Décodage
anthropologique de l'histoire
contemporaine
Les poulets sacrés de la démocratie
Manuel de Diéguez
Manuel de
Diéguez
Vendredi 11 avril 2014
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1 - La
postérité politique de Machiavel
2 - L'exemple américain
3 - L'avance politologique de M.
Poutine
4 - Les saints de la raison
5 - Le sceptre de l'éthique du
monde
6 - La raison simiohumaine
est-elle une infirme ?
7 - Les lectisternes de la
démocratie
8 - Les dichotomisés du cosmos
9 - Trois dieux-écrivains
10 - A la recherche d'un regard
sommital
11 - Dans l'attente d'une
mutation de la conscience
chrétienne
12 - La réflexion
anthropologique sur l'illusion
13 - Le grand orchestrateur des
idéalités
|
1 - La postérité politique de Machiavel
L'un des secrets du déclin inexorable
des Etats les plus illustres n'est autre
que l'extinction rapide qui frappe la
science de la politique dans les
décadences. Cette maladie se déclare
tout soudainement et contamine en
quelques années jusqu'aux plus hautes
classes dirigeantes. Un exemple frappant
de la vassalisation subite des cerveaux
vient d'être donné par le spectacle de
la pauvreté intellectuelle de
l'idéologie politique au nom de laquelle
trois anciens chanceliers d'une
Allemagne endormie, MM. Helmut Schmidt,
Helmut Kohl et Gerhardt Schröder ont
tenté de soutenir, mais seulement sur le
plan d'une vulgate décérébrée, la
magistrale stratégie de la reconquête de
la Crimée par M. Vladimir Poutine.
On sait que Catherine II avait ouvert à
la nation l'accès territorial à la mer
Noire que méritait un empire maritime.
Mais aucun des trois ex-chanceliers
allemands censés sortir de l'Ecole de
guerre qu'on appelle l'histoire ne
semblait savoir d'expérience que la
géopolitique des démocraties modernes se
fonde sur la fécondation anthropologique
de la politologie de Machiavel et que la
question de la rationalité interne de la
politique de la Russie se posait dans
des termes étrangers à la scolastique
des idéalités pseudo universelles de
1789. L'homme d'Etat sait que la
conduite des grandes nations est un
combat dans la jungle et que le seul
instrument dont dispose un dirigeant
d'envergure dans l'arène d'une aventure
mondialisée s'appelle l'anthropologie
politique. Il y rencontre tantôt un ami
bienveillant, tantôt un adversaire
retors: la sophistique de son temps.
L'autorité inégalement universelle de
cet acteur se révèle toujours
inversement proportionnelle à l'étendue
géographique des Etats censés faire
entendre la voix de ce séraphin. Comment
se colleter avec un ange mécanique dont
l'éthique de confection localise
diversement les verdicts?
2 - L'exemple américain
Le rossignol du droit international de
notre temps ne dénonce ni les centaines
de milliers d'enfants morts de faim en
Irak, ni l'attaque de ce pays au canon
sans que la bénédiction, officiellement
proclamée contraignante des
Nations-Unies eût été obtenue, ni la
pénurie des médicaments vertueusement
imposée à la population des deux sexes
en Iran par le canal de sanctions
économiques dévotement unilatérales, ni
le pieux usage des drones contre des
populations champêtres, ni l'assassinat
de Ben Laden sur le territoire d'un Etat
souverain, ni la violation des accords
si gentiment conclus en 1989, disait-on,
entre Washington et M. Gorbatchev à la
suite de la chute du mur de Berlin -
accords qui se fondaient sur
l'engagement fallacieux de Etats-Unis de
ne pas étendre jusqu'aux frontières de
la Russie les forces militaires de ses
vassaux, toutes placées sous la poigne
de fer du seul commandement américain -
ni l'extension et le renforcement de
l'occupation militaire du Japon à
Okinawa et de la Sicile à Sigonella, ni
les milliards de dollars dépensés par le
Département d'Etat aux fins de
déclencher une séparation "spontanée",
donc "démocratique" entre l'Ukraine de
l'Ouest et la Russie, ni l'écoute des
conversations téléphoniques de la
population mondiale et des portables des
chefs d'Etat censés alliés, ni
l'engagement de mercenaires à Kiev, qui
avaient reçu la consigne de tirer
conjointement sur les policiers et sur
la foule assemblée sur la place Maidan -
il s'agissait de déclencher un tsunami
artificiel au sein d'une population
ignorante des véritables enjeux de ce
complot démocratique.
