EODE /
International Elections Monitoring
Slovénie : des élections avec un futur
difficile
en perspective et un régime agonisant
Luc Michel
Lundi 14 juillet 2014
Luc MICHEL pour EODE Press Office /
avec Dvenik - Agence slovène STA -
Finance - Slovenia Times - AFP - Mladina
–
Le Courrier des Balkans - Osservatorio
Balcani e Caucaso / 2014 07 14 /
http://www.facebook.com/EODE.monitoring
http://www.eode.org/category/eode-international-elections-monitoring/international-elections-survey/
« Les élections anticipées se tiennent
donc dans un climat électrique. Moins de
50% des électeurs sont attendus aux
bureaux de vote. Un taux de
participation faible, néanmoins
supérieur à celui des élections
européennes du 25 mai »
- Le Courrier des Balkans.
« Crise, corruption, discrédits des
élites : le tableau noir de la Slovénie
(…) En Slovénie, les gouvernements
tombent, se suivent, et se ressemblent.
De politique de centre-droit en
politique de centre-gauche, et d’un
scandale financier à un autre, la
population se sent délaissée et sombre
dans le mécontentement généralisé … »
- Osservatorio Balcani e Caucaso.
# I – L’ANALYSE DES ELECTIONS DU 13
JUILLET 2014 ET DE LA CRISE SLOVENE
Les Slovènes ce dimanche ont plébiscité
un juriste sans expérience politique
lors des élections législatives
anticipées, dans l'espoir de mettre un
terme à l'instabilité politique et
économique dont souffre ce petit pays de
la zone euro.
Car la Slovénie, ex économie-phare de
l’ancienne Fédération yougoslave de
Tito, est aujourd’hui un Etat en crise
économique et politique grave au sein de
l’UE. Avec une population désenchantée
qui ne croit plus au parlementarisme …
UN NOVICE EN POLITIQUE ET UNE CLASSE
POLITIQUE SANS CREDIT …
"Je crois que les gens voient dans notre
parti celui qui sera à même (...) de
sortir le pays de la crise et d'en faire
un État à nouveau stable et normal", a
déclaré le grand favori du scrutin, Miro
Cerar, un professeur de Droit réputé
après avoir voté dans la banlieue de
Ljubljana. Ce spécialiste du Droit
constitutionnel, très apprécié dans une
partie du pays, a fondé son "Parti de
Miro Cerar" (SMS) il y a quelques
semaines seulement avec une poignée
d'universitaires et d'entrepreneurs. Il
était crédité de 31% des suffrages dans
les derniers sondages.
« Sa campagne, axée sur un retour de la
morale en politique, a rencontré un écho
favorable dans la population, lasse des
scandales de corruption de ces dernières
années », dit l’AFP. "Je pense que les
nouveaux venus en politique peuvent être
une chance", pour le pays, indique à
l'AFP Nina Pirnat, la quarantaine, après
avoir voté. "En particulier s'ils
collaborent avec d'autres partis". Mais
le nom même du parti, centré sur un seul
homme novice en politique, révèle sa
faiblesse et son absence de principes
idéologiques.
Le chef du Parti démocratique slovène
(SDS, droite conservatrice), Janez Jansa,
qui arrivait en deuxième position dans
les sondages avec environ 24%, purge
d'ailleurs actuellement une peine de
prison pour corruption. L'ancien Premier
ministre conservateur, tête de liste de
son parti aux élections, a mené depuis
sa prison une campagne électorale très
active via Twitter et interviews à des
journaux alliés.
Quatre autres partis – il faut franchir
la barre des 4% nécessaire pour entrer
au Parlement, qui compte 90 sièges –
jouaient les challengers : le ‘parti des
retraités’ (Desus), le parti
social-démocrate (SD, ex-communiste), le
parti chrétien populaire ‘Nova Slovenja’
(Nsi, membre du PPE) et l'’alliance pour
Alenka Bratusek’.
LA CRISE ECONOMIQUE GRAVE ET
L’INSTABILITE POLITIQUE RECURENTE
Autrefois considéré comme un élève
modèle de la zone euro, comme elle
l’avait été de la Seconde Yougoslavie de
Tito (1945-1991), la Slovénie est
plongée dans la tourmente depuis la
crise économique de 2008. A la récession
s'est greffée une instabilité politique
devenue chronique. Trois gouvernements
ont été renversés en trois ans.
Fin 2013, le pays balkanique issu de
l'ex-Yougoslavie est passé à deux doigts
de la faillite en raison d'une crise de
son secteur bancaire, qui croule sous
les créances douteuses. Une
recapitalisation d'urgence lui a permis
d'éviter le recours à un plan de
sauvetage européen, mais au prix d'une
explosion de la dette à plus de 70% du
Produit intérieur brut (PIB).
La Première ministre sortante Alenka
Bratusek, qui avait appliqué depuis un
an comme son prédécesseur Janez Jansa
une douloureuse politique d'austérité
sous la surveillance de l'Union
européenne, a démissionné en mai après
avoir été désavouée par son parti de
centre gauche ‘Slovénie Positive’. « Les
observateurs doutent que ces élections
puissent ramener le calme et la plupart
en prédisent déjà de nouvelles d'ici un
an » commente l’AFP.
L'agence Standard & Poor's – au rôle
éminemment négatif, ici comme partout
ailleurs - a récemment mis en garde
contre l'instabilité politique
susceptible de mettre en péril les
réformes économiques en cours, notamment
les impopulaires privatisations. Miro
Cerar a exprimé ses réserves à ce sujet,
de quoi inquiéter les marchés. Alenka
Bratusek a décidé de geler le processus
en attendant la formation d'un nouveau
gouvernement.
L'agence de notation financière s'est
inquiétée aussi des faibles perspectives
de croissance dans le pays, qui est tout
de même parvenu à sortir de la récession
au premier trimestre. Le taux de chômage
reste élevé avec plus de 13%.
« LA SLOVÉNIE ESPÈRE AVOIR TROUVÉ SON
SAUVEUR » (AFP)
« La Slovénie espère la fin de la folie
politique qui a régné ces dernières
années grâce au grand vainqueur des
élections législatives, le professeur de
droit Miro Cerar, mais la crise
budgétaire en cours risque de lui
compliquer la tâche. Ce Dimanche, ce
juriste de 50 ans sans expérience
politique ni programme clair a donc
remporté le scrutin anticipé avec 34,6%
des voix selon les derniers résultats
partiels publiés ce lundi. Son "Parti de
Miro Cerar" (SMC) créé il y a quelques
semaines seulement avec une poignée
d'universitaires et d'entrepreneurs, a
axé toute sa campagne sur un retour de
la morale en politique.
"Le message du vote est que les gens en
ont assez de toute sorte de folie
politique, la remise en cause du système
juridique, les querelles (...), et
l'acceptation aveugle des programmes
dictés par Bruxelles", résume le
quotidien DVENIK dans un éditorial.
Alenka Bratusek avait « appliqué une
sévère cure d'austérité au pays, et
lancé un programme de privatisations
pour rétablir les finances publiques,
sous la surveillance resserrée de
l'Union européenne ». Un chemin dont
Miro Cerar aimerait s'écarter autant que
faire se peut. "La Slovénie va suivre
les recommandations de l'Union
européenne pour sortir de la crise
économique, financière et sociale, mais
en cherchant les moyens les plus
adéquats pour s'y conformer", a-t-il
déclaré.
UN VAINQUEUR DEJA AU PIED DU MUR
« Pour Miro Cerar, le temps des réponses
évasives sur ses projets pour le pays
est révolu » soulignaient lundi les
analystes politiques et les médias. « Si
le nouveau gouvernement ne lance pas
rapidement des nouvelles mesures pour
l'économie, alors il ne durera pas
longtemps », prédit le président de la
Chambre de commerce slovène Hribar Milic
dans un entretien à l'agence slovène
STA.
