Les défis de
l'Europe
Courage, M.
Juncker !
Manuel de Diéguez
Manuel de
Diéguez
Samedi 12 juillet 2014
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Présentation
1 - La cervelle de
l'Europe
2 - Les malheurs de l'apôtre
3 - La colonne vertébrale de M.
Renzi
4 - La politique des bons
sentiments
5 - De la psychophysiologie
religieuse des empires
6 - Les " auxiliarii " des
Romains
7 - La simianthropologie et la
métazoologie
8 - La commission de Bruxelles
et les arcanes psychobiologiques
de la politique internationale
9 - La voix de la mer
10 - Votre rendez-vous avec
l'Amérique
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Présentation
Depuis que nous
avons commencé de nous évader du règne
animal, nous tentons de porter sur
nous-mêmes un regard souverain.
Longtemps, nos avons confié cette tâche
à un cénacle de dieux que nous avions
rendus avisés à notre école. Mais la
chute de l'empire romain nous a fait
remplacer d'œil de Zeus par celui d'une
divinité solitaire et digne de succéder
toute seule à nos empereurs les plus
puissants et les plus majestueux - nous
avons pris soin de l'armer des
récompenses les plus insurpassables à
notre égard et des châtiments les plus
épouvantables. Puis nous sommes revenus
au regard que nous portions sur
nous-mêmes depuis Homère et nous avons
appelé notre retour au bercail la
Renaissance de notre raison à nous.
Mais nous avons
oublié de nous demander en chemin
pourquoi nous avions longtemps recouru à
des dieux afin de porter sur nous-mêmes
un regard de l'extérieur; et nous avons
tenté de devenir à nos propres frais nos
sotériologues, nos rédempteurs, et nos
eschatologues. Mal nous en a pris : à
partir du XVIIIe siècle, nous avons
résolument décidé de substituer notre
regard sur nos dieux au regard de nos
dieux sur nous. Certes, cela nous a
rendus critiques à l'égard de leurs
sucreries éternelles et de leurs
tortures dissuasives. Mais au XXe
siècle, nous avons vu sombrer à son tour
notre mythe du salut et nous perdu les
lunettes, les bésicles et les télescopes
de notre propre messianisme. Sur quel
Olympe allons-nous maintenant nous
hisser afin d'apprendre à nous regarder
de plus haut et de plus loin que nos
Olympes de sauvages?
Faute d'une optique
de qualité, nous sommes de plus en plus
vassalisés par un ciel étranger qui se
joue du va-et-vient de nos neurones.
Savez-vous qu'il vient de nous infliger
une amende titanesque ? Il nous reproche
d'avoir offensé son gousset. Or, nous
manquons encore d'anthropologue de
taille à observer les relations que
notre souverain entretient avec son
escarcelle et avec les nôtres. Par
bonheur nous allons changer les plus
hauts dirigeants de notre politique. Le
chef du gouvernement italien promet de
nous redonner une âme. Son ministre des
affaires étrangères a des chances de se
placer à la tête de la diplomatie de
notre continent. Le Président de toutes
nos nations disposera peut-être de vrais
pouvoirs politiques. Mais surtout, nous
allons placer à la tête de notre
civilisation un homme qui aura la charge
de nous donner enfin un regard de haut
sur notre malheureuse espèce.
Nous allons changer
les paramètres, l'échiquier et toute la
problématique de notre politologie, nous
allons tenter d'accéder à une
connaissance de logiciens de nos
encéphales, nous allons enfanter une
anthropologie politique qui nous placera
dans la vraie postérité du chimpanzé.
Le texte
d'aujourd'hui et celui du 19 juillet
tenteront de décrire le futur télescope
de M. Juncker et celui du 23 août se
demandera si l'amende colossale qui nous
attend servira d'accélérateur géant de
l'évolution de nos neurones.