Le génie politique de M.Vladimir Poutine
a joué avec la morale internationale
"moderne" et soi-disant universelle
évoquée ci-dessus. Mais les démocraties
d'hier étaient déjà fondées sur un droit
international fluctuant et découpé par
des territoires. Depuis Périclès, ce
tartuffisme d'Etat ne s'est mondialisé
qu'en apparence : ses idéaux se hissent
sur les tréteaux d'un droit
international pseudo christianisé, mais
les adversaires contemporains de
l'universel biaisé des démocraties n'ont
pas besoin de tirer un seul coup de feu
sur le devant de la scène, ce que j'ai
explicité à propos de la Ligue de Délos,
qui avait permis à Athènes de construire
le Parthénon aux frais de ses prétendus
alliés. Voir:
La France parle à la Russie,
5 avril 2014).
Il est vrai que la Perse de l'époque
présentait une menace militaire
infiniment moins mythologique que celles
de la Chine et de la Russie actuelles,
ce qui démontre que l'imagination
parareligieuse de l'humanité permet
maintenant d'entraîner les peuples dans
des croisades contre des nuages - Don
Quichotte est passé par là. On voit
l'avance cérébrale dont dispose M.
Vladimir Poutine : l'Amérique n'est plus
ni en mesure de faire la guerre sur le
terrain en Ukraine, ni de soutenir un
gouvernement de Kiev voué au naufrage
économique - la victoire politique de
Moscou s'inscrit entièrement dans la
postérité politologique et
anthropologique du grand Florentin.
3 - L'avance politologique de M. Poutine
Mais ce que ni M. Helmut Schmidt, ni M.
Helmut Kohl, ni M. Gerhardt Schröder
n'osaient regarder en face, c'était que
l'infirmité de leur science des Etats
résultait de la puissance que les
empires dominants ont exercé de tous
temps sur les esprits: que la Russie
reconquît la Crimée ne concernait en
rien l'équilibre des forces dans le
monde. Et pourtant, les vassaux
empressés de Washington levaient
subitement les bras au ciel et
poussaient des cris d'orfraie, parce que
M. Vladimir Poutine était réputé suivre
l'exemple de Hitler avec les Sudètes en
1938! Washington n'en a pas fini
d'exploiter sa victoire de 1989 sur
l'empire défunt de l'utopie marxiste.
Mais l'inexpérience politique de la
classe dirigeante des démocraties permet
à l'indignation morale sélective des
vaincus de forger les chaînes de leur
propre vassalité. Le danger est grand
que Washington mobilise ses vassaux
européens contre les "ambitions
impériales" de la Russie de Napoléon
III. Un peuple lancé dans le messianisme
démocratique retourne rarement à ses
bivouacs.
C'est pourquoi le coucou mécanique de la
sotériologie démocratique dont j'ai
évoqué plus haut les ressorts et les
rouages ne changera le registre de ses
trilles qu'avec le départ des horlogers
de cette gigantesque rédemption, à
savoir la masse des troupes américaines
stationnées en Europe et campées sur
cinq cents bases militaires - il est
déjà question d'en multiplier les
régiments. Il ne reste à M. Lavrov que
de débattre seul à seul avec M. Kerry à
Paris et à l'Europe de s'étonner
bêtement de se trouver mise hors jeu sur
la scène internationale. Mais
l'ignorance et la médiocrité des classes
dirigeantes que sélectionne
nécessairement un suffrage universel
incompétent par nature et par
définition, leur fait méconnaître la
nature même de l'arène d'un monde
eschatologisé par la démocratie et avec
lequel les grands hommes d'Etat se
collètent désormais.
4 - Les saints de la raison
Paris livré depuis trois quarts de
siècle aux Homais de la politique
internationale secrétés par la IVe et la
Ve République n'ose tenter de secouer ni
le joug de l'occupation militaire
américaine sur l'Allemagne et sur
l'Italie, ni celui de la domination
parallèle du dollar, qui ne s'exerce pas
seulement sur le Vieux Continent, mais
sur la terre entière. Du reste, si une
politique étrangère n'est pas soutenue
par la carrure d'un homme d'Etat, non
seulement elle échoue fatalement, mais
on châtie durement l'effronterie du nain
qui aura usurpé la stature d'un géant.
Tournons-nous donc vers la civilisation
des saints russes de la littérature
mondiale - les Soljenitsyne, les
Tolstoï, les Dostoïevski. Ils détiennent
les clés du seul renouveau spirituel,
intellectuel et politique actuellement
possible dans une Europe plus livrée que
jamais à la "fête de l'insignifiance"
d'un Milan Kundera. Il n'en demeure pas
moins tragique que les retrouvailles de
la pensée philosophique avec le génie
des grands visionnaires de la condition
simiohumaine rencontre l'obstacle
insubmersible de la bancalité originelle
de toutes les Eglises: depuis des
siècles, toutes sont vouées à affronter
les écueils de la légèreté d'esprit des
peuples et des nations. Car le temporel
se fige et se stratifie dans des rituels
qui seuls permettent à la raison
superficielle de l'humanité de se dorer
au pâle soleil de ses théologies de la
servitude et de s'éclairer des pauvres
lumignons des vassalisateurs qu'on
appelle des dogmes et des doctrines.
Mais si les religions sont
nécessairement menacées de périr sous le
triste éclat de leurs cierges et de
leurs prières - ou sous les poignards de
leurs doctrines - la littérature
mondiale est-elle de taille à substituer
l'universalité de son regard sur le
temporel à l'apostolat des saints
endormis dans leurs confessions de foi
obsolètes?
Le culte orthodoxe russe agonise dans
les ors, la pourpre et la pompe de
l'imagination religieuse devenue
anachronique des Eglises d'aujourd'hui -
mais précisément, une France purifiée
des sorcelleries obsolètes et mise à
l'écoute de la spiritualité des grands
écrivains de la Russie voudrait
redevenir l'inspiratrice mondiale des
feux ascensionnels de la raison au sein
de l'humanité et la source vive des âmes
méditantes. (Voir -
De Sotchi à Kiev , La postérité
anthropologique de Machiavel et la
politologie moderne , 5
avril 2014 )
Qu'en sera-t-il d'une France
ressuscitative et qui demandera au génie
de la Russie de Gogol de s'asseoir au
chevet des "âmes mortes" de notre temps?
Tentons de franchir quelques pas sur le
chemin de la révolution intellectuelle
qui permettrait a une universalité trans-liturgique
de redevenir ascensionnelle et de
remettre l'Europe à l'écoute de
l'espérance la plus originelle des
saints, celle avec laquelle Tolstoï
avait rendez-vous à l'heure du "matin
blême" où l'immortalité d'une grande âme
a éternisé le fuyard sur le quai de gare
de Iasnaia Polyana.
L'alliance du génie slave avec la France
des feux de la raison servira-t-elle de
cuirasse et d'armure de la vitalité
politique retrouvée d'une Russie à
nouveau guidée d'une main ferme? Les
Uniates de Kiev voudraient faire main
basse sur les richesses de l'Eglise
orthodoxe de Kiev et précipiter ce
trésor catholique dans l'escarcelle des
vieilles dévotions romaines. Nous
verrons bien si la Rome d'autrefois,
celle des pieux larcins de la piété, est
bel et bien trépassée à l'écoute du
Poverello. Un Vatican qui, pour la
première fois, sanctifie la pauvreté au
point d'installer un miséreux sur le
trône en or massif du Saint Siège
scellera-t-il l'alliance des
évangélistes russes avec la France des
saints de la raison du monde?
5 - Le sceptre de l'éthique du monde
La rencontre piégée du 26 mars 2014
entre le pape François et M. Barack
Obama au Vatican a roulé sur deux thèmes
périlleux, donc focaux: primo, le saint
Père n'a accepté son invitation
officielle aux Etats-Unis qu'au
Lampedusa du pays - on y a compté six
mille cadavres - et secundo, sur les
secrets diplomatiques de la guerre de
Syrie, dont on sait qu'elle ne fut
empêchée que par un accord secret entre
la Russie d'esprit orthodoxe de M.
Vladimir Poutine et le chef d'une Eglise
catholique en cours d'émancipation de sa
théologie de juristes du ciel. (Voir
-
De Sotchi à Kiev , La postérité
anthropologique de Machiavel et la
politologie moderne , 5
avril 2014 )
Mais Washington n'est pas près de
comprendre l'enjeu le plus décisif: il
s'agit de savoir quelles mains tiendront
désormais le sceptre d'une éthique de la
politique internationale supérieure à
celle d'aujourd'hui. D'un côté, le pape
américain de la démocratie verbale voit
son évangile tomber en quenouille, de
l'autre, l'Eglise romaine commence de se
demander si sa morale politique héritée
de la monarchie parviendra à dérouiller
la cuirasse des cosmologies mythiques du
Moyen-Age, qui ont vieilli dans les
catéchismes, les missels et les
bréviaires, mais dont les paroisses
n'ont pas été cadenassées.