« Il sera difficile de remplir toutes
les attentes », prédit la politologue
Tanja Staric. « La Slovénie a besoin
d'un gouvernement capable de tenir un
mandat entier. Actuellement, nous ne
sommes toujours pas sûrs que nous
pourrons l'avoir », estime-t-elle.
LES CARTES POLITIQUES REDISTRIBUEES
Sept partis, dont celui de la Première
ministre sortante Alenka Bratusek
(centre-gauche), seront représentés dans
le nouveau Parlement, qui compte 90
sièges :
- Le Parti de Miro Cerar (SMC) a obtenu
34,8% des suffrages, ce qui correspond à
36 sièges dans une assemblée qui en
compte 90, un score qui lui donne un
mandat clair contrairement aux
précédents gouvernements.
- Le Parti démocrate slovène (SDS) - une
formation de centre droit - a fini en
deuxième position, avec 20,7% des voix.
- Le Parti des retraités Desus obtient
un peu moins de 10% des voix.
- Alors que le nouveau Parti de la
gauche unie (ZL, gauche) a surpris en
recueillant plus de 7% des suffrages, ce
qui en fait le 4e force politique du
pays.
- En revanche, l'ancien parti de Mme
Bratusek, Slovénie positive, dirigé par
le maire de Ljubljana Zoran Jankovic,
est loin des 4% des voix nécessaires
pour entrer au parlement (avec seulement
2,5%). Il avait remporté les précédentes
élections de décembre 2011.
Miro Cerar, qui dispose de 36 sièges sur
90 au Parlement, a entamé dès ce lundi
des consultations en vue d'une
coalition. Tous les partis
parlementaires se sont dits prêts à
discuter, à l'exception du Parti
démocratique slovène (SDS) du
conservateur Janez Jansa. Qui purge une
peine de prison de deux ans pour
corruption, mais dirige toujours son
parti, ce qui en dit long sur l’état de
la classe politique slovène. Arrivé
deuxième avec 20,7% des suffrages, le
parti a dénoncé des élections "injustes"
en raison de l'emprisonnement de son
leader et annoncé qu'il boycotterait les
sessions au Parlement.
Les experts jugent le plus probable une
alliance de Miro Cerar avec le parti des
retraités ‘Desus’, troisième force du
pays, les sociaux-démocrates (SD,
anciens communistes), voire le Parti d'Alenka
Bratusek, qui est parvenu de justesse à
entrer au Parlement et à passer la barre
des 4% requise.
Le professeur est notamment attendu au
tournant sur les privatisations des
entreprises slovènes, très impopulaires
et qu'il a aussi remis en question,
souligne le quotidien FINANCE. "Si le
nouveau gouvernement devient
irrationnel, nous ne pouvons rien
attendre de bon", redoute le journal.
# II - UNE FAIBLE PARTICIPATION QUI
REVELE LE DIVORCE D’UNE PARTICRATIE
CORROMPUE AVEC UNE GRANDE PARTIE DE LA
POPULATION
"J'espère que la participation sera
élevée et j'espère que les gens vont
vraiment montrer qu'ils en ont assez et
qu'ils veulent du changement", déclare à
l'AFP Urska, une mère de 35 ans,
partisane de Cerar, après avoir mis son
bulletin dans l'urne. La participation
était en baisse dimanche matin de plus
de 3% par rapport aux précédentes
élections législatives de décembre 2011,
avec près de 15,5% des électeurs qui se
sont déplacés, contre 18,7% il y a deux
ans et demi.
"J'aime bien Cerar mais je ne pense pas
qu'il puisse faire grand-chose", estime
de son côté Slokan Marija, un retraité.
"Mais ce serait bien que les choses
changent, nous ne pouvons pas vivre
comme ça pour toujours".
