Al
Manar
La « Mère des martyrs » du Hezbollah,
rejoint les siens…
Leila Mazboudi
Mardi 16 octobre 2018
La mère de la
résistance, la meilleure des femmes de
patience, la plus belle de toutes les
mères, la mère de tous…De toutes les
appellations qui lui sont attribuées,
c’est celle de la Mère des martyrs qui
lui va le mieux. Connue le plus
couramment sous le patronyme Hajja Oum
Imad, mère d’Imad, elle est la mère du
commandant militaire emblématique du
Hezbollah, Imad Moughniyeh, le fondateur
de la Résistance islamique au Liban, le
commandant des deux victoires, en 2000
et 2006, tombé en martyr en 2008.
Deux autres de ses
fils, également combattants dans la
résistance étaient tombés en martyrs
avant leur frère : Jihad (1984) et Fouad
(1994), au Liban. Elle a aussi perdu un
petit-fils aussi, Jihad fils de Imad,
tué en Syrie en 2015.
Depuis son
lancement, elle offrait à la Résistance
un martyr, à chaque décennie. Sans
jamais se plaindre. « Je les ai mis là
où ils fallaient qu’ils soient, la
meilleure des places sur terre : le
martyre », disait-elle dans de ses
interviews. Très fière.
Elle s’est éteinte
dans la nuit du lundi 8 octobre à l’âge
de 80 ans. « Elle a rejoint ses êtres
les plus chers au Paradis », peut-on
lire entre autre dans les messages de
condoléances. Son mari, Abou Imad,
l’avait précédée en décembre 2017.
Les Moughniyeh ont
la réputation d’être une famille de
résistants de père en fils. Au fil du
temps, il s’est avéré qu’ils doivent la
mèche à la hajja, la Mère de la
résistance.
Pourtant, elle
était restée dans la clandestinité
jusqu’au martyre du Grand Imad. Date à
laquelle le public de la résistance a
commencé à la connaitre davantage. Ainsi
que son fils d’ailleurs, et dont
l’identité et la fonction au sein de la
résistance sont restées un secret de
polichinelle aussi.
C’est à ce moment
qu’on a appris qu’elle faisait partie
des premières femmes qui ont travaillé
dans la Daawa islamique et dans
l’ascension de la « Halat islamiyat ».
Terme se traduisant par « phénomène
islamique », désignant l’environnement
religieux social du Hezbollah. C’était
dans les années 70 du siècle dernier.
Une éclosion qui était alors entrée en
symbiose avec la révolution islamique
qui triomphait en Iran.
Elle a fait partie
des femmes qui ont pris part à la
résistance civile contre l’occupation
israélienne du Liban, en 1982, « lorsque
les femmes jetaient de l’huile en
ébullition sur les soldats israéliens à
Ter Debba », son village natal situé
dans la province de Tyr.
Entre temps, ses
fils et leurs compagnons lançaient la
résistance militaire.
Avec Imad, jeune
On lui rapporte une
histoire, à cette même époque, qui
illustre sa patience et sa persévérance.
C’était lors de la mort de son premier
martyr, Jihad, qui avait succombé dans
l’attentat à la voiture piégée, à Bir
al-Abed, dans la banlieue sud de
Beyrouth. Un attentat qui visait le
grand religieux sayed Mohamad Hussein
Fadlallah, en 1984.
Ce jour-là, tous
les membres de sa famille étaient à
jeun. Lors de la rupture du jeûne, à
table, constatant leur manque d’appétit,
elle les avait alors sermonnés : « Si
nous sommes brisés par ce drame, il aura
raison de nous. Il est interdit que nous
faiblissions alors que nous ne sommes
qu’au début de notre parcours. Allez,
mangez. Demain sera un long jour ».
Pour Haj Imad, ces
paroles ont été décisives dans son
parcours de résistant : « c’est
cette bouchée que tu m’as forcé à avaler
qui m’a appris comment contrôler les
moments difficiles que j’ai
rencontrés », lui disait-il fréquemment,
avait-elle rapporté.
La chanteuse
libanaise Julia Boutros chez Oum Imad
Du coup, son
discours adressé aux femmes a toujours
été très élogieux: « cette grande lutte
de la résistance, sa moitié vous est
due », leur disait-elle , lorsqu’elle
les rencontrait.
Lorsqu’Imad est
tombé en martyr, dans un attentat près
de Damas, c’est elle qui a consolé le
chef du Hezbollah sayed Hassan Nasrallah.
«Il était très chagriné. Je lui ai dit:
nous serons tous derrière toi. Dommage
que je n’ai plus de fils pour qu’ils
combattent entre tes mains »,
raconte-t-elle dans l’une de ses
interviews.
Pour tous ceux qui
ont côtoyé Oum Imad, lors des
rencontres, des interviews, des
colloques, des visites chez elle,
sa maison étant devenue une destination
incontournable pour les innombrables
délégations, la Résistance était sa
vocation. Elle en était devenue la
porte-parole par excellence. Elle savait
très bien la défendre, présenter ses
atouts et ses apports.
Dans une interview
dans sa maison au village, elle a
cueilli un citron et l’a offert à la
journaliste qui l’interviewait : «
Prends ce citron. Sans résistance, il
n’y aurait pas de citron », lui
avait-elle dit.
C’était comme si
elle entretenait avec cette résistance
une relation matriarcale. « Tous les
martyrs sont Imad », se plaisait-elle à
dire aussi. Nombreux sont ceux qui
croient sincèrement qu’elle a été la
mère du Hezbollah.
Le sommaire de Leila Mazboudi
Le dossