L'art de la guerre
USA et Ue se disputent mais sont
unis
contre Russie et Chine
Manlio Dinucci
© Manlio
Dinucci
Mardi 12 juin 2018
Pendant que se brise le G7 sous
l’effet de la guerre des droits de
douane, ceux-là mêmes qui se disputent
se regroupent en renforçant l’Otan et
son réseau de partenaires.
La proposition tactique de Trump de recomposer le G8 -visant à canaliser
la Russie dans un G7+1, en la divisant
de la Chine- a été repoussée par les
leaders européens et par l’Ue même, qui
redoutent d’être doublés par une
tractation Washington-Moscou.
Proposition par contre approuvée par le
nouveau Premier ministre italien Conte,
qualifié par Trump de “brave garçon” et
invité à la Maison Blanche.
La stratégie cependant
reste commune. C’est ce que confirment
les dernières décisions prises par
l’Otan, dont les principaux membres sont
États-Unis, Canada, Allemagne, France,
Grande-Bretagne et Italie, plus le Japon
comme partenaire, c’est-à-dire toutes
les puissances du G7.
La réunion des 29 ministres
de la Défense (pour l’Italie Elisabetta
Trenta, Mouvement 5 Étoiles) a décidé à
l’unanimité le 7 juin de potentialiser
la structure de commandement dans une
fonction anti-russe, en augmentant son
personnel de plus de 1200 unités ; de
constituer un nouveau Commandement
conjoint pour l’Atlantique, à Norfolk
aux États-Unis, contre “les sous-marins
russes qui menacent les lignes de
communication maritime entre États-Unis
et Europe” ; de constituer un nouveau
Commandement logistique, à Ulm en
Allemagne, comme “dissuasion” contre la
Russie, avec la mission de “déplacer
plus rapidement les troupes à travers
l’Europe dans n’importe quel conflit”.
La “mobilité militaire” est
au centre de la coopération Otan-Ue, qui
en juillet se trouvera renforcée par un
nouvel accord. D’ici 2020 l’Otan
disposera en Europe de 30 bataillons
mécanisés, 30 escadrilles aériennes et
30 navires de combat, déployables en 30
jours ou moins contre la Russie. A cet
effet, comme requis par les USA, les
alliés européens et le Canada ont
augmenté leur dépense militaire de 87
milliards de dollars depuis 2014 et
s’engagent à l’accroitre. L’Allemagne la
portera en 2019 à une moyenne de 114
millions d’euros par jour et planifie de
l’augmenter de 80% d’ici 2024.
Allemagne, France, Grande-Bretagne, Canada et Italie, pendant qu’ils se
disputent avec les USA au G7 au Canada
sur les droits de douane, participent en
Europe sous commandement étasunien à
l’exercice Saber Strike qui, mobilisant
18 000 soldats de 19 pays, se déroule du
3 au 15 juin en Pologne et dans la
Baltique au bord du territoire russe.
Ces mêmes pays et le Japon, les autres
six membres du G7, participeront dans le
Pacifique, toujours sous commandement
USA, au Rimpac 2018, le plus grand
exercice naval du monde dans une
fonction anti-Chine.
A ces répétitions de
guerre, de l’Europe au Pacifique,
participent aussi pour la première fois
des forces israéliennes. Les puissances
occidentales, divisées par des conflits
d’intérêt, font front commun pour garder
par n’importe quel moyen -de plus en
plus la guerre- la domination impériale
du monde, mise en crise par l’émergence
de nouveaux sujets étatiques et sociaux.
Au moment même où au
Canada se brisait le G7 sur la question
des droits de douane, à Pékin la Chine
et la Russie stipulaient de nouveaux
accords économiques. La Chine est le
premier partenaire commercial de la
Russie, et celle-ci est le premier
fournisseur énergétique de la Chine. Les
échanges entre les deux pays grimperont
cette année à environ 100 milliards de
dollars. Chine et Russie coopèrent au
développement de la Nouvelle Route de la
Soie à travers 70 pays d’Asie, Europe et
Afrique. Le projet -qui contribue à “un
ordre mondial multipolaire et à des
relations internationales plus
démocratiques” (Xi Jinping)- se trouve
contrecarré à la fois par les États-Unis
et par l’Union européenne : 27 des 28
ambassadeurs de l’Ue à Pékin (sauf la
Hongrie) soutiennent que le projet viole
le libre commerce et vise la division de
l’Europe.
La crise n’est pas pour le
seul G7, mais pour l’ordre mondial
unipolaire imposé par l’Occident.
Edition de mardi 12 juin 2018 de
il manifesto
https://ilmanifesto.it/usa-e-ue-in-lite-ma-unite-contro-russia-e-cina/
Traduit de l’italien par M-A P.
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