1 - La cervelle
de l'Europe
C'est à l'heure
même, M. le Président, où la planète
s'interroge sur la maladie dont souffre
la cervelle du Vieux Monde que vous
accédez à la responsabilité tragique de
conduire la Commission de Bruxelles à
une réflexion sur la vocation politique
et sur le destin intellectuel désormais
étroitement associés du Vieux Continent.
Jamais encore un homme politique n'avait
eu la charge d'apprendre à penser, donc
à peser le monde avant de se risquer à
le diriger.
Mais on ne pilote
pas aussi aisément une civilisation dont
la boîte osseuse voudrait franchir le
passage entre Charybde et Scylla qu'on
tient d'une main ferme la barre d'un
petit Etat appelé à naviguer entre
quelques récifs signalés sur toutes les
cartes marines. L'empire d'Autriche
n'était qu'un navire à la voilure
fatiguée; et, pourtant personne ne
savait comment boucher la brèche ouverte
dans son flanc. En revanche, le
capitaine du continent de Shakespeare et
de Copernic doit découvrir la nature
même de la déchirure dans la coque
éventrée d'un Titan des mers et se
montrer non seulement le réparateur de
quelques gréements d'un paquebot géant,
mais le médecin dont le diagnostic
découvrira les vices de construction et
de fonctionnement de tout son corps.
Mais qu'en est-il de la matière grise
des grands mariniers responsables du
sort d'une flotte en perdition, tels
Vespasien, Trajan ou Marc-Aurèle?
2 - Les malheurs
de l'apôtre
Les maladies des
empires sont connues, tandis que celle
de l'Europe présente des symptômes
encore à décrypter. C'est pourquoi
l'heure a sonné, pour la civilisation
semi cérébralisée actuelle, de prendre
conscience de son oscillation
énigmatique entre les naufrages
sporadiques de sa cervelle et les
renaissances non moins passagères de son
intelligence politique. Votre tâche de
médecin n'est pas seulement de guérir le
patient, mais de lui donner une santé
nouvelle et durable. Que vaudrait votre
vocation de guetteur des neurones
épuisés de l'Europe si vous ne croisiez
pas le chemin d'un siècle en marche vers
un corps à fortifier.
Le Vieux Continent
est un vaisseau dont tout le monde voit
qu'il fait eau de toutes parts ; mais
personne ne monte au sommet du mât,
faute de longue vue en mesure
d'inspecter un horizon désespérément
désert. Les funérailles des
civilisations ne sont jamais qu'une
station sur le chemin de croix de
l'humanité; mais vous n'avez pas de
télescope pour scruter cette
fatalité-là. La Commission
gravera-t-elle le sillon de la vie et de
la mort sur le cadran des siècles? Vous
accédez au rang où seul l'art d'un homme
d'Etat de hisser la voilure de la pensée
rationnelle de demain le placera au cœur
de la toile du monde qu'on appelle
l'histoire.
Le 6 juin 2014, les
héritiers festifs d'un mythe exténué,
celui de la Liberté universelle, sont
subitement devenus cérémonieux; et ils
ont tenté de secouer le joug de leur
assujettissement messianique. Depuis
1945, l'Europe se voit condamnée au
servage sous les couleurs d'une fausse
évangélisation démocratique de la
planète. Le Vieux Monde se trouve
angoissé des œuvres d'un rédempteur
verbifique, l'Amérique, dont la
sotériologie vassalisatritce pèse lourd
sur ses épaules; et Washington a enfoncé
plus profondément que jamais les griffes
du salut universel dans la chair du plus
malheureux de ses apôtres. Vous entrez
en fonction à l'instant où la France,
mordue à la nuque par son sauveteur, se
voit condamnée à la peine de payer rubis
sur l'ongle une amende expiatoire de
plusieurs milliards de dollars au
parrain de la maffia mondiale du dollar.
