Qu'est-ce que
philosopher?
L'âge post-théologique de la folie du
monde
Manuel de Diéguez
Manuel de
Diéguez
Vendredi 12 décembre 2014
|
1 - Métazoologie de
l'animal cérébralisé
2 - Les malodorances du mythe de
la Liberté
3 - Les spéléologues nouveaux de
la folie
|
1 - Métazoologiue
de l'animal cérébralisé
Comment un chat
découvrirait-il la nature féline de sa
race s'il se voyait réfléchi sur la
rétine des chats ? Le lecteur sait que,
depuis 2001, j'essaie de poser les
fondements d'une simianthropologie
critique qui tenterait d'échapper à la
tautologie de regarder l'animal
rationale avec les yeux de l'animal
rationale lui-même.
Depuis des siècles,
c'est en se faisant apostropher par des
dieux que les évadés de la zoologie
tentent d'échapper à cette aporie. Mais,
depuis que le fonctionnement politique
de "Dieu" se révèle observable du dehors
et à l'école de son système judiciaire,
c'est l'animalité de "Dieu lui-même" qui
se mesure à la barbarie de ses
châtiments et à l'enfantillage de ses
récompenses. Quand l'éthique de la
créature commence de dépasser celle de
ses Olympes, ceux-ci se réfléchissent
dans le miroir des civilisations
capables de construire l'observatoire de
la sauvagerie commune aux hommes et à
leurs divinités. Et pourtant, les
ténèbres annoncent l'ascension du
soleil. Le pacte de la méta-zoologie
avec la science historique de demain
portera un regard sur la vraie postérité
d'Erasme et de Darwin; car les nouveaux
politologues devenus des logiciens
diront qu'un vivant dont la cervelle se
trouve en cours d'évolution se trouve
nécessairement placé entre deux espèces
d'animaux.
La dislocation
mentale que subit le simianthrope actuel
fera donc progresser la science de
l'animalité spécifique dont souffre la
boîte osseuse d'un primate lexicalisé et
dont la cérébralisation grammaticalisée
s'est flanquée d'une conque sommitale
scindée entre des songes et des
mangeoires. On n'apprendra à observer de
l'extérieur un bimane tout juste
détoisonné et dichotomisé pour longtemps
entre ses grammaires et ses râteliers
que si l'on cesse de piétiner au seuil
de la connaissance métazoologique de
l'histoire et de la politique qu'appelle
l'Europe d'aujourd'hui.
L'animalité
simiohumaine est nécessairement
encéphalique. Inutile de la chercher
dans le champ en friche de la zoologie
traditionnelle : on n'est pas un animal
spécifique à partager le boire, le
manger et le sexe avec les autres
animaux, mais parce qu'on pense de
travers. L'homme tombe dans des pièges
proprement cérébraux.
Exemple : le verbe
putare dont le français a tiré
putatif, mais aussi amputer,
n'a pris le sens de penser que
tardivement. En latin putare
signifiait d'abord couper, découper,
donc cerner et délimiter.
C'est pourquoi la bête humaine s'imagine
que toutes choses sont calibrables. Elle
trace des frontières et se laisse
enfermer dans des enceintes - l'espace
et le temps seront censées entourés de
barrières.
La folie originelle
d'enclore était partagée par Einstein
lui-même, qui se demandait si l'univers
avait une clôture. On la retrouve dans
le compartimentage politique du mythe de
la Liberté. Cette pieuvre étend ses
tentacules vassalisantes sur le monde !
Penser, pour l'homme en devenir, c'est
s'installer dans l'infini, tandis que,
pour la bête, c'est lier penser à
amputer - putare à
amputare.
L'Angleterre est
une nation pragmatique. C'est pourquoi
elle a tenté de découper l'Europe en
petites portions "souveraines" et au nom
même de la Liberté, afin de l'amputer,
donc de l'apprêter à sa vassalisation
par les Etats-Unis.
2 - Les
malodorances du mythe de la Liberté
On appelle recul,
distanciation ou objectivation
un savoir surplombé par le regard de la
raison scientifique d'une époque.
Comment peser ce recul à son tour? La
vassalisation actuelle d'une Europe
tombée dans un délire de type
parareligieux (L'Europe,
un asile d'aliénés) soulève la
question de la folie précisément
connaturelle au regard pseudo rationnel,
que nous portons encore sur l'infirmité
cérébrale qui frappe de plein fouet les
fuyards du règne animal .
La vraie question
nous appelle donc à radiographier
l'éloignement cérébral avorté de la
bête, donc ce qui lui manque, à savoir
un instrument d'observation fiable de la
folie innée dont elle est demeurée
l'otage. Quel est le théâtre de la
géopolitique contemporaine en tant
qu'elle ne voit pas la folie viscérale
qui l'inspire, et cela à la manière,
précisément, dont Erasme dénonçait les
théoriciens de l'enfer de son temps -
mais seulement avec le sourire de
l'humaniste sur les lèvres. Qu'en est-il
de la folie de la bête lexicalisée par
la croyance selon laquelle il existerait
des rôtissoires fumantes qui se
prépareraient, dit-elle, à faire
bouillir sa chair et à en porter le
fumet aux narines d'un Zeus avide de
leur malodorance?