Comment départager les silhouettes des
trois candidats à la succession du
Jupiter des juifs, des chrétiens et des
musulmans si, des siècles durant, les
trois monothéismes se sont révélés
coupables de légèreté politique, donc
d'insignifiance catéchétique? La
démocratie de la raison n'a pas su se
changer en anthropologue des utopies
délirantes et des cosmologies
mythologiques, l'orthodoxie romaine n'a
pas su arracher son ciel des mains d'un
distributeur ridicule de sucreries
posthumes et flanqué d'un administrateur
des tortures éternelles sous la terre.
Quant à l'Eglise orthodoxe, la mieux
armée contre l'assaut des chanteries
enfantines, elle n'a pas entendu le
message de ses apôtres les plus dignes
d'écoute, de ses visionnaires de génie
de la condition humaine, de ses grands
écrivains.
6 - La raison simiohumaine est-elle une
infirme ?
Au XVIIIe siècle, l'Eglise romaine a
perdu sa première vocation, celle
d'exercer la fonction d'une boussole
universelle de la conscience morale des
évadés de la zoologie, tellement il
était apparu que l'histoire et la
politique réelles sont pilotées en
secret par une philosophie des
élévations de la conscience morale et de
la raison confondues. Mais qu'y avait-il
de plus immoral que d'interdire aux
fuyards de la mort de connaître les lois
qui régissent l'astronomie dans la cage
de laquelle ils se trouvent enchaînés?
Qu'y avait-il de plus immoral que de
croire moraliser et discipliner une bête
semi-cérébralisée à seulement la plonger
davantage dans l'ignorance et la
sottise? Qu'y avait-il de plus immoral
que de précipiter aux genoux d'un
tortionnaire infernal des animaux
terrorisés par leur génocidaire? Des
siècles durant, l'Eglise avait refusé
l'héliocentrisme et l'évolutionnisme,
parce que les dévotions payantes avaient
besoin d'une cosmologie mythique et
d'une domestication des cerveaux.
Mais maintenant, la raison, la
conscience et le savoir des orphelins du
système solaire relativement rassurant
de Ptolémée se retournent subitement
contre leur propre autonomie; et l'on
voit les rescapés des forêts se livrer
au naufrage d'un nouvel abêtissement au
sein des civilisations pourtant
expressément construites sur les
prérogatives libératrices de leur
récente responsabilité politique. Les
fuyards du géocentrisme sont tombés dans
le délire au point de mettre toute la
respectabilité et la solennité de leurs
institutions publiques rationnelles au
service d'une légalisation démente de
leur folie. Je sais que vous n'en
croirez pas vos yeux et vos oreilles,
mais je vous assure que les sodomites se
marient tout soudainement entre eux et
les lesbiennes entre elles et que ces
couples se voient subitement autorisés
par la loi à élever des poupons dès le
biberon, selon un principe fort nouveau:
je vous assure que les Etats les plus
sérieux proclament maintenant une
indistinction doctrinale des sexes plus
fantasmée que le mythe de la Trinité,
afin de tenter d'effacer des cervelles
en bas âge et derechef catéchisées dès
le berceau - mais par une biologie
officialisée - la notion biblique d'un
Adam et d'une Eve que le ciel,
horribile dictu, avait dotés à tort,
d'organes génitaux distincts. La
question est donc de savoir si, faute
d'installer de force quelque Jupiter
barbare et stupide aux commandes des
encéphales des détoisonnés des forêts,
cette espèce en perd tellement et si
subitement la tête qu'elle n'a plus
d'autres ressources, la pauvresse, que
de vagabonder au hasard sur la terre.
Alors on verra le sceptre de la morale
universelle retomber dans les mains de
l'Eglise du Moyen-Age - et toute la
science historique y perdra la viabilité
politique qu'elle semblait avoir acquise
depuis Thucydide, parce que la croyance
en une raison fiable et autorisée à
diriger le monde à la place des dieux
d'Homère y perd l'assise de sa
crédibilité et de sa légitimité
scientifique; et les peuples veufs de
leurs Olympe et laissés tout
soudainement abasourdis confient
aussitôt et d'un seul élan la direction
des affaires de la planète aux plus
ignorants et aux plus sots de leurs
doctrinaires. Comment éviter que la
classe dirigeante des irréfutables du
ciel de la démocratie ne sombre à
nouveau dans les superstitions et dans
les cosmologies mythiques des premiers
hommes?
7 - Les lectisternes de la démocratie
L'entretien du 26 mars 2014 entre M.