Le péché mortel des Gaulois est le
suivant: ces hérétiques ont signé avec
trois Etats censés souverains - mais
châtiés et excommuniés par César - des
contrats jugés sacrilèges, parce que
libellés dans la monnaie du ciel de la
Liberté.
3 - La colonne
vertébrale de M. Renzi
Il y a quelques
années, un ministre socialiste de
l'industrie, M. Jean-Pierre Chevènement,
avait pris l'initiative audacieuse
d'interdire aux entreprises en activité
sur notre territoire de se conformer au
code pénal d'un Etat étranger. Pour la
première fois, la clameur d'un blasphème
libérateur avait jailli de toutes les
poitrines: depuis quand la législation
américaine, criait l'Europe entière,
aurait-elle force de loi sur le
continent de Galilée?
Et maintenant, M.
le Président des nains, comment
relèverez-vous le défi que lance à votre
vocation politique le puissant gosier de
l'appareil judiciaire dont Washington
commande les exploits et les raids sur
la planète des patries? Comment
redresserez-vous l'échine des Etats dont
la tenue vestimentaire demeure
enrubannée de démocratie, mais qui ne
font plus difficulté, semble-t-il, de
passer sous les fourches caudines d'un
despote lointain? Les colonnes
vertébrales d'aujourd'hui ont perdu,
sous leurs dentelles, la raideur de
celles des Germains de Tacite.
Certes, l'Italie
s'apprête à bousculer l'éthique et les
protocoles de la cour: M. Renzi vous
apportera le secours d'un chef de
gouvernement dont la loyauté, la fierté
et la lucidité sont d'un Romain du temps
de Paul Emile et de Scipion. Mais la
jeunesse de ce héros apportera-t-elle au
monde entier la démonstration de ce que
l'épine dorsale du peuple de la Louve
serait tout subitement redevenue celle
des Pères Conscrits du temps des guerres
puniques? Vous serez le premier
Président de la Commission européenne
auquel les circonstances imposeront le
devoir de soulever la question la plus
fondamentale de l'anthropologie
politique de demain, celle d'instruire
la classe dirigeante du Continent de la
complexion spécifique des Etats
insulaires et de la singularité de leur
psychobiologie. Mais que ferez-vous du
quarteron d'effigies de leur propre
servitude dont vous vous trouverez
entouré? C'est de la connaissance la
plus élémentaire de la nature même des
empires simiohumains que manque l'élite
politique d'un Vieux Continent privé de
la colonne vertébrale qu'on appelle la
pensée. Sans une métazoologie en mesure
de faire le point sur l'océan de
l'évolution cérébrale de notre espèce,
nos capitaines au long cours n'ont ni
compas, ni carte marine entre les mains.
4 - La politique
des bons sentiments
Souvenez-vous des
années Reagan: il s'agissait, pour
l'Amérique, d'interdire soudainement aux
entreprises américaines de collaborer
plus longtemps à la construction du
grand oléoduc transsibérien appelé à
transporter vers l'ouest du continent le
gaz tiré des gigantesques gisements
russes. C'est avec stupeur que les
Européens ont découvert, à cette
occasion, que l'embargo imposé par
Washington à sa propre industrie gazière
s'appliquait également aux entreprises
américaines implantées à l'étranger et à
leurs sous-traitants dans le monde
entier.
Or, Mme Thatcher
était une ménagère aussi énergique que
Mme Merkel l'est aujourd'hui, mais elle
ne disposait d'aucune connaissance
d'historienne et de psychogénéticienne
de la nature des empires. A l'image d'un
enfant de chœur, elle avait publiquement
déclaré qu'elle était "profondément
blessée par un ami". Un quart de
siècle plus tard, vous ne trouverez
aucun chef d'Etat européen qui saurait
seulement qu'un empire est un empire
comme un cheval est un cheval et que si
vous n'avez pas de science des viscères
collectifs de la bête, vous n'aurez pas
de politologie scientifique, donc pas de
compréhension mondiale de l'histoire du
simianthrope. On écrit seulement que "les
relations transatlantiques reposent
aussi sur le petit rien qu'on appelle la
confiance". (Pierre Briançon,
Le Monde, 23 juin 2014) La "confiance"
est le pot-au-feu de la politique
étrangère des démocraties semi-cérébralisées.
