La Voix de la
Russie
La Russie se passera bien des Mistral
Mikhaïl Gamandiy-Egorov
© Photo:
RIA Novosti/Grigoriy Sisoev
Jeudi 27 novembre 2014
La France ou plutôt son
gouvernement a définitivement prouvé aux
yeux de tous, et surtout de son propre
peuple, l’asservissement aux intérêts
étasuniens. Et la question n’est pas
d’être pro-russe ou pro-étasunien. La
France est un pays capable de mener sa
propre politique bien que, il faut le
rappeler, historiquement et
stratégiquement, elle a toujours été
bien plus proche de la Russie. Passons.
La question qui importe ici c’est que
l’administration Hollande a
définitivement montré que les intérêts
outre-Atlantique l’emportent de loin sur
les intérêts nationaux de la France.
Ce n’est une surprise pour
personne de savoir qu’une bonne partie
des élites de l’UE est américanisée
jusqu’à la moelle. Merkel, Cameron,
Hollande en sont probablement les
meilleurs exemples (sans mentionner les
« leaders » des pays Baltes, de la
Pologne ou encore de la Roumanie). Mais
le cas « français » a atteint
véritablement le summum. L’affaire des
Mistral ressemble plus à une grande
anecdote qu’à autre chose. Faire du
chantage à un pays comme la Russie, dans
un domaine aucunement crucial pour elle,
et avec des conséquences plus que
sérieuses pour celui qui fait ce
chantage, vraisemblablement l’Elysée
aurait du réfléchir au moins trois fois
avant de faire une fois de plus
n’importe quoi.
On avait eu un entretien le
mois dernier avec un brillant expert
militaire russe, rédacteur en chef du
magazine mensuel Nacional’naya
oborona(Défense nationale), par
ailleurs directeur du Centre d’analyse
du commerce mondial de l’armement et
membre du Conseil public du ministère de
la Défense de la Fédération de Russie,
en l’occurrence M. Igor Korotchenko. On
avait entre autres mentionné lors de cet
entretien le thème des Mistral car on
voyait déjà quelle pression extérieure
la France subissait de la part de ses «
amis » étasuniens et de l’OTAN.
M. Korotchenko avait été
alors plus que clair : « La Russie
a adopté une position très calme sur le
sujet. Le contrat est signé, l’argent
est payé. Le contrat se doit donc d’être
exécuté. Si Paris et l’Elysée annulent
la transaction, la France devra déjà
rembourser en intégralité l’argent
qu’elle a reçu pour ce contrat et en
plus payer une grande pénalité. Quant à
nous, nous réagissons calmement, sans
excès ». Et d’ajouter : « …
Le président français Hollande qui même
sans cette histoire a perdu et continue
de perdre tellement de points
politiques, pourrait donc désormais
devenir le politicien ayant ouvertement
trahi les intérêts nationaux de la
France. Les électeurs français ne le lui
pardonneront pas. De même qu’ils ne
pardonneront pas les forces politiques
liées à Hollande. Le refus éventuel donc
d’exécuter ledit contrat fera que la
France perdra bien plus qu’elle ne
recueillera. Quant à la Russie, elle se
concentrera sur ses propres moyens. Pour
nous, il n’y aura aucune tragédie ».
Les faits d’aujourd’hui
confirment donc les mots. La Russie
continue d’agir sans excès alors que
l’Elysée continue de tourner dans le
clownesque, incapable de dire une bonne
fois pour toute si oui ou non la France
livrera les Mistral à la Russie. On
comprend que le risque de perdre une
bien grosse somme d’argent du budget de
l’Etat fait toujours douter les preneurs
de décision mais il y a un moment où il
faut savoir ce que l’on veut. Quant à la
Russie, elle agira en conséquence, d’ici
peu.