Barack Obama et le pape François a duré
cinquante minutes, mais la
superficialité d'esprit de l'hôte de la
Maison Blanche a fait tourner court un
entretien sur le fond que le pape
François avait cru possible entre des
interlocuteurs d'un si haut niveau de
responsabilité. De plus, ni l'un, ni
l'autre de ces acteurs de la morale du
monde ne pouvaient encore se poser la
seule question décisive, celle de savoir
quel est le type de rationalité dont
dispose de nos jours l'animal né
semi-pensant, mais demeuré superficiel
et que les Anciens avaient prématurément
qualifié de rationale. S'il
s'agissait effectivement d'une bête
rendue sérieusement cogitante par un
verdict aussi subit qu' irréfutable de
la nature, il aurait fallu se demander,
toutes affaires cessantes, quelle était
l'apparence d'intelligence que
sécrèterait nécessairement un traînard
devenu soi-disant pensant sur l'enclume
des millénaires, mais dont la raison
trompée et trompeuse demeurerait
aiguisée sur la seule meule de
l'animalité spécifique de cet animal.
Une bête dont l'encéphale se laisse
patiemment diriger par des poulets
savants - tantôt ils sortent sans
entrain de leur cage, ce qui présage de
grands malheurs, tantôt ils ont bon
appétit, ce qui est de bon augure pour
l'avenir du pays - une bête à l'école
des crêtes et des becs de ses poules,
dis-je, est-elle d'ores et déjà devenue
un homme au sens "rationnel", mais
fâcheusement imprécis du terme, ou
faut-il l'appeler, à titre provisoire,
un primate en ce qu'il serait seulement
devenu capable de se donner l'estomac de
ses poulets pour boussole? Où faire
passer la frontière entre le zoologique
et l'humain si l'on ne sait pas quelles
sont les caractéristiques propres à
départager ces deux espèces ? Puisque
vous n'avez pas encore appris à quel
endroit précis vous ferez passer la
barrière entre vous et la bête
prosternée devant ses poulets, qui
êtes-vous et de quel nom faut-il
baptiser les gloussants sur leurs
ergots?
8 - Les dichotomisés du cosmos
Les Romains offraient des banquets
succulents aux portraits coloriés de
leurs dieux installés sur des coussins
brodés. Et pourtant, ils construisaient
des aqueducs titanesques et des cirques
qui ont étonné M. Barack Obama. On
appelait leurs festins fantastiques des
lectisternia. L'humanité théologisée par
des poulets picorant des grains était
donc une espèce demeurée cérébralement
tout animale, mais rendue - et
précisément à ce titre - capable de se
procurer de puissants interlocuteurs
gastronomiques et de les installer dans
le vide d'une immensité festive, mais
qui ignorait néanmoins que ces images
cosmologiques d'elle-même n'étaient
sécrétées que par leurs cellules grises.
Et pourtant, cette conviction s'était
tellement inscrite dans leurs gènes que
ces animaux brûlaient dare-dare les
impies qui doutaient de l'existence des
personnages somptueux qu'ils exposaient
sur les coussins de leur foi.
Mais le cerveau de ce primate se trouve
scindé de naissance entre deux mondes.
S'il ne se rendait pas coupable de
formuler des hérésies bizarres, cet
animal schizoïde n'en viendrait pas à
douter quelquefois de l'existence
objective de ses dieux et de la
fiabilité des volatiles qui s'en
révèlent les oracles ou s'en font les
témoins. Comment peser la boîte osseuse
bipolarisée d'un malheureux qui, d'un
côté, s'agenouille humblement devant des
gallinacés aux entrailles éloquentes et
qui, de l'autre, se glorifie tout au
contraire et au péril de sa vie de leur
tourner le dos, mais toujours prudemment
et au seul bénéfice de nouveaux
volaillers suprêmes du cosmos?
Vingt-trois siècles après Scipion
l'Africain, plus d'un milliard d'animaux
de ce type grouillent encore sur toute
la surface de la terre et offrent sans
relâche de la viande humaine rémunérée à
manger et le sang d'une potence de la
torture à boire à leur souverain
imaginaire du cosmos.
9 - Trois dieux-écrivains
Le Président Barack Obama était un
esprit superficiel. On lui avait
enseigné à Harvard à la fois que Dieu
protège l'Amérique et que toute question
de fond sur les cultes et sur les
croyances religieuses en général devait
se trouver soigneusement exclue de
l'enseignement universitaire officiel;
mais, de son côté, le pape François ne
savait pas encore comment faire observer
à son hôte les poulets sacrés que
l'Amérique faisait sortir tout pépiants
de la cage de la démocratie mondiale et
auxquels il jetait les sacs de grains
propices ou maléfiques de la nation de
la Liberté du monde. Car les poulets de
l'idole picoraient maintenant leur
nourriture sur le sol de l'Afghanistan,
de l'Irak, de la Libye, de la Syrie - et
il fallait se résigner, hélas, à ne lire
que des présages funestes dans les
verdicts de leurs becs.
