Assawra
Moyen-Orient: Comment créer « une paix
juste et durable » dans un contexte
d’agressions continues et quelles en
sont les conditions?
Marie Nassif-Debs
L'œil ouvert -
Dessin: Al Faraby
Jeudi 9 juin 2016
Les guerres et les bouleversements
sanglants que notre région subit en ce
troisième millénaire sont, comme ceux
qui les ont précédés, le fait de
l’impérialisme qui, depuis l’implosion
de l’Union soviétique et des pays
socialistes en 1990, tente de finir avec
toutes les frontières et tous les
changements survenus à la suite de la
seconde guerre mondiale. Ces
changements, on s’en souvient, s’étaient
traduits dans la plupart du Monde arabe,
tant au Machreq qu’au Maghreb, par des
soulèvements ou des révolutions ou,
surtout, des coups d’Etat qui avaient
mis fin à des décennies de colonialisme
mais qui, de par les forces sociales qui
les ont dirigés, ne pouvaient (et ne
voulaient) pas instituer une politique
économique indépendante. A ce problème
économique, il faut ajouter la création
de l’Etat d’Israël en 1946, déjà prévue
depuis la promesse faite par le ministre
britannique Balfour (2 novembre 1917),
en lieu et place de la Palestine dans le
but d’aider à la sauvegarde des sources
d’énergie (pétrole et gaz) que recelait
le Golfe arabique et dont l’industrie
des pays capitalistes avait et a
toujours besoin pour fonctionner.
Le projet du « Nouveau Moyen Orient »,
appelé auparavant « Grand Moyen Orient
», est né à la suite des changements que
nous venons de mentionner et qui avaient
eu pour conséquence de sortir des pays
tels que l’Egypte ou la Syrie ou
l’Algérie (et, même, la Libye) du giron
de l’impérialisme. Mais son application
s’avérait difficile par le seul fait des
guerres d’agression israélienne qui, au
lieu de diviser les peuples arabes, les
rendaient beaucoup plus solidaires,
surtout avec la naissance de la
Résistance palestinienne en 1965 puis,
plus tard, en 1982, de la Résistance
patriotique libanaise, menée d’abord par
les Communistes puis par le Hezbollah,,
et qui fit grand effet en obligeant les
armées israéliennes (dites invincibles)
à se retirer du Liban et en libérant le
pays en 2000. D’où, le retour au projet
mis par Henry Kissinger et dont la base
est de fomenter des guerres de religion
ou, plutôt, des guerres confessionnels
qui auraient pour conséquence la
déstabilisation du Monde arabe. Ce
projet fut facilité par la répercussion
des politiques néolibérales sur les
économies des pays arabes, à la suite de
l’éclatement de la crise capitaliste en
2008, mais aussi par les régimes
dictatoriaux mis en place dans les
années Cinquante et Soixante du XXème
siècle qui avaient transformé les pays
qu’ils gouvernaient en d’immense
prisons, remplies surtout du peuple de
la Gauche, sous prétexte qu’ils
luttaient pour la libération de la
Palestine…
Il nous faut noter, enfin, que les
puissances impérialistes avaient, une
fois de plus et à la suite des nouveaux
soulèvements des peuples arabes, surtout
en Tunisie et en Egypte, permis à la
Turquie et, surtout, aux monarchies et
émirats réactionnaires du Golfe
d’encadrer et de financer des groupes
terroristes, dont Daech et surtout An
Nosra, sœur cadette d’Al Qaeda au
Machreq arabe (Liban, Syrie). Ces
groupes qui ont trouvé refuge dans la
région du Golan occupée par Israël et
dont les blessés sont soignés dans les
hôpitaux israéliens… sans parler du
commerce du pétrole volé par ces groupes
à l’Irak et à la Syrie et vendu, via la
Turquie, à des groupes pétroliers
étasuniens.
Quant au Liban, il est pris entre deux
feux : au Sud, l’armée israélienne qui
viole son territoire au vu et au su des
forces intérimaires des Nations Unies au
Liban (FINUL) et, à l’Est et au
Nord-est, les groupes terroristes de
Daech et An Nosra.
Comment créer « une paix juste et
durable » dans ce contexte d’agressions
continues et quelles en sont les
conditions?
Premièrement, une paix juste et durable
doit passer, d’abord, par le droit au
retour du peuple palestinien ; et, quand
nous disons « droit au retour »,
cela concerne tous les réfugiés et non
une partie, tel que les gouvernements
israéliens toutes tendances politiques
confondues le clament tout haut. En
plus, bien entendu, du retour sur la
scène politique et juridique de l’Etat
palestinien, un Etat libéré de la
colonisation, un Etat réunifié et ayant
Al Quds pour capitale.
