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L’Afrique se mobilise contre
la «justice» néocoloniale
Mikhail Gamandiy-Egorov
© REUTERS/
Thierry Gouegnon
Vendredi 29 janvier 2016
Source:
Sputnik
Les procès du
président ivoirien Laurent Gbagbo et de
son ministre de la Jeunesse Charles Blé
Goudé viennent de débuter à la Cour
pénale internationale (CPI) de La Haye,
aux Pays-Bas.
Comme attendu, ces
deux procès connaissent aujourd'hui une
mobilisation sans précédent de la part
des ressortissants ivoiriens et
africains en général, aussi bien à La
Haye devant cette même CPI, qu'à
différents endroits d'Afrique et du
monde.
En effet, il s'agit
probablement d'une première dans
l'histoire de la justice prétendument
internationale. Jamais des « accusés »
de ladite « justice » n'avaient mobilisé
autant de monde en leur faveur. On peut
bien sûr se rappeler de Slobodan
Milosevic, président yougoslave dont
l'arrestation et la détention avaient
également mobilisé grand nombre de ses
partisans en ex-Yougoslavie et au-delà:
tous ceux et celles qui connaissaient et
connaissent l'histoire véritable de cet
Etat aujourd'hui disparu. Notamment feu
Maître Jacques Vergès ayant défendu l'ex
président yougoslave et qui connaissait
les véritables criminels. La mort de
Milosevic, dans des circonstances plus
qu'obscures (certains parlent
ouvertement d'assassinat) à la prison de
Scheveningen, avait aussi révolté plus
d'un. On peut également mentionner les
autres détenus serbes accusés de «
crimes contre l'humanité », alors qu'en
parallèle les représentants non-serbes
était peu ou pas du tout inquiétés, même
ceux responsables des pires exactions
possibles sur les civils, y compris
viols, tortures, crimes de masse et
trafic d'organes humains. « Clin d'œil »
en passant à plusieurs
hauts-responsables du Kosovo (ou une des
plus grandes bases US du monde), grands
amis des élites occidentales et occupant
aujourd'hui des postes clés dans cette «
république », berceau historique de la
Serbie, à qui elle a été arrachée et
sans aucun référendum. Une sortie
illégale par ailleurs entièrement
reconnue valide par les USA et leurs
suiveurs ouest-européens.
Mais il y a quand
même une grande différence: les époques.
L'époque de la dislocation yougoslave et
celle d'aujourd'hui sont clairement
différentes. Dans le premier cas et en
plus de la tragédie yougoslave, il y
avait aussi eu l'éclatement de l'URSS,
une Russie à genoux, un monde qui était
devenu ouvertement unipolaire et des
médias à un sens. Aujourd'hui? Un monde
dont la multipolarité ne compte pas
reculer, des voix alternatives à
différents niveaux et notamment au
niveau des médias et dont le besoin ne
fait qu'augmenter chaque jour qui passe.
C'est là toute la différence. La
manipulation est devenue beaucoup plus
difficile pour les élites de l'Occident,
aussi bien au niveau politique que
médiatique. C'est pourquoi dans les cas
du président Gbagbo et du ministre Blé
Goudé, ce n'est au final pas vraiment
eux qui risquent d'être jugés, mais bien
la CPI et avec elle tout le système de
la justice dite internationale, voire
tout le système de la politique
occidentale.
Car il n'est
aujourd'hui plus possible de mentir
aussi facilement qu'avant sur le rôle de
tel ou tel leader et sans avoir à en
rendre des comptes. Grâce aux
alternatives y compris dans l'espace
médiatique, chaque personne censée est
aujourd'hui capable de se faire sa
propre analyse et sa propre opinion. Le
cas de la Côte d'Ivoire en est le
parfait exemple. Un leader africain
instruit, partisan de la démocratie et
du pluralisme politique depuis les bancs
universitaires, arrivant au pouvoir à
l'issue d'élections démocratiques
longtemps absentes, réclamant le droit à
son peuple de profiter plus de ses
ressources (le pays étant de loin le
premier producteur mondial des fèves de
cacao pour ne citer qu'eux),
n'arrangeant pas les appétits
néocoloniaux, se faisant déloger par une
puissance armée étrangère et
extra-africaine. Et se faisant juger
aujourd'hui loin de chez lui, de son
pays et de son continent. Voilà un
résumé qui caractérise cette assez
récente histoire ivoirienne. Et sans
même prendre fait et cause pour les
leaders ivoiriens que sont Gbagbo et Blé
Goudé, personne ne réussit jusqu'à
maintenant à répondre ne serait-ce qu'à
une seule question: de quel droit un
président élu de son peuple se fait
déloger par la voie armée et par une
puissance étrangère n'ayant aucun mandat
à cet effet? Aucune réponse si ce n'est
celle de l'injustice criante. Plus
généralement, le temps est venu pour que
l'Occident comprenne (celui des élites,
pas des peuples) une chose bien simple.
La domination (économique, politique,
armée et même mentale) arrive à sa fin.
Les injustices à différents endroits du
monde ont beau encore exister mais à un
moment ou un autre, il faudra bien y
répondre.
En passant, le
forum des anciens présidents africains:
Joaquim Chissano (ancien président du
Mozambique), Nicephor Soglo
(ex-président du Bénin), ainsi que
l'ex-président sud-africain Thabo Mbeki
(figure de lutte avec Nelson Mandela
contre le régime raciste d'apartheid
dans son pays), a lancé un appel à la
communauté internationale et notamment
la Procureur, Fatou Bensouda, pour la
libération du président Gbagbo.
S'ajoutent à cela des millions
d'Africains, du continent et issus des
diasporas, sans oublier les amis de
l'Afrique qui réclament eux-aussi que
justice soit faite, à savoir la
libération pure et simple de personnes
n'ayant rien à faire dans les geôles de
la CPI. « Les procès de la honte »,
comme ils sont communément appelés
aujourd'hui doivent être courts et
réalistes. Les élites occidentales
sauront-elles faire intelligemment
marche arrière afin d'éviter (pour eux)
des conséquences imprévisibles ou
poursuivront-elles la ligne néocoloniale
dure et radicale, on en saura plus
bientôt. A suivre.
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Publié le 31 janvier 2016 avec l'aimable
autorisation de l'auteur
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