Opinion
« En France, l’atlantisme et le sionisme
sont
les deux mamelles des néocons »
Michel Raimbaud
Michel
Raimbaud
Samedi 10 juin 2017
À l’occasion de la réédition actualisée
de « Tempête sur le Grand Moyen-Orient »
(1), nous avons rencontré Michel
Raimbaud. L’ancien diplomate, qui écrit
avec des convictions en s’appuyant sur
des faits bien documentés, insiste sur
le façonnement en cours du Moyen-Orient,
et plus vastement du monde, entrepris
par les néoconservateurs américains,
avec la complicité des élites
occidentales.
Propos recueillis
par Tigrane Yégavian
Pourquoi crier au «
conspirationnisme » lorsque l’on est
saisi par la clarté du grand dessein
annoncé urbi et orbi par ses propres
promoteurs ? Cela fait longtemps que
Michel Raimbaud, écrivain habité par la
passion de l’État, sincère, engagé et
aux accents volontiers gaulliens, ne
prête plus d’attention aux chiens de
garde de l’establishment qui le snobent.
Ancien ambassadeur de France en
Mauritanie, au Soudan et au Zimbabwe, et
bien connu des lecteurs d’Afrique Asie,
ce fin connaisseur du monde arabe et de
l’Afrique a servi comme diplomate dans
de nombreux pays (avec un long passage
au Brésil), avant de diriger l’Office
français de protection des réfugiés et
apatrides (Ofpra). Tout reste
d’actualité dans Tempête au
Moyen-Orient, ouvrage dans lequel il
dénonce les funestes « policides »
orchestrés par les néoconservateurs
américains et occidentaux ayant débouché
sur le démantèlement du Soudan, de la
Somalie, de l’Afghanistan, de l’Irak, de
la Libye et, aujourd’hui, de la Syrie.
Revenons sur
l’affaire des « bombardements chimiques
» d’Idlib, en Syrie, en avril dernier.
Pourquoi ne criez-vous pas avec les
loups sur la responsabilité du régime
syrien ?
Nous nous trouvons face à une redite de
l’affaire Colin Powell de 2003 en Irak
et de la séquence de l’été 2013 en Syrie
(attaque de la Ghouta). Je n’entrevois
que deux explications possibles : ou
bien ce sont les rebelles qui ont
utilisé les armes chimiques en
appliquant la technique familière du
false flag (faux pavillon), maquillant
par la suite les photos des enfants. Ces
enfants n’auraient-ils pas été tués puis
« soignés » par ces escrocs de
l’humanitaire que l’on nomme les «
casques blancs », autrement dit des
associés du Front Al-Nosra, la franchise
syrienne d’Al-Qaïda ? Sinon, comment
expliquer que les injections, à en
croire certaines vidéos, semblent
factices, le niveau du liquide demeurant
inchangé du début à la fin de la piqûre
de « réanimation » ? Si ces cadavres
d’enfants morts, soigneusement alignés
comme à une parade pour les besoins de
la propagande, avaient été gazés, il eût
été bien imprudent de s’exposer avec eux
sans précaution.
Ou bien, s’il
s’agit d’un bombardement de l’armée
syrienne sur ce dépôt, cela veut dire
que le gaz appartenait aux rebelles. Car
on sait qu’en Syrie le démantèlement de
l’arsenal des armes chimiques et
bactériologiques a eu lieu sous contrôle
de l’Organisation pour l’interdiction
des armes chimiques (OIAC), après les
inspections onusiennes.
Un mensonge de
plus donc ?
La ficelle est bien grosse. Les
mensonges sont légion dans le cas
syrien, tellement nombreux qu’il s’avère
difficile de les « traiter » tous. C’est
une conséquence typique des théories que
j’ai étudiées dans mon livre, à savoir
les stratégies mises en œuvre par
Washington : le chaos innovateur, la
théorie du fou et le false flag, autant
d’intox dont les mécanismes ont été
démontés, notamment par Michel Collon.
En définitive, si « complotisme » il y
a, ce sont les comploteurs eux-mêmes qui
aiment les complots puisqu’ils en sont
les auteurs, et non pas ceux qui les
dénoncent, systématiquement qualifiés de
« complotistes » afin de les discréditer
par avance. Dans un ordre d’idées
proche, les régimes takfiristes qui
financent les « révolutions » chez leurs
voisins espèrent ainsi faire oublier
leur nature profondément réactionnaire.