Deuxièmement, une paix juste et durable
passe par le retrait des forces
d’occupation israéliennes des
territoires toujours occupés, non
seulement en Palestine, mais aussi dans
le Golan et au Liban (les fermes de
Chebaa et les hauteurs de Kfarchouba).
Troisièmement, une paix juste et
durable ne peut se faire avec la
présence de bases militaires et
d’armées éparpillées sur nos territoires
et tout autour de la Méditerranée par
les puissances capitalistes sans
exception qui s’immiscent dans nos
affaires intérieures et arment nos
ennemis.
Quatrièmement, une paix juste et durable
passe par la volonté des peuples vivant
dans le Monde arabe, toutes origines
ethniques confondues, et non par les
forces contre-révolutionnaires, tantôt
appelées « régimes tempérés » et tantôt
« forces islamistes tempérées » à qui
les puissances capitalistes donnent aide
et assistance sous prétexte de nous
apprendre comment construire des régimes
démocratiques.
Cinquièmement, une paix juste et durable
doit se faire dans le sens contraire du
projet du « Nouveau Grand Moyen Orient »
avec tout ce qu’il comporte comme Etats
confessionnels et religieux, Un grand
Etat sunnite (La Turquie) uni à un grand
Etat chiite (l’Iran) afin de justifier
le grand Etat juif (Israël) tandis que
l’on supprime le « Monde arabe » en le
divisant en mini Etats confessionnels
antagonistes et inféodés aux grands
Etats confessionnels et religieux de la
région. En d’autres termes la pais juste
et durable ne se construit pas sur
l’oppression ni sur l’exacerbation des
tensions religieuses, parce que les
religions ne seront jamais la base de la
création d’un monde nouveau basé sur les
droits de l’Homme.
C’est pourquoi, le parti Communiste
libanais a œuvré, depuis octobre 2010, à
la création d’un mouvement nouveau, le
Forum de la gauche arabe. Ce
mouvement, dont les composantes furent
et continuent à être au sein de la lutte
pour la libération et le changement, se
base maintenant sur une plateforme
politique et socioéconomique consentie
entre ses membres. Cette plateforme
stipule entre autres :
1 - Sur le plan politique : la lutte
pour construire de régimes démocratiques
et laïques ainsi que pour faire face à
l’agressivité impérialiste et sioniste
et à leurs projets dans la région.
2 - Sur le plan économique : la lutte
pour des économies productives et
indépendantes face aux économies
rentières et inféodées au capitalisme et
à ses politiques économiques
néolibérales.
3 - Œuvrer pour la complémentarité et
l’unité entre les pays arabes sur des
bases démocratiques.
4 - Créer dans chaque pays des fronts et
des alliances dont le but est de mettre
fin aux régimes arriérés, monarchiques
et autres, dictatoriaux et despotiques,
aux forces antirévolutionnaires
constituées surtout de forces politiques
religieuses et des forces des anciens
régimes déchus.
5 - Créer un « Front de Gauche »
à l’échelle du Monde arabe dans le but
de reconstruire un nouveau mouvement de
libération de nos pays.
6 - Affirmer la centralité de la cause
palestinienne basée sur le droit du
peuple palestinien au retour dans tous
les territoires desquels il fut chassé
et à la construction de son Etat
national ayant Al Quds pour capitale,
ainsi que son droit à résister à
l’occupation par tous les moyens, dont
la résistance armée.
7 - Refuser et combattre toute forme de
normalisation avec l’ennemi israélien.
8 - Œuvrer dans le sens le sens du
développement des soulèvements et des
révolutions arabes, et mobiliser les
masses afin de réaliser les mots d’ordre
brandies par ces révolutions, à savoir :
la liberté, le progrès social et la
dignité humaine.
9 - Faire face à l’agressivité et aux
plans impérialistes et toutes les formes
d’occupation, de terrorisme et de
tutelle.
10 - Aider à la création d’un « Front
progressiste » qui élargirait le Forum
de la gauche arabe vers des partis et
des forces démocratiques et
progressistes et qui porterait le projet
de changement démocratique.
"Une paix juste et durable, un
développement humain, social et
écologique
Du Grand Moyen-Orient : priorité
mondiale"
(PCF, table ronde – Juin 2016)
Intervention de Marie Nassif-Debs,
Parti Communiste libanais
Le sommaire de Marie Nassif-Debs
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