Comment
convaincrez-vous les membres de la
Commission de Bruxelles que la
géopolitique ne ressortit pas au
scoutisme, mais à la psycho-biologie? La
classe dirigeante du Vieux Monde
ressemble au public littéraire de 1930
auquel André Gide essayait d'enseigner
que "les bons sentiments font la
mauvaise littérature".
5 - De la
psychophysiologie religieuse des empires
Qu'est-ce qu'un
empire? Si un Barack Obama angélique
proclamait que les Etats-Unis n'ont pas
libéré l'Europe en 1944 aux fins de
soumettre la terre entière à la
dictature du roi dollar, les vassaux de
la monnaie solitaire ne salueraient pas
la sainteté d'un Christ de la démocratie
mondiale, mais applaudiraient bruyamment
la chute du tyran, parce que l'homme est
un animal tellement vénérateur du
despote en place qu'on ne le voit jamais
que prosterné, le front dans la
poussière, devant le souverain du
moment. Le monde entier a fondu en
larmes devant le cadavre de Staline.
Depuis lors, les dieux au sceptre de fer
arborent l'auréole des prix Nobel de la
paix. Mais la prétendue bonté du
séraphin en chef de l'empire de la
Liberté dispose, comme le Dieu biblique,
de moyens les plus terribles
d'épouvanter ses adorateurs.
M. le Président, si
vous ne savez pas que les théologies
d'apparence culinaires sont flanquées
d'un code des châtiments les plus
sanglants , si vous ignorez qu'elles
sont toutes construites sur le paradigme
des empires de la torture qu'alimente le
simianthrope sous la terre, si vous
ignorez que les croyants se vantent
précisément de leur titre de "craignants
Dieu", si vous oubliez que le prénom
de Diotime, c'est-à-dire "celui qui a
peur de Zeus" était fort répandu et
honoré chez les Grecs, jamais vous ne
comprendriez que M. Obama habille la
dictature des cuisiniers du dollar des
revêtements de la piété démocratique.
Mais il allume chaque matin les cierges
de son royaume, celui des terrorisés,
donc des obéissants modernes.
Trembleurs du ciel
de la démocratie, je vous le dis, jamais
votre politologie ne s'initiera aux
fondements anthropologiques du sacré,
jamais votre humanisme n'aura accès à la
spéléologie psychobiologique des empires
si vous ne regardez le genre humain avec
d'autres lunettes que celles de Rousseau
ou de Bernardin de Saint Pierre. Car si
vous acceptez de valider humblement
l'amende de la honte et de paraître
faire pénitence sur le principe censé
valider la religion puérile de votre
souverain, votre sotte soumission aux
cajolereurs de la cervelle d'enfant des
démocraties vous enferrera sans cesse
davantage dans la légitimation de votre
tyran le plus chéri, celui que vous
appeliez avec tant de candeur le "petit
père des peuples". Car le Zeus de la
Démocratie vertueuse ne cessera de vous
appeler à témoigner de votre dévotion à
l'égard de sa trésorerie, et votre
ignorance prendra sans relâche le monde
entier à témoin de la générosité du
rapace du ciel de la Liberté.
Mais les
démocraties décérébrées auraient-elles
intérêt à laisser longtemps encore leur
cécité en dentelles étendre ses ravages
autour de leur berceau ? Car si la
vérité est minoritaire par nature et par
définition, elle peut donc se montrer
trop pressée de terrasser l'erreur.