Exemple: longtemps, l'animal à l'écoute
de ses gallinacés s'était donné les
divinités les plus fidèlement calquées
sur son propre corps dénudé. Puis, il
avait fait parler l'hébreu à une idole
conçue et construite à l'usage du seul
peuple qu'elle avait consenti à se
choisir pour élève sur toute la surface
de la terre. Puis, un second démiurge
avait parlé le grec à l'intention d' un
auditoire plus vaste que le précédent.
Puis un troisième grammairien du cosmos
avait parlé l'arabe - mais bientôt les
écrits de ces trois géants des nues se
sont révélés tellement inconciliables
entre eux qu'il a bien fallu changer les
coussins usés des lectisternes des
ancêtres et en répartir d'autres en
divers endroits du globe terrestre.
Depuis lors, l'existence, quelque part
dans le cosmos, de ces trois écritoires
d'âge différent et d'une valeur
littéraire fort inégale a répondu à la
progression de leur expansion
territoriale et linguistique. Que faire
d'un astéroïde de plus en plus
décompartimenté et dont l'échine plie
sous le faix de trois dieux de
complexions distinctes? Si vous observez
à la loupe l'animal dont la cervelle
enfante patiemment des acteurs
changeants du cosmos et qui les expédie
dans la stratosphère afin de s'assurer
de leurs services politiques et moraux
en retour, vous apprendrez à connaître
les rouages et les ressorts de l'espèce
née la plume à la main. Sinon, gare à
vous: si vous baissez un instant les
bras, vous frapperez toutes vos sciences
dites humaines d'un aveuglement sans
remède, parce que la bête se changera en
un bipède incompréhensible au bout de
vos calames. Mais comment percer les
secrets d'un animal qui ne se rend
intelligible qu'à se précipiter dans des
mondes délirants?
10 - A la recherche d'un regard sommital
Sachez que, le 26 mars 2014, non
seulement le pape François et M. Barack
Obama ne parlaient pas du même Dieu,
mais que le Vatican était en gésine
d'une divinité dont l'intelligence et la
vie spirituelle écraserait le divinité
nationale interdite d'audience dans les
aulas de l'Université de Harvard.
Certes, la Démocratie et le Saint-Siège
jouaient des couleurs et des reflets
d'un seul et même Olympe originel - mais
à quelle hauteur le pape François
plaçait-il le sien pour foudroyer du
regard toute la panoplie des auréoles du
dieu de l'Amérique?
Et puis, aucune langue de la terre ne
peut égaler l'éclat et le rythme que
seul le grec donne à ces vers d'Homère:
"Chante, Déesse, la colère d'Achille
, fils de Pelée, qui livra les Achéens à
tant de souffrances et précipita à
l'Hadès les âmes héroïques de tant de
guerriers". Anatole France se
moquait gentiment de Renan, qui dressait
l'oreille à chaque mot suspect, tels que
Déesse, Hadès et j'en passe. De quel
Dieu le pape François et M. Obama
parlaient-ils si l'âme du poète était
plus divine que celle de la démocratie
mondiale?
Décidément, il nous sera impossible
d'enseigner l'histoire véritable de
notre espèce à nos enfants en bas âge
si, d'un côté, il faut nous rendre à
l'évidence qu'il sera bien vain de leur
raconter ce qui sera effectivement
arrivé à telle tribu localisée à tel
endroit et en tel siècle, tellement, une
science transanecdotique du temps humain
nous enfermera d'avance dans une
connaissance toute magique et ensorcelée
de nous-mêmes - celle dont s'obstineront
à témoigner les fuyards du règne animal
que nous sommes demeurés. Pourquoi les
animaux dichotomisés par leurs poulets
sacrés colloquent-ils leur fausse
science d'eux-mêmes dans le cosmos et
pourquoi le pape François regardait-il
de haut les poulets sacrés de M. Barack
Obama?