Il y avait déjà un
certain cynisme de la part des
intellectuels américains au temps où
l’on pérorait sur le contenu de la fiole
qu’avait brandie Colin Powell au Conseil
de sécurité de l’Onu en 2003. Ils
disaient : « L’Amérique est le plus
grand empire qui ait jamais existé sur
Terre, discutez et critiquez telle ou
telle de nos actions si vous voulez,
nous, pendant ce temps, nous créons des
réalités nouvelles et nous faisons
l’Histoire ! » Effectivement, pendant
que tout le monde disserte : les idiots
utiles, les médias, les universitaires
et la classe politique rivalisant en
bêtise tout en maintenant une omerta
faramineuse sur les faits, les neocons
façonnent effectivement cette Histoire
dont nous sommes les témoins. Cela
participe à un enfumage qui ne nous
donne pas le loisir d’anticiper les
mauvais coups que préparent ces néocons.
Que répondez-vous aux accusations de
connivence entre Moscou et Washington ?
Il n’y a pas de
connivence entre la Russie et les
États-Unis. Si les Russes jouent la
carte de la diplomatie, c’est pour
trouver une solution politique. Je
m’étonne également que le communiqué
tripartite publié par Damas, Moscou et
Téhéran au lendemain de l’attaque
américaine du 4 avril sur la base
aérienne de Shayrat, en Syrie, n’ait pas
été divulgué dans les médias mainstream.
Ce communiqué se voulait un cinglant
avertissement adressé à l’administration
Trump, rappelant les fondamentaux :
respect de la souveraineté, de
l’indépendance, de l’intégrité de la
Syrie, et son droit de reprendre le
contrôle de l’ensemble de son
territoire.
Concernant l’hésitation du président
Obama en 2013 qui, finalement n’a pas
donné l’ordre d’attaquer, je me souviens
avoir été parmi les rares personnes à
être persuadées qu’il n’y aurait pas de
frappes…
Qu’est-ce qui a
freiné Obama ?
Obama n’est pas un personnage limpide.
C’était sa façon à lui de s’affirmer en
ne bombardant pas. Non pas qu’il soit
revenu à de meilleurs sentiments, car il
était suffisamment bien informé par ses
renseignements pour connaître la vérité,
mais parce qu’il voulait marquer son
pouvoir présidentiel face au think tank
collectif qui l’entourait – c’est ce
qu’il affirme dans une interview en
forme de testament.
J’évoque souvent «
l’État profond néoconservateur » pour «
expliquer » ce qui, sinon, pourrait
paraître inexplicable. À mes yeux, ce
concept est d’une importance
fondamentale. Devenu populaire, il est
une réalité visible, voire très voyante,
depuis la fin de la guerre froide. Il se
réfère à la doctrine dominante qui crée
une symbiose idéologique entre les
décideurs, les acteurs, les faiseurs
d’opinions dans tous les secteurs de la
vie publique et tous les cercles de
pouvoir (politiques, diplomates,
hiérarchie judiciaire, élites
intellectuelles, journalistes, milieux
d’affaires, communautés diverses,
lobbies, etc.).
Né dans le camp
républicain qui est son berceau et ancré
sur le double messianisme religieux du
judaïsme et des Églises protestantes
dites « Églises d’éveil », l’État
profond néoconservateur s’est solidement
implanté dans les rangs démocrates,
avant de trouver des terreaux favorables
dans toutes les terres d’Occident et
dans les États les plus improbables. La
France est loin d’échapper à la règle,
tant est grande l’idolâtrie des élites
vis-à-vis de tout ce qui vient
d’Amérique et le lien de vassalité que
celles-ci ont intériorisé durant les
décennies passées.
À Paris, les
quartiers généraux et/ou les bastions de
cet « État profond » sont divers et
variés : non seulement au Quai d’Orsay
où sévit la « secte » ou la « meute »
néocon, mais aussi à Matignon, à
l’Élysée et dans les rouages de la
société et les arcanes du pouvoir. Les
élites parisiennes sont depuis des
années cooptées dans le fameux programme
des « Young Leaders » de la fondation
franco-américaine. On chercherait en
vain un clivage entre droite et gauche «
de gouvernement ».
Comment
avez-vous observé l’évolution de la
trajectoire des néoconservateurs
français depuis le Quai d’Orsay ?
Comment et quand ont-ils essaimé ?
