Opinion
Mission impossible pour l'Ue,
pas pour l'Otan
Manlio Dinucci
Vendredi 24 avril 2015
« Identification, capture
et destruction systématique des
embarcations utilisées par les
trafiquants d’être humains,
démantèlement de leur réseau,
séquestration de leurs biens » : voilà
la tâche de la mission Pesd (Politique
européenne de sécurité et défense) que
la Haute représentante
Ue Federica Mogherini est chargée de
mettre au point. Tâche très claire,
reste seulement à voir comment la
réaliser. La comparaison avec d’autres
missions, comme celle d’Atalanta
formellement dirigée contre la piraterie
dans l’aire de la Corne d’Afrique, à laquelle
participe la marine militaire italienne,
est inconsistante : dans l’Océan Indien
il s’agit d’empêcher que des
embarcations agiles, avec peu de
personnes armées à bord, n’abordent les
navires marchands ; en Méditerranée il
s’agit de repérer et détruire les
embarcations, dans les ports libyens
avant qu’elles soient utilisées par les
trafiquants, ou de les capturer si elles
ont déjà pris la mer.
Premier
problème : comment distinguer, quand
elles sont au port, les embarcations des
trafiquants de celles commerciales pour
le transport et la pêche ?
Second
problème : en admettant que par un drone
ou un satellite on identifie une
embarcation des trafiquants pendant
qu’elle est au port, comment peut-on la
détruire ? Avec un drone armé de
missiles (comme celui USA qui a tué un
coopérant italien au Pakistan) ou avec
un chasseur bombardier Eurofighter
Typhoon, qui provoquera un massacre de
civils ? Ou bien avec des forces
spéciales débarquées de nuit par un
sous-marin, qui devront se battre dans
un affrontement armé avec quelque milice
? Et si l’embarcation prend la mer
chargée de réfugiés, comment peut-on la
bloquer avec un navire de guerre sans
provoquer de massacre ?
Troisième
problème : comment démanteler le réseau
des trafiquants sans envoyer de forces
militaires sur le territoire libyen ?
Faute d’avoir clarifié ces questions, la
mission Pesd, qui part de façon
retentissante, se transformera en une «
Armée Brancaleone » vouée à l’échec.
A moins que
ce ne soit justement pour ça qu’elle est
lancée. Si la mission Pesd s’embourbe,
l’Otan est prête à «courir à l’aide » de
l’Ue. En février dernier à Rome le
secrétaire général de l’Otan, Jens
Stoltenberg, a prévenu que « la
détérioration de la situation en Libye
pourrait déterminer de nouvelles menaces
contre la sécurité européenne » et que «
l’Otan doit être prête à défendre tout
allié de ces menaces ». Il a donc
annoncé qu’à partir de 2016 entrera en
fonction à Sigonella le nouveau système
Ags (Alliance Ground Surveillance)
qui, avec des drones Global Hawk et
d’autres instruments, permettra de
surveiller une vaste zone, de l’Afrique
du Nord au Moyen-Orient, en appui des
opérations Otan, notamment celles de sa
« Force de riposte ». Le premier banc
d’essai sera
la Libye
où, a dit Stoltenberg, « la situation
est hors de contrôle » (en oubliant la
guerre par laquelle l’Otan a démoli
l’Etat libyen), mais où « l’Otan est
prête à soutenir les autorités libyennes
».
La mission Pesd constitue donc le passe-partout d’une autre
opération sous direction Otan, qu’on
prépare en instrumentalisant l’hécatombe
de réfugiés en Méditerranée pour créer
une opinion publique favorable à une
intervention militaire directe en Libye.
Pourquoi pas sous forme d’un
débarquement, en mondovision, de
coopérants et humanitaires pour une «
initiative humanitaire extraordinaire »
qui, étant donné le chaos régnant dans
le pays, devra se dérouler sous la «
protection » des militaires. Avec comme
but réel de constituer une tête de pont
en Libye, en occupant les zones côtières
les plus importantes non seulement pour
leurs ressources énergétiques, mais pour
leur position géographique à
l’intersection entre Méditerranée,
Afrique et Moyen-Orient.
Edition de vendredi 25 avril 2015 de
il manifesto
http://ilmanifesto.info/in-libia-missione-impossibile-per-lue-non-per-la-nato/
Traduit de l’italien par Marie-Ange
Patrizio
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