Alors les masses n'ont pas le temps de
prendre la mesure des désastres de la
gentillesse que déclenche leur
ignorance; et l'on voit les minorités
d'une raison avertie subir la peine du
fouet jusque sur les places publiques.
Il est donc
préférable, M. le Président de l'Europe
de la pensée politique, que vous
rallumiez jour après jour le brûlot du
Dieu des aveugles. Car, en secret,
l'Eglise nouvelle qu'on appelle la
Démocratie mondiale fonctionne également
sur le modèle de Calvin ou de Luther,
qui ont tué le Dieu de la Curie romaine
: ces roublards ont dénoncé le céleste
benêt qui se frottait les mains de
remplir son escarcelle à l'école de son
trafic des indulgences. Mais, encore une
fois, M. le Président,si vous ne portez
pas un regard d'anthropologue sur l'Eden
du Dieu américain et sur les tickets
d'entrée dans son ciel, vous n'aurez pas
de science de psychobiologiste de la
théologie qui sous-tend l'histoire du
sang du monde.
6 - Les "
auxiliarii " des Romains
Si le futur
Président de l'Europe s'appelait M.
Jean-Marc Hérault, comment voulez-vous
que ce serviteur d'une France qui a dit
adieu pour longtemps à la profondeur
d'esprit cesse de qualifier d'alliance
le pacte du loup et de la brebis? M.
Hollande ne vient-il pas de donner à la
chèvre le chou à garder ? Ne vient-il
pas de livrer Alsthom à General
Electric? Savez-vous que ce contrat est
un livre d'images à l'usage des enfants
en bas-âge et qu'il se trouve illustré
de clauses à lire dans les écoles
maternelles? Qu'en est-il du stade
actuel de l'évolution cérébrale de notre
espèce si cette vente ferait se tordre
de rire les doges de Venise du XVIIIe
siècle?
Un empire ne "s'allie"
jamais ni avec une puissance supérieure
à la sienne, donc avec une rivale de sa
puissance, ni avec un égal - il croise
le fer avec elle - mais seulement avec
des serviteurs dont il caresse la
croupe. L'Amérique use du mot
alliance sur le même modèle que
l'empire de la Louve, qui excellait dans
l'art d'élever les "gentes"
asservies au rang d'"amis du
peuple romain". Washington juge
habile d'appeler l'OTAN une "alliance
entre égaux Mais les vassaux du
Nouveau Monde commencent par déposer
leurs armes à la porte de son camp
retranché, puis ils placent leurs
nations respectives sous le sceptre d'un
général américain dont le centre de
commandement s'est lové à Mons depuis un
demi-siècle. Les décisions stratégiques
sont prises par le seul Département
d'Etat, qui demande à son premier
majordome, M. Rasmussen, un petit Danois
- un Suédois lui succèdera dans le
service - de convoquer les vingt-huit
ministres microscopiques de la défense
européenne. Il n'y a plus de Ministre de
la guerre depuis la défaite de la
Wehrmacht - la "force de défense " de
Hitler. A ces vingt huit féodaux,
ajoutez ceux du Canada, de l'Australie,
de la Nouvelle Zélande et de la Turquie,
qui entérineront à l'unanimité les
ordres de la Maison Blanche, de son
Ministre des affaires étrangères et du
quartier général de Mons.
Baptiser d'alliance
l'absorption rondement menée d'Alsthom
par Général Electric ressortit à la même
méconnaissance de la nature et du
fonctionnement des empires simiohumains
et de leurs états-majors que celle dont
s'habille un Otan revêtu des chamarrures
de la souveraineté des vaincus que
l'empire romain appelait des "auxiliarii"
et qu'il intégrait à ses légions. Et
puis - on se pince pour y croire - une
Lady préside à un prétendu Ministère des
affaires étrangères de l'Europe!
7 - La
simianthropologie et la métazoologie
La classe politique
des démocraties européennes n'a pas de
connaissance des rudiments de la
métazoologie, qu'on appelle
également la simianthropologie.