Historiquement, les origines du
néoconservatisme remontent à la création
des États-Unis, à l’arrivée des «
Pilgrim Fathers », ces Pères fondateurs,
pour l’essentiel des protestants fuyant
l’Europe pour des raisons religieuses et
se référant à la Bible plutôt qu’au
Nouveau Testament. En vertu du
messianisme qui les inspirait, ils
pensaient que Dieu les avait guidés vers
l’Amérique afin qu’ils deviennent le
nouveau peuple élu. Notez le parallèle
avec le sionisme… Du reste, les groupes
ou lobbies chrétiens sionistes
s’inscrivent dans cette tradition. Les
premiers migrants en Amérique se
référaient à la pensée de Cromwell,
imprégnée de mystique sioniste. Mais il
faut attendre l’arrivée au pouvoir de
Ronald Reagan dans les années 1980 pour
que cette mystique trouve sa traduction
politique dans le néoconservatisme, une
traduction associée à la promotion du
néolibéralisme et à la fin de la
détente.
C’est sous le
mandat de Reagan que l’on assiste au
retour de la confrontation contre
l’URSS, encouragé par la Britannique
Margareth Thatcher et le pape Jean-Paul
II. Si l’équilibre de la terreur les
empêche alors d’agir en transgressant
les règles du jeu, les neocons (on ne
les connaît pas encore sous cette
appellation) ont les coudées franches à
partir des années 1990-1991, après
l’implosion de l’URSS et la disparition
du « bloc communiste ». À noter que
Donald Trump est le produit plus ou
moins inavoué de cet establishment
(malgré ses affirmations) puisqu’il
semble considérer Reagan comme un père
spirituel et se réfère volontiers aux
Pères fondateurs de l’Amérique.
Trump a pourtant
fondé son discours de campagne en
s’opposant aux élites de Wall Street
afin d’engranger des soutiens dans
l’Amérique profonde…
S’il a été élu par le « petit peuple »
et par « l’Amérique profonde » contre
l’establishment, il ne pourra pas
résister longtemps aux pulsions de
l’État profond. Très isolé face aux
élites, il en a bien eu besoin sitôt
élu. Au passage, le fait qu’il bombarde
la Syrie dès son début de mandat fait de
lui un « président normal », et cela
deux jours à peine après avoir fait une
proposition de reprise de contact à
Bachar al-Assad par l’intermédiaire
d’une congressiste américaine
(démocrate) chargée par Trump lui-même
de transmettre un message en ce sens au
président syrien. Voilà la théorie du
chaos remise en application : elle
correspond à dire tout et son contraire.
Il n’est pas
évident pour les Américains de gérer
cette théorie du chaos, qui paraît très
anglo-saxonne, en ce sens qu’elle permet
d’associer toutes les ambiguïtés, selon
une méthode que l’on retrouve dans le
langage des ONG, dans les discours du
FMI, dans le style des politiques et
diplomates américains : mélanger le
passé et le présent, les affaires
importantes et les détails, la réalité
et la fiction. Cela ouvre beaucoup de
possibilités aux prestidigitateurs du
droit, aux manipulateurs de valeurs, aux
magiciens maîtres de l’Univers. C’est
également une illustration de la «
théorie du fou » inventée par Kissinger
au temps de Nixon : les États-Unis ont
vocation à être les maîtres du monde et
entendent le rester ; pour effrayer
leurs ennemis, ils doivent projeter
l’impression que l’Amérique est, en
partie du moins, gouvernée par des
dirigeants cinglés ou imprévisibles.
La ligne Trump
représente un archétype de la « théorie
du chaos innovateur » mise en œuvre
selon les normes de la théorie du fou.
Le président « flexible » est un pur
produit de l’école néoconservatrice,
fondée sur le double messianisme
protestant et juif, évoqué précédemment.
Dans ce contexte, notons que l’alliance
avec les islamistes djihadistes n’est
pas circonstancielle, mais naturelle,
les islamistes radicaux se réclamant
également d’une mission divine, afin
d’éradiquer tout ce qui s’écarte de leur
conception de l’islam et recréer in fine
un califat, un État islamique fondé sur
la charia (la loi coranique interprétée
à leur façon).
Vous ne m’avez
toujours pas dit à quand remonte la
pénétration du néoconservatisme dans les
arcanes du pouvoir français.
La première manifestation de leur
apparition en France remonte, me
semble-t-il, au lendemain de la chute de
l’URSS et à la signature du traité de
Maastricht en 1992. François Mitterrand
n’était pas néoconservateur, mais son
entourage l’était en bonne partie, ou
faisait du néoconservatisme sans le
savoir, comme Monsieur Jourdain faisait
de la prose sans le savoir.
