L'art de la guerre
Trump ordonne l’«assistance» à
l’Italie
Manlio Dinucci

© Manlio
Dinucci - Capture
d'écran PalSol
Mardi 14 avril 2020
Le Premier ministre Conte a
annoncé aux Italiens, dans une
intervention télévisée en direct le 10
avril, que l’Italie n’a signé aucun
engagement pour le Mes, le fonds
européen «sauve-États», et que son
gouvernement ne discutera que sur «un
Mes non conditionné», c’est-à-dire qui
n’impose pas de conditions
préjudiciables pour les intérêts
nationaux et la souveraineté du pays.
Position juste. Mais le Premier ministre
n’a pas annoncé aux Italiens qu’au même
moment, le 10 avril, le président Trump
émettait, à la demande du Gouvernement
Conte, un «Mémorandum sur la fourniture
d’assistance pour le Covid-19 à la
République Italienne», qui contient de
fait de lourds conditionnements pour
notre pays.
Trump annonce que «le gouvernement de l’Italie a requis
l’assistance des États-Unis». Donc, en
vertu de l’autorité que lui confèrent la
Constitution et les lois, «il ordonne ce
qui suit» pour aider «un de nos plus
vieux et proches alliés». Les ordres,
donnés aux secrétaires des départements
et des agences des États-Unis, stipulent
deux types d’intervention.
Le premier est de caractère sanitaire pour aider l’Italie à combattre le
Covid-19, «démontrant à la fois le
leadership des États-Unis face aux
campagnes de désinformation chinoise et
russe». Au secrétaire à la Défense le
président ordonne de rendre disponibles,
pour l’assistance, «les plus de 30.000
militaires et salariés étasuniens en
Italie» avec leurs «structures».
Le second et plus consistant type d’intervention consiste à «soutenir le
reprise de l’économie italienne», qui
risque de tomber «dans une profonde
dépression». Le président Trump ordonne
aux secrétaires du Trésor et du
Commerce, au président de la Banque
d’Export-Import, à l’administrateur de
l’Agence USA pour le développement
international, au directeur de l’United
States International Development Finance
Corporation (agence gouvernementale qui
finance des projets de développement
privés) d’utiliser leurs instruments
pour «soutenir les entreprises
italiennes».
On ne sait pas encore quels instruments seront utilisés par les
États-Unis pour «soutenir la reprise de
l’économie italienne», ni quelles seront
les conditions auxquelles seront
concédées les «aides». Le plan de
Washington est cependant clair :
exploiter la crise et les fractures dans
l’Ue pour renforcer l’influence USA en
Italie, en affaiblissant en même temps
les rapports de l’Italie avec la Chine
et la Russie. L’autorité avec laquelle a
été lancé le plan d’ «assistance à la
république Italienne» le confirme : une
série d’ordres présidentiels donnés non
seulement aux secrétaires des
départements cités ci-dessus, mais au
Secrétaire d’État et à l’Assistant du
Président pour les Affaires de sécurité
nationale. Un des objectifs du plan
entre sûrement dans ce que le
New York Times
définit comme «une course mondiale aux
armements pour un vaccin
anti-coronavirus, qui se joue entre
États-Unis, Chine et Europe». Le premier
qui arrivera à produire le vaccin -écrit
le NYT- «peut avoir la possibilité non
seulement de favoriser sa population,
mais d’avoir la haute-main pour
affronter les retombées économiques et
géostratégiques de la crise».
La compagnie pharmaceutique étasunienne Johnson & Johnson a annoncé le 30
mars avoir sélectionné un possible
vaccin contre le Covid-19, auquel elle
est en train de travailler depuis
janvier avec le Département de la Santé,
avec un investissement conjoint de plus
d’un milliard de dollars. La compagnie
annonce qu’après les tests cliniques
prévus en septembre, la production du
vaccin pourrait débuter dans les
premiers mois de 2021 dans des «délais
substantiellement accélérés par rapport
aux délais habituels», atteignant
rapidement la capacité productive de
plus d’un milliard de doses.
Le plan d’«assistance» à l’Italie, ordonné par le président Trump,
pourrait inclure aussi la fourniture du
vaccin, qui serait probablement utilisé
(éventuellement en le rendant
obligatoire) sans se préoccuper des
délais de tests et de production
«substantiellement accélérés par rapport
aux délais habituels»,
ni du coût économique et politique de
cette généreuse «assistance».
Édition de mardi 14 avril 2020 d’il
manifesto
https://ilmanifesto.it/trump-ordina-lassistenza-allitalia/
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