Le représentant permanent
de la Russie auprès de l’UE, Vladimir
Tchijov, a été lui aussi très clair :
« La Russie n’a pas l’intention de
supplier Paris de lui fournir les
porte-hélicoptères de catégorie Mistral
».Tout en ajoutant que si le
contrat n’est pas rempli par la partie
française, cela risque de coûter cher à
cette dernière : « Si cette
décision est définitive, cela risque de
coûter plus cher à la France que le prix
même des deux porte-hélicoptères, et
même plus cher encore que le montant des
compensations que la Russie touchera
pour la non-réalisation du contrat.
C’est la réputation de la France et son
prestige en tant que partenaire
commercial en matière d’armement, qui
sont en jeu ».
Même note d’optimisme au
niveau du ministère russe de la Défense
qui s’est exprimé via le vice-ministre
Iouri Borissov, en mentionnant bien que
la flotte russe se passerait des
Mistral. Et en notant que le
porte-hélicoptères n’était pas un
élément inaliénable de la marine de
guerre russe : « Quand le montant
déjà payé sera remboursé, nous
trouverons comment le dépenser d’une
façon plus rationnelle »…
Je crois qu’il est
difficile d’ajouter autre chose si ce
n’est de mentionner ce que la France va
devoir rembourser à la Russie, en
l’occurrence le montant déjà payé et un
supplément en la qualité d’une amende
bien salée : au total environ trois
milliards d’euros... La Russie saura
certainement comment utiliser à bien
cette somme considérable, en
investissant aussi bien dans ses propres
capacités (ce ne sont pas les cerveaux
qui manquent) que dans des projets dans
les pays véritablement amis de la
Russie.
A noter d’ailleurs, et cela
rejoint parfaitement l’aspect
réputationnel de la France en tant que
fournisseur, que l’Inde suit avec la
plus grande attention l’affaire des
Mistral. En effet, New Delhi surveille
de très près la réalisation de ce
contrat pour éventuellement passer (ou
pas) certaines commandes à la France.
Par ailleurs, la Russie est le premier
fournisseur d’armement de la République
indienne (les autres, y compris la
France, se battent pour un pourcentage
minimal). De son côté l’Inde est tout
simplement le plus grand acheteur de
l’armement russe, et ce depuis
longtemps. Sans oublier bien évidemment
que l’Inde est un ami de longue date de
la Russie, cette amitié est aujourd’hui
d’autant plus renforcée dans le cadre de
l’alliance BRICS (Brésil, Russie, Inde,
Chine, Afrique du Sud). Une amitié
sincère, sans hypocrisie, qui permettra
j’en suis sûr à nos deux pays de se
consacrer encore plus activement au
renforcement de la coopération
bilatérale et de l’alliance BRICS, au
lieu de faire appel à des tiers
incapables (car étant sous
asservissement) d’assurer leurs
obligations.
Un dernier point qu’il faut
mentionner, les porte-hélicoptères de
classe Mistral ont été commandés sous
l’ère du ministre Anatoli Serdioukov,
loin d’être le meilleur ministre de la
Défense de la Russie contemporaine.
Peut-être que l’affaire des Mistral ne
sera qu’une raison supplémentaire de
tourner définitivement la page des
erreurs commises durant cette période.
En tout cas la Russie attendra encore un
peu avant de prendre les mesures
nécessaires, laissant la possibilité à
François Hollande et à son
administration de bien peser les « pour
» et les « contre ». Quoiqu’il arrive,
la Russie n’en sortira que vainqueur et
encore plus renforcée. Quant à la
France, pays qui m’est cher puisque j’en
suis diplômé, à part de très sérieuses
pertes économiques, elle risque surtout
de perdre la face, au point de perdre
tout simplement le respect et le
prestige qu’il n’y a encore pas si
longtemps elle inspirait. Mais j’insiste
: cette perte de respect ne visera
aucunement le pays, ni son peuple, mais
bien son élite politique.
© 2005—2014 La
Voix de la Russie
Publié le 27 novembre 2014 avec l'aimable
autorisation de l'auteur
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