La seconde manifestation intervient à
mon sens avec la crise affectant les
relations franco-africaines en 1994,
marquée par la dévaluation inopinée du
franc CFA de 50 % sous la pression
conjointe de la Banque Mondiale et du
FMI. L’héritage gaullien, déjà ébréché,
va dès lors être dilapidé de plus en
plus ouvertement, la France renonçant de
facto – en le niant – aux attributs de
sa souveraineté. Dans la foulée du
baroud d’honneur du duo Chirac-Villepin
en 2003 concernant l’opposition de la
France à la guerre en Irak, le président
Chirac va s’affoler et multiplier des
concessions inutiles, allant au-devant
des sollicitations de Washington. Le
retour au commandement intégré de l’Otan
se fera en douce ; il ne restera plus
qu’à l’afficher politiquement, ce qui
sera chose faite dès le début du mandat
de Sarkozy.
Paris appuiera
ainsi les sanctions contre la Syrie
promulguées par le Congrès américain par
le biais du Syrian Accountability and
Lebanese Sovereignty Restoration Act en
décembre 2003. La France sera en quelque
sorte chargée de « gérer » pour le
compte de Washington le dossier de la
détérioration programmée des relations
avec Damas. Le levier libanais (à la
suite à l’assassinat du premier ministre
Rafiq Hariri, ami de Chirac) sera
utilisé pour convaincre Paris d’assurer
cette mission : jusque-là assez bonnes,
les relations franco-syriennes vont dès
lors se dégrader brutalement. Elles ne
s’en remettront pas, malgré une brève
embellie sous l’ère Sarkozy.
La pénétration du
courant néocon s’accompagne d’une
opération de casse menée contre les
diplomates du Quai d’Orsay, tenu pour
pro-arabe : le cadre d’Orient, les
arabisants et les islamisants en premier
lieu sont ciblés. Cette offensive qui ne
dit pas son nom emprunte deux biais : on
disperse les experts de la région dans
des zones géographiques éloignées du
monde arabe, et on recrute pour les
postes clés des énarques et technocrates
formatés. À cela s’ajoute les saignées
budgétaires consécutives et incessantes,
le recours à des contractuels, l’ubérisation,
autant d’éléments qui ont définitivement
sapé notre action diplomatique et notre
rayonnement à l’international. Au vu de
l’ampleur des missions d’un «
Département » (comme on l’appelle),
régalien par excellence, le budget du
ministère des Affaires étrangères a
toujours été relativement modeste, ne
dépassant pas 1 % du PIB. Depuis un
quart de siècle, on ne parle plus que
d’austérité !
Qu’est-ce qui
motive les diplomates néocons de la «
secte » du Quai d’Orsay à poursuivre
cette politique, selon vous ?
Le suivisme, l’atlantisme et le
sionisme, qui sont pour ainsi dire
synonymes.
Dans le cas du
dossier nucléaire iranien, l’équipe de
Laurent Fabius n’était-elle pas motivée
par la défense de l’intérêt national en
freinant des quatre fers l’acquisition
de la bombe par Téhéran qui affaiblirait
les positions de la France dans la
région ?
Non. Cela faisait partie des rôles
délégués à la France et aux Européens
par Washington. Le dossier du nucléaire
iranien, dont le programme remonte à
l’époque du chah, a été fabriqué par les
ancêtres des neocons américains dans le
cadre du projet « Atome pour la paix ».
Il avait toujours fait l’objet de
l’unanimité nationale en Iran ; tout le
monde trouve ça très bien et personne en
Occident n’y a trouvé à redire jusqu’à
la révolution islamique. Le dossier a
ressurgi dans la foulée de l’occupation
de l’Irak. Après la guerre
irano-irakienne (politique du double
endiguement), puis la première et la
seconde guerre d’Irak qui ont mis ce
pays à terre, les États-Unis ont délégué
à la France, au Royaume-Uni et à
l’Allemagne la gestion du dossier. En
cela, il me semble que l’ancien
président Khatami s’est engouffré dans
un piège, d’où la rupture actée par son
successeur Ahmadjinehad.
