Sputnik
La nouvelle Route de la soie,
la multipolarité économique en marche
Mikhail Gamandiy-Egorov
CC0
/ Cresques Abraham - Atlas catalan /
Caravane
sur la Route de la soie
Mardi 16 mai 2017
Source:
Sputnik
Plus le temps passe et plus la
multipolarité gagne du terrain. Au-delà
des changements de grande envergure qui
s’opèrent au niveau de la politique
internationale, le volet économique
n’est pas en reste, comme le démontre le
projet de nouvelle Route de la soie.
L'OCS, les BRICS,
l'Union économique eurasiatique, tous
ces projets ont déjà confirmé leur
solvabilité. Les puissances que les
Occidentaux avaient tendance à appeler
émergentes, pèsent de plus en plus sur
l'économie internationale. Selon
plusieurs
cabinets et centres d'analyse
occidentaux importants, à l'horizon
2040-2050, 6 des 10 principales
économies mondiales seront celles de
pays non-occidentaux (Chine, Inde,
Russie, Brésil, Indonésie, Mexique), à
condition que l'on mette le Japon dans
le « camp occidental », car membre du
G7.
Mais plusieurs
projets en cours ont pour objectif
d'accélérer encore plus les choses. Il
s'agit évidemment de la nouvelle Route
de la soie, nommée aussi « Ceinture », «
La Route » ou encore « Le pont terrestre
eurasiatique ». Il s'agit d'un plan de
très grande envergure voulu par la Chine
et à portée ouvertement eurasienne,
puisque c'est bel et bien l'Eurasie qui
y jouera un rôle clé, comme dans un
passé lointain.
Son principal axe?
Une liaison de fret ferroviaire qui part
de la Chine, passe par le Kazakhstan, la
Russie et la Biélorussie (les trois pays
membres-fondateurs de l'Union économique
eurasiatique) pour arriver en Europe
centrale et occidentale (les
consommateurs finaux). Les trois pays
cités jouent ainsi un rôle de hub
commercial majeur. La route s'inscrit
aussi dans l'objectif de sécuriser les
approvisionnements de gaz russe en
direction de la Chine, dont la
consommation ne cesse de croître.
D'autres voies
additionnelles devraient s'y ajouter,
notamment le réseau routier, qui devrait
permettre à d'autres pays de l'espace
eurasien de contribuer au projet, à
savoir le Kirghizistan, l'Ouzbékistan,
le Tadjikistan, le Turkménistan, ainsi
que l'Iran et la Turquie. Sans surprise,
les pays cités y voient de grandes
opportunités économico-commerciales.
Qu'en est-il des
autres, notamment des pays occidentaux?
Washington y voit
une façon pour Pékin d'augmenter
considérablement un poids sur l'économie
mondiale déjà très important, ce qui
évidemment ne peut la ravir. D'autre
part via ce projet, la Chine diminuera
non seulement ses coûts de transport,
mais en plus réduira considérablement
les risques liés à d'éventuelles
tensions en mer avec les USA, qui
pourraient évidemment affecter ses
approvisionnements.
Quant à Bruxelles,
elle n'est pas ravie d'être réduite au
rôle d'observateur ou de consommateur
final. Et selon la dernière information
relayée par RFI, les six pays de l'UE
qui participent en ce moment même au
Sommet international sur les nouvelles
routes de la soie à Pékin (Allemagne,
France, Grèce, Portugal, Royaume-Uni et
Estonie) n'ont pas souhaité signer le
communiqué commun sur le commerce. Elles
prétendent que Pékin « ne prend pas en
compte ce que l'Union européenne réclame
depuis longtemps, à savoir que la Chine
accorde un accès plus libre à son propre
marché ».
Il est pour autant
peu probable que l'Europe bruxelloise
puisse faire quoi que ce soit contre le
grand projet eurasiatique face à une
Chine, deuxième puissance économique
mondiale, extrêmement déterminée et
ouvertement soutenue par des pays
partisans de l'ordre multipolaire. Et ce
d'autant moins que les pays de l'UE ont
eux aussi clairement besoin du marché
chinois pour écouler leurs produits et
services. Pour rappel, le coût total du
projet s'élèverait à plusieurs trillions
de dollars et, selon CNN, englobera à
terme 68 pays, représentant 4,4
milliards d'habitants et 62 % du PIB
mondial, justifiant une fois de plus la
détermination chinoise et eurasienne.
Le cas intéressant
est celui de l'Ukraine, qui se retrouve
de plus en plus isolée. En effet, de
l'aveu même des élites ukrainiennes
issues du coup d'État de février 2014,
le gazoduc Turkish Stream fermera la
page qui avait fait de ce pays un
important hub gazier entre la Russie et
l'Union européenne. Mais Kiev semble
aussi être hors-jeu dans le projet de
nouvelle Route de la soie, puisqu'après
le Kazakhstan et la Russie, c'est la
Biélorussie qui sera vraisemblablement
privilégiée.
Tout cela pour dire
que les énormes problèmes économiques
actuels de la « new Ukraine » ne sont
pas prêts d'être résolus. Restera alors
pour Kiev à compter sur une aide
économique que l'Occident est de plus en
plus réticent à fournir, ainsi que
tenter de profiter du régime sans-visa
qui a été validé le 11 mai dernier par
l'UE, régime qui ne donne pour autant
pas droit de résider, ni de travailler
dans l'Europe de Bruxelles. Mais cela
est une autre histoire et il sera
difficile aux élites de Bruxelles
d'expliquer aux millions de citoyens
ukrainiens du Centre et de l'Ouest du
pays, ayant soutenu le Maidan, que ce
qu'ils avaient espéré n'est pas
exactement ce qu'ils auront obtenu, avec
les conséquences migratoires qui en
découlent.
Après tout, la
meilleure analyse se fait après
expérience personnelle. Un peu comme
dans la Moldavie voisine, où après sept
années de pouvoir pro-occidental, un
président résolument prorusse a pris le
pouvoir via des élections démocratiques,
sans coup d'État. Chaque chose en son
temps.
© 2017 Sputnik
Tous droits réservés.
Publié le 20 mai 2017 avec l'aimable autorisation de l'auteur.
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