Comment, M. le Président, donnerez-vous
à la Commission de Bruxelles l'assise
d'un regard de l'extérieur sur les
évadés partiels du règne animal?
Mais l'heure de
vous informer des fondements de la
psychobiologie politique qui commande
les neurones actuels des détoisonnés des
forêts a peut-être sonné au beffroi de
l'histoire du cerveau de l'Europe; et
puisque, depuis longtemps, l'Angleterre
a détecté en vous un péril virtuel pour
la préservation de son identité
insulaire, ce qui vous a placé dans le
champ de tir de Downing Street en moins
de temps qu'il ne faut pour le dire,
permettez-moi de vous entretenir
brièvement de la complexion des Etats
privés de voisins et de la
psychophysiologie de cette variété de
simianthropes.
Comme vous le
savez, la science diplomatique rejette
de son enceinte aussi bien l'indignation
vertueuse que la colère intellectuelle,
parce que, dans l'ordre politique, le
brandissement du sceptre de la morale,
même universelle, n'est jamais, hélas,
que le signe de l'ignorance et de
l'irréflexion. Voyez M. Rocard: cet
ancien Premier Ministre semble en
vouloir sincèrement à l'Angleterre de
n'être entrée en Europe que dolosivement
et à seule fin de la paralyser de
l'intérieur un peu plus aisément que de
l'extérieur - mais la science politique
de cet homme d'Etat demeure privée de
toute pesée psychogénétique de
l'humanité. Vous n'aurez que faire d'un
humanisme contemporain en prières ou en
rage devant un autel des valeurs
démocratiques aussi superficiel que la
pastorale agenouillée du Moyen-âge en
son temps. Mais l'inconscient
théologique qui sous-tend l'ignorance
républicaine demeure autant à décrypter
au cœur d'une Liberté proclamée
intemporelle qu'autrefois dans la
catéchisation ecclésiale du globe
terrestre.
8 - La commission
de Bruxelles et les arcanes
psychobiologiques de la politique
internationale
Ne trouvez-vous pas
singulier, M. le Président, que la
psychobiologie des mentalités insulaires
ne date pas d'hier - les huissiers du
temporel en ont relevé les traits depuis
les guerres puniques - et que la science
moderne des Etats en ignore néanmoins
les causes et les effets? Pourquoi
oublier le témoignage des narrateurs qui
en ont signalé les ingrédients? Un récit
aveugle n'en est que plus précieux,
tellement les expédients d'une cécité
politique demeurée inconsciente
d'elle-même vous introduisent à la
connaissance des composantes de la
spéléologie politique.
Prenez l'exemple de
la Sicile: ce carrefour du trafic
maritime de Rome et de Carthage avec la
Phénicie faisait l'objet de la rivalité
commerciale entre ces deux empires - la
victoire de Scipion l'Africain sur
Hannibal a fait tomber cette île dans
l'escarcelle du peuple des Quirites.
Comment se fait-il que l'intégration de
cette île à l'Italie ait échoué deux
millénaires durant et qu'en 1948
seulement, la Sicile ait reconquis une
autonomie tellement dispendieuse que les
fonctionnaires du gouvernement de
Syracuse et de Palerme sont aussitôt
devenus plus nombreux que ceux dont
s'entoure le locataire de la Maison
Blanche ? Et l'on s'étonne que, deux
siècles seulement après la Révolution
française, la Corse demeure tribale
jusqu'à l'os et inassimilable à la
République sous l'affichage d'un
vêtement d'emprunt - celui du suffrage
universel!
Quelle sera la
portée de votre rendez-vous
d'anthropologue de la géopolitique avec
les Iles britanniques? Car les
séparatistes écossais ne cessent de
rappeler que cette province avait imposé
pour la première fois des frontières à
l'empire romain et contraint Hadrien à
construire un gigantesque mur de
séparation entre les deux territoires.