En 2006, le dossier
est transféré de l’Agence internationale
de l’énergie atomique au Conseil de
sécurité des Nations unies, dont les
cinq membres permanents sont des «
puissances nucléaires légales ». Ce qui
va accentuer la pression sur Téhéran et
dévoiler les objectifs cachés de la «
négociation nucléaire ». La signature de
l’accord « historique » en juillet 2014
n’a pas réglé le différend de fond entre
l’Iran et ses quatre interlocuteurs
occidentaux (États-Unis, France,
Grande-Bretagne, Allemagne).
Les
néoconservateurs sortent-ils fragilisés
par l’élection de Donald Trump ?
Non, au contraire, car il est leur
meilleur représentant. Trump s’est fait
élire sans le soutien des élites. Mais
une fois au pouvoir, il ne peut se
contenter de l’appui des cowboys ou des
mormons. Or, depuis des lustres, les
élites américaines, tous partis
confondus, sont néoconservatrices. Trump
a dû aller puiser dans le même réservoir
où aurait pioché Hillary Clinton (État
profond, Goldman Sachs…) si elle avait
été élue. Trump n’a pas d’autres choix
que d’obtempérer aux desiderata de
l’État profond américain. Il suffit de
voir ses choix en ce qui concerne ses
ministres et collaborateurs (au sein de
l’establishment) et ses décisions,
notamment en politique étrangère. En
Syrie et Russie, par exemple.
En France,
l’atlantisme et le sionisme sont
désormais les deux mamelles des néocons.
Cette adhésion a commencé avec Chirac,
puis s’est finalisée avec Sarkozy qui
parlait de « retour au bercail » pour
justifier la réintégration pleine et
entière de nos forces au sein du
commandement intégré de l’Otan. Pour ce
qui est de Hollande, je ne vous apprends
rien en vous disant que les socialistes
ont un ADN européiste, sioniste et
colonialiste qui remonte au minimum à
Guy Mollet (sous la IVe République). Ce
n’est nullement une légende. Durant son
deuxième mandat, Mitterrand aura cette
déclaration de fossoyeur : « La France
est notre patrie, l’Europe est notre
avenir. » Petit à petit, cette idée a
gagné du terrain au Quai d’Orsay et dans
« l’État profond », y compris à
l’Université, sensible aux sirènes de
l’Amérique, de l’Europe, de l’Otan, de
la globalisation et de ses succursales
diverses.
On a bien vu
dans la campagne présidentielle
française que l’Europe était relayée à
un rang subalterne. Un grand nombre de
candidats ont rivalisé dans leurs
discours prosouverainistes. Cet idéal
vend-il encore ?
L’Europe n’est pas une idée populaire,
contrairement à ce qu’affirment les
illusionnistes du « rêve européen ». Les
candidats ont souvent promis de «
renégocier » les traités européens, ce
qui est un leurre à usage électoral. À
toutes les élections, on nous a fait la
même promesse. De mon point de vue,
l’Europe est la prison de la France. Ce
n’est pas nous qui décidons. Allons même
plus loin : nous nous indignons que les
décisions nous concernant soient prises
à Bruxelles, alors qu’en réalité c’est
en Amérique que tout se décide. Nos
élites du mainstream se satisfont de ce
statut de « territoire » à la
Massachusetts, auquel la France a été
réduite. Mais alors, à quoi bon payer et
entretenir cette administration
bruxelloise tentaculaire et si onéreuse
qui prend ses ordres à Washington ?
La réédition de
votre livre connaît un vif succès.
Pourtant, vos détracteurs ne vous
épargnent pas dans la véhémence de leurs
attaques…
Je reprends à mon compte ce proverbe
chinois : « Quand le sage montre la
Lune, l’imbécile montre le doigt. »
J’écris en fonction de mes convictions.
La thèse que je développe est bien
documentée et rend compte des réalités,
de l’enchaînement d’événements qui
autrement resteraient incompréhensibles.
Elle me semble beaucoup mieux acceptée
et comprise en cet an VII de la «
tempête sur le Grand Moyen-Orient »
qu’il y a deux ans. En effet, rien dans
les évolutions constatées n’est venu
démentir ce qui était inscrit dans la
première édition, au niveau du
Moyen-Orient, du Grand Moyen-Orient de
George W. Bush, au sein de l’islam et en
ce qui concerne l’ordre du monde dont la
mutation se dessine sous nos yeux.
Autant de sujets qui font l’objet de mon
ouvrage.
(1) Tempête sur le
Grand Moyen-Orient, Michel Raimbaud, 2e
édition enrichie et remise à jour, Éd.
Ellipses, 716 p., 28 euros.
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