Le banc d'essai de
l'auto-asservissement volontaire des
Etats européens d'aujourd'hui aux
puanteurs du mythe impérial de la
démocratie américaine présente un champ
d'expérimentation des senteurs de
l'histoire du monde. Mais il y faut une
histoire de la semi-animalité d'Adam et
de ses odeurs cérébrales, tellement la
vassalité intellectualisée se révèle
riche d'enseignements psychobiologiques
inattendus et inespérés. Qu'en était-il
du cerveau en folie de notre espèce il y
a deux mille ans seulement et qu'en
est-il des relations délirantes que cet
organe entretient désormais aussi bien
avec notre politique mondiale de la
Liberté qu'avec notre science faussement
théorisée?
3 - Les
spéléologues nouveaux de la folie
Cinq siècles après
la parution, en 1509, de L'Eloge
de la folie, il est devenu
impossible d'éluder la question la plus
décisive de toutes, celle qui se pose à
l'Europe de la raison: car la science
historique est en quête d'une boussole
méta-théologique. Cette quête est
devenue inévitable dès lors que le sacré
illusoirement laïcisé d'un côté et le
sacré demeuré ecclésial, liturgique et
rituel, de l'autre se rencontrent pour
se donner, une fois de plus, le rôle de
protagonistes de la planète de nos
songes ensanglantés.
Du coup, les Etats
illusoirement désacerdotalisés du Vieux
Monde se voient interdire l'hérésie de
laisser dans l'irréflexion la nécessité
de doter d'un gouvernail les peuples
prématurément qualifiés de libres
et vassalisés par le clergé pseudo
rationnel que les démocraties
messianiques ont enfanté. Mais c'est aux
clercs désarmés qu'il faut expliquer en
premier lieu les malheurs qui ont frappé
leur mythe de la Liberté dès lors que
les chefs d'Etat ignorent la nature des
fers qu'ils portent aux chevilles. Il
faut donc porter remède à la
méconnaissance du contenu proprement
zoologique que les pseudo-sciences
humaines modernes tentent d'occulter -
car elles se réclament en vain d'une
Clio et d'une politologie dont le
désenchaînement n'est pas à leur portée.
Autrefois les
grands hommes d'Etat flairaient le
terrain d'un pif souverain, ce qui
suffisait à les doter d'une avance
souveraine sur le savoir politique
irréfléchi de leurs congénères encore
solidement entravés par la scolastique
du Moyen-Age. Certes, Henri IV se
trompait lourdement de rappeler, avec un
haussement d'épaules, que "Paris vaut
bien une messe". C'était traiter
avec trop de désinvolture l'encéphale
dont la France de son siècle faisait
usage. Quant à Charles Quint, il savait,
en simple praticien d'une histoire
censée décryptée à l'écoute de la foi de
son temps qu'on ne saurait unifier un
peuple scindé entre deux cosmologies
mythiques condamnées à entrechoquer
leurs dogmes, leur catéchèse et leur
sophistique respectifs jusqu'à ce que
mort s'ensuive.
Puis, à partir du
XVIIIe siècle, l'avance relative des
têtes politiques sur celles des
infaillibles du ciel et de l'enfer de
leur époque s'est cruellement inversée:
c'étaient désormais les chefs d'Etat
attachés au timon des affaires qui
avaient pris un grand retard sur la
connaissance rationnelle des secrets
psychogénétiques de l'espèce devenue
schizoïde à l'école de son langage. Dès
les premiers pas du XXe siècle - qui
s'engageait résolument dans la postérité
vivante, donc sacrilège, de Darwin -
nous commencions de disposer d'une
simianthropologie capable d'observer du
dehors la course trébuchante des fuyards
de la zoologie. Mais comment remonter
aux sources psycho-biologiques des
dichotomies sacrées que le monothéisme a
déclenchées dans l'histoire titubante de
l'humanité?
La bête biphasée à
l'école de l'affolement de ses neurones
- et cela aussi bien dans ses sciences
exactes que dans ses religions - ne
saurait livrer les secrets proprement
cérébraux de sa folie à une classe de
savants artificiellement placée à
l'écart de la tribu et parquée dans
l'enceinte de la raison
tridimensionnelle antérieure à 1904.
Mais, de leur côté, les chefs d'Etat
porteurs du harnais des jours ne
sauraient ignorer plus longtemps les
ressorts semi-zoologiques des
Républiques messianisées et
sotériologisées par leur mythe de la
Liberté. Qu'en est-il des rouages des
idéologies grisées par les neurones de
la démocratie ?
Reçu de l'auteur pour publication
Le sommaire de Manuel de Diéguez
Les dernières mises à jour
|