Il est donc inévitable que l'Ecosse
empruntera le même chemin que l'Irlande
du nord, qui a fini par conquérir son
indépendance.
9 - La voix de la
mer
Mais une Angleterre
dont le seul interlocuteur réellement
loquace s'appelle l'Océan imposera à
l'Europe des petits greffiers de
l'histoire universelle le devoir de
peser les conversations du simianthrope
avec ses arpents étriqués et ses lopins
bavards; et cette difficulté soulèvera
un problème beaucoup plus originel et
combien plus insoluble que celui des
conversations de l'Irlande ou de
l'Ecosse avec les Iles britanniques ou
de la Sicile avec Rome. Car le
simianthrope des bords de la Tamise n'a
cessé d'expérimenter dans sa chair
combien l'unification épisodique de la
masse de ses congénères continentaux a
coûté de sang et de larmes à un peuple
fier de sa solitude face à des rivages
grandioses et muets. Jules César,
Claude, Agrippa - le beau-père de Tacite
- Guillaume le Conquérant, Charles
Quint, Napoléon, Hitler font figure de
jalons mémorables du combat acharné de
cette île pour la sauvegarde de son
identité psychocérébrale. Qu'en est-il
des étendues inhabitées dont l'homme
nourrit son âme et son esprit?
La mer est un
désert frissonnant ou tempétueux. A
l'instar des sables de l'Afrique, qui
nourrissent la vie intérieure de la
Libye, de l'Egypte, de l'Algérie, de la
Tunisie, du Maroc, l'Océan ouvre le
peuple anglais aux voix du silence et du
vide - mais celles-ci l'enferment en
retour dans leur immensité et
l'emprisonnent dans un infini sans
visage. Les relations que le
simianthrope anglais entretient avec sa
propre absence au monde et avec ses
appartenances illusoires à la terre sont
au cœur de sa nation. Le "grand large",
disait Churchill au Général de Gaulle,
est une porte ouverte sur la seule
liberté véritable, celle dont l'espace
est l'emblème et dont l'infini ne
saurait assouvir la soif.
Comment tenterez-
vous de résoudre cette difficulté de la
métazoologie, M. le Président, si la
simianthropologie actuelle ne dispose
d'aucune connaissance politique de la
psychophysiologie des nations, des
peuples et des Etats? C'est la pauvreté
cérébrale de la science historique
contemporaine qui fera, de la Commission
que vous allez présider, un collège de
cardinaux de Curie ou une phalange de
peseurs d'avant-garde de l'animal semi
cérébralisé.
10 - Votre
rendez-vous avec l'Amérique
Voyez comme
l'Amérique conquérante impose d'avance
et de force ses procédures
administratives mondialisées et sa
mentalité maritime à la Commission
demeurée viscéralement géocentriste que
l'Europe a chargée de négocier le futur
traité commercial entre les deux
continents. Si vous ne connaissez pas
les fondements théopolitiques de
l'isolationnisme insulaire et de
l'ubiquité du royaume de la nouvelle
innocence d'Adam, attendez-vous aux
pires déboires. Mais voyez à quel point
une diplomatie privée d'anthropologie
critique est devenue un carré rond: la
mer est un personnage titanesque, la mer
est un acteur vivant de l'histoire du
monde, la mer est un interlocuteur réel
des âmes, des cerveaux et des cœurs.
Aussi l'Angleterre est-elle le seul pays
chrétien dont le chef de son Eglise
n'est autre que son roi, parce qu'une
île ne place pas le sceptre de son ciel
ailleurs que sur son propre territoire.
Je préciserai, la
semaine prochaine, les méthodes d'une
politologie européenne qui portera un
regard d'anthropologue sur l'histoire du
genre simiohumain et sur deux
personnages qui se regardent en chiens
de faïence - la terre et la mer."
Le 12 juillet 2014
Reçu de l'auteur pour publication
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