Exemple: M. Le Goff (1924-2014) a
rédigé, des années durant, un savant
ouvrage sur le Purgatoire, mais son
récit demeure aussi aveugle à la
signification anthropologique des
méthodes de pensée dont usait son auteur
que la théologie du Moyen-Age ignorait
le sens de la logique interne qu'elle
mettait en oeuvre. M. le Goff n'étudiait
ni les finances de l'Eglise de l'époque
- elle tirait des bons de caisse à la
pelle de sa théologie des purge sacrées
- ni les cellules grises d'une espèce
docile à passer quelques années de son
éternité posthume dans un sas imaginé
entre l'enfer et le paradis par les
docteurs de l'Eglise de son temps. Et
pourtant, se disait le pape François, de
Sophocle à Shakespeare, d'Aristophane à
Swift, de Dostoïevski, de Gogol, de
Soljenitsyne à Cervantès, c'est toujours
l'histoire la plus profonde de
l'humanité que les plus grandes génie de
la littérature mondiale ont observée et
tenté de comprendre - et si le génie
russe surpasse celui des contemplatifs
français et anglais, serait-ce que
Les Possédés, Les Frères Karamazov ,
La Guerre et la Paix regardent
l'humanité de plus haut et de plus loin
que Molière ou Racine? Qu'est-ce donc,
se disait le disciple du Poverello, qui
fait du génie russe un regardant à la
fois homérique et sommital de l'histoire
du monde?
11 - Dans l'attente d'une mutation de la
conscience chrétienne
On sait que ni un pape François en quête
du vrai Dieu des chrétiens, ni un Barack
Obama trop sûr du sien ne sont encore
devenus des simianthropologues de haut
vol, donc des connaisseurs d'une vie de
l'humanité transportée dans les nues.
Mais on observera que l'hôte de la
Maison Blanche forgeait à tour de bras
les armes verbifiques d'une divinité
nationale vaniteuse et trompeusement
vaporeuse et que les saintes forgeries
d'une démocratie aux auréoles
ensanglantées mettaient en vente sur le
marché du langage le feu et la foudre
d'une idole vénérée pour la qualité de
ses poulets sur toute la terre habitée.
Comment parler de morale si la bête des
lectisternes ignore le fonctionnement de
sa cervelle dans le sacré, comment
parler de morale si la bête à l'écoute
des oracles de ses poulets n'a jamais
observé, ni sur le terrain, ni en
laboratoire, l'oscillation éternelle de
sa boîte osseuse entre la superstition
et la corruption? Si vous redressez
l'échine de cet animal à l'école de la
panique d'entrailles que ses dieux et
ses devins lui inspirent, il courra
consulter ses poulaillers, mais si vous
lui retirez cette médecine, il perdra
pied dans le néant.
Et pourtant, la rencontre avortée du 26
mars entre le pape François et M. Barack
Obama a placé un produit pharmaceutique
prometteur entre les mains du vieux
Chronos, et cela non point en raison
d'une accélération subite et miraculeuse
de l'évolution cérébrale de la bête,
mais parce que la Démocratie moderne et
sa chaste épouse, la Liberté,
accompagnés de leurs deux enfants encore
en bas âge, l'Egalité et la Fraternité,
ont commencé de se promener dans le
jardin des cultes défunts et de
s'éclairer de la lumière de leur
pharmacologie oubliée.
Certes, on savait depuis belle lurette
que les détoisonnés du cosmos sont
paniqués de se trouver jetés sans
coussinets dans le sépulcre de
l'immensité et du vide. Mais il est
bestial en diable de se donner sa propre
effigie pour soleil, il est bestial en
diable de se donner un tortionnaire
infatigable pour guide et pour
protecteur dans une nuit sans voix. La
théologie romaine, dit maintenant le
pape François, était à la fois harnachée
et barricadée dans l'enceinte sanglante
des cités. L'agrippage de cette
mythologie à sa propre sacralité élevait
une hiérarchie ecclésiale auto-glorifiée
au rang d'un Jupiter armé du couperet de
la mort.
Et voici que la bête dentue et crochue
dont l'armure masquait la fragilité se
regarde dans le miroir de ses
démocraties enténébrées. Décidément, le
pape regarde le christianisme romain
avec des yeux d'anthropologue et de
pédagogue d'une démocratie casquée - et
le Poverello, en promenade à ses côtés,
visite le jardin des Hespérides des
contrefaçons du dieu Liberté. La
compassion franciscaine
rapprocherait-elle l'école d'Antioche
des découvertes les plus récentes de la
paléontologie? (Voir -
De Sotchi à Kiev , La postérité
anthropologique de Machiavel et la
politologie moderne , 5
avril 2014 )
12 - La réflexion anthropologique sur
l'illusion
Depuis le XVIIIe siècle, l'animal
terrorisé par le silence de l'univers
n'a cessé de se rabougrir. L'étendue de
son ignorance se révèle désormais aussi
rapetissante qu'à l'âge de la pierre
taillée. Mais plus ce pape solitaire et
méditatif se découvre ratatiné, plus le
mythe démocratique se minusculise, lui
aussi. Le voici réduit à une rêverie à
la gueule grande ouverte. Regardez avec
les yeux de la mystique russe la denture
de cette sotériologie verbale: ses
mâchoires et ses crocs n'illustrent-ils
pas une mythologie sanglante?