A noter que dans « les pays de l'est de
l'UE »,
les Elections européennes de Mai
2014 ont vu globalement leur taux de
participation chuter. En Slovénie, il
est passé de 28,37% à 20,96%, indice
d’une désaffection profonde et
majoritaire de la population pour le
régime parlementariste …
DES MAIRIES AU SOMMET DE L’ETAT
SLOVENE : LA GANGRENE DE LA CORRUPTION
ET DES TRAFFICS
L’abstention révèle le divorce de la
population avec une classe politique
discréditée et corrompue. « Zoran
Janković, chef de l’opposition de gauche
et maire de Ljubljana, est sous le coup
d’une procédure judiciaire pour une
vaste affaire de corruption. De son
côté, le Premier ministre Janez Janša,
fait déjà l’objet d’une procédure pour
trafic d’armes. Depuis son indépendance
en 1991, la Slovénie tente de se
présenter comme un pays moderne,
respectant l’état de droit. Les
turpitudes de sa classe politique
rappellent pourtant les scandales qui
éclaboussent d’ordinaire le reste des
Balkans », analyse L’OSSERVATORIO
BALCANI E CAUCASO.
Un discrédit, amorcé en 2011, et qui
touche l’Etat slovène lui-même. « Durant
la première moitié du mois de mars
(2011), la police a mené une enquête
criminelle d’envergure dans différentes
villes slovènes. Pensant enquêter au
départ sur une banale affaire de
corruption et de délits économiques, les
policiers ont en fait découvert une
véritable affaire d’État impliquant
plusieurs hauts responsables politique.
Crime organisé, corruption, chantage,
trafics d’armes et d’explosifs, la
palette de ces criminels en col blanc
serait large », commentait alors le
SLOVENIA TIMES.
Politiciens, oligarques locaux (la plaie
de l’Est, que seul Poutine a mise au
pas), pour tous la culture de l’impunité
règne en Slovénie. « Si le Premier
ministre, Janez Jansa, accusé de
corruption depuis plusieurs années,
refuse d’abandonner son poste, pourquoi
les autres le feraient-ils ? Plusieurs
maires slovènes ont déjà été condamnés
pour leur mauvaise gestion des finances
publiques, mais ils ignorent la justice.
Certains députés, eux aussi condamnés,
refusent de démissionner.
L’élite politique slovène se
moque des décisions de justice, les
présentant comme faisant partie d’un
complot politique », dénonçait en
Février 2013 MLADINA, le plus influent
hebdomadaire slovène.
LA REVOLTE DE L’HIVER 2012-2013
Bien vite oubliée, la révolte populaire
de l’Hiver 2012-2013 a été un coup de
semonce, bien vite oublié par la
particratie slovéne.
« Ça ne vous suffit pas ? Que faut-il
encore pour que les choses changent ? »
titre en une en Février 2013 MLADINA,
l’hebdomadaire de Ljubljana, en
référence aux violences qui avaient
alors secoué le pays.
Depuis fin novembre 2012, la Slovénie
était en proie à des manifestations
contre la politique d’austérité, dont
certaines avaient dégénéré en bataille
rangée avec les forces de l’ordre. A
Maribor, les protestataires avaient fini
par obtenir, le 6 décembre 2012, la
démission du maire, Franc Kangler. Sous
la pression de la rue également, le
Premier ministre Janez Jansa avait
annoncé la tenue d’élections
législatives anticipées ainsi que
plusieurs réformes dans le système
politique afin de faire baisser la
tension.
« Jadis considérée comme un îlot de
stabilité dans la région, la Slovénie
est durement touchée par la crise. Le
système bancaire, rongé par des crédits
à l’origine douteuse, est considéré
comme le plus grand problème par les
agences de notation et le pays est
souvent cité comme le prochain candidat
possible à une aide européenne »
commentait MLADINA. En janvier 2013, les
syndicats de la fonction publique
avaient appelé à la tenue d’une grève
générale « pour protester contre la
politique d’austérité du gouvernement ».
L’échec annoncé de Miro Cerar et
l’autisme de la classe politique slovène
annoncent inévitablement une nouvelle
révolte …
Luc MICHEL
Photo : Miro Cerar vote pour les
élections législatives à Ljubljana, le
13 juillet 2014 (Photo de Jure Marovec –
AFP).
http://www.eode.org/
https://www.facebook.com/EODE.org
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