integration, Industrialization and
Growth in the World Economy »,
Discussion Paper, n° 113, Genève,
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31 F.
Rodriguez, D. Rodrik, « Trade Policy and
Economic Growth: A Skeptics Guide to the
Cross-National Evidence », in
B. Bernanke, K. Rogoff (dir.), NBER
Macroeconomics. Annual 2000,
Cambridge (MA), MIT Press, 2001
32 Oman
C., Policy Competition for
ForeignDirect Investment, OCDE,
Centre du Développement, Paris, 2000.
Voir aussi, L. Zarsky, « Stuck in the
Mud? Nation-States, Globalization and
the Environment » in K.P. Gallagher et
J. Wierksman (edits.) International
Trade and Sustainable development,
Earthscan, Londres, 2002, pp. 19-44.
33 F.
Ackerman, The Shrinking Gains from
Trade: A Critical Assessment of Doha
Round Projections, Global
Development and Environment Institute,
Tufts University, WP n° 05-01. Voir
aussu « Doha Round and Developing
Countries: Will the Doha deal do more
harm than good » RIS Policy Brief,
n°22, avril 2006, New Delhi.
34
Bivens J., “Globalization, American
Wages, and Inequality” Economic
Policy Institute Working Paper,
Washington DC, 6 Septembre, 2007. Mishel
L., Gould E et Bivens J., « Wage
stagnations in 9 charts », Economic
Policy Institute, Washington DC, 6
janvier 2015.
35 H.-J.
Chang, « The Economic Theory of the
Developmental State » in M. Woo-Cumings
(dir.), The Developmental State,
Ithaca, Cornell University Press, 1999 ;
Kicking away the Ladder: Policies
and Institutions for Development in
Historical Perspective, Londres,
Anthem Press, 2002.
36 D.
Rodrik, « What Produces Economic Success?
» in R. Ffrench-Davis (dir.),
Economic Growth with Equity:
Challenges for Latin America,
Londres, Palgrave Macmillan, 2007. Voir
aussi, du même auteur, «After
Neoliberalism, What?», Project
Syndicate, 2002 (www.project-syndicate.org/commentary/rodrik7
).
37
Jean-Jacques Mevel in Le Figaro,
le 29 janvier 2015, Jean-Claude
Juncker : « la Grèce doit respecter
l’Europe ».
http://www.lefigaro.fr/international/2015/01/28/01003-20150128ARTFIG00490-jean-claude-juncker-la-grece-doit-respecter-l-europe.php
Ses déclarations sont largement reprises
dans l’hebdomadaire Politis, consultable
en ligne :
http://www.politis.fr/Juncker-dit-non-a-la-Grece-et,29890.html
38
Evans-Pritchards A., « European
‘alliance of national liberation fronts’
emerges to avenge Greek defeat »,
The Telegraph, 29 juillet 2015,
http://www.telegraph.co.uk/finance/economics/11768134/European-allince-of-national-liberation-fronts-emerges-to-avenge-Greek-defeat.html
[xxxix] Voir « Le
texte de Fassina », note postée sur le
carnet RussEurope le 24 août
2015,
http://russeurope.hypotheses.org/4235
[xl] Sapir J.,
« Sur la logique des Fronts », note
postée sur le carnet RussEurope,
le 23 août 2015,
http://russeurope.hypotheses.org/4232
[xli] Baker D.,
« The Trump Stimulus and the Money Obama
Left on the Table » in
http://cepr.net/publications/briefings/testimony/the-trump-stimulus-and-the-money-obama-left-on-the-table
[xlii] Weisbrot M.,
« NAFTA Has Harmed Mexico a Lot More
than Any Wall Could Do » in
http://cepr.net/publications/op-eds-columns/nafta-has-harmed-mexico-a-lot-more-than-any-wall-could-do
[xliii]
http://www.lefigaro.fr/flash-eco/2017/01/05/97002-20170105FILWWW00337-toyota-a-son-tour-etrille-par-trump.php
et
http://www.lefigaro.fr/societes/2017/01/08/20005-20170108ARTFIG00157-l-industrie-automobile-americaine-dans-l-oeil-du-cyclone-trump.php
Published in English in
American Herald Tribune, March 15, 2017:
http://ahtribune.com/economy/1559-jacques-sapir.html
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