Demandez-vous quelle était la
distanciation à l'égard de l'histoire et
de la politique qui a guidé en secret la
théologie pacificatrice du Saint Siège
en Syrie. Quel était l'anthropologue en
apprentissage de la vie spirituelle de
la Liberté qui voyait de haut et de loin
germer une "guerre sainte" pour le salut
démocratique du monde, quel était le
mystique abyssal qui regardait avec les
yeux de Tolstoï la cosmologie mythique
des modernes s'enivrer des reflets de sa
propre équipée? Voyez l'idole étalée sur
les coussins de velours de sa sainteté,
voyez l'idole inlassablement magnifiée
et glorifiée sur le piédestal de ses
idéalités sanguinaires. S'agirait-il du
faux dieu des modernes? Le pape François
voyait-il de haut ces frères jumeaux, le
mythe chrétien et le mythe démocratique
échanger leurs présents - les fioles
d'un même parfum, celui de l'opium des
peuples?
En vérité, le regard du Franciscain sur
les auréoles verbales dont la bête
s'était affublée donnait au pape
argentin un siècle d'avance sur le futur
décryptage anthropologique du
narcissisme politique de type
démocratique - et la bestialité
théologique commençait de se dessiner
sous des traits tellement précis que
Rome se convertissait en douce aux
sacrilèges de la sainteté. Le mythe
biblique tombait tout entier dans la
cage aux poulets aux yeux du Poverello.
Il existait, disait-il, une manière
d'écrire l'histoire ad usum Delphini
- à l'usage du fils aîné du roi - qui
glorifiait parallèlement l'histoire du
christianisme et celle de la monarchie
de droit divin. Et voici que le pape de
la Liberté américaine apportait au monde
l'histoire conjointe du mythe
démocratique et de la gloire de sa
nation!
Le pape François occupait la forteresse
de l'anthropologie secrète à laquelle
les saints russes se sont initiés.
Comment son regard aurait-il porté sur
l'histoire et la politique de l'humanité
titubante du XXIe siècle s'il n'avait
commencé de savoir non seulement comment
l'ignorance de type spéculaire de la
bête se construit, mais comment elle se
bâtit nécessairement des savoirs en
miroir, et d'autant plus assurés
d'eux-mêmes que leurs erreurs de méthode
et de parcours leur fournissent en
retour les instruments les plus
irréfutables à leurs yeux et les preuves
les plus évidentes de la validité de
leur vision du monde?
13 - Le grand orchestrateur des
idéalités
C'est ainsi que l'Ukraine s'est révélée
la première illustration planétaire de
l'animalité théologique des ostensoirs
de type démocratique que l'humanité ait
mis en scène. La pièce semblait agencée
d'avance dans les coulisses pour rendre
spectaculaire le choc des idéalités
vaniteuses, spectaculaire la mise en
scène artificielle des héros
retentissants de l'abstrait,
spectaculaire l'étalage des subterfuges,
des attrape-nigauds et des contrefaçons
du concept de Liberté, spectaculaire
l'exposition des ciboires d'une religion
de pacotille: tout le monde voyait à
l'œil nu les tireurs de ficelles qui
faisaient, d'une histoire des simagrées
du monde un mélange de grand guignol et
de pièce de boulevard - mais le
titanesque même de la dérision mettait
en place un échiquier nouveau du monde.
Le regard de haut que la Curie portait
désormais sur les parfums de l'histoire
et de la politique en faisait l'assise
d'une nouvelle objectivité de la science
historique.
Du coup, le grand orchestrateur des
idéalités pseudo universelles de la
démocratie mondiale s'est trouvé si
soudainement démasqué que le génie du
Poverello est devenu l'assiette nouvelle
de la pensée rationnelle du monde et de
l'anthropologie scientifique, tellement
les cierges enfumés d'une fausse Justice
et d'une fausse Liberté rendaient
inutilisable la catéchèse démocratique
et l'encens de M. Barack Obama. Mais la
spécularité humaine, les Anciens
l'appelaient l'illusion, du latin
illudere, se jouer de quelqu'un,
le tourner en dérision, rire et se
moquer, ce qui démontre que la mystique
renvoie à un approfondissement
anthropologique du vocabulaire de tous
les jours.
La semaine prochaine, j'observerai de
plus près la condition humaine sur le
théâtre de l'évolution cérébrale de cet
animal.
Reçu de l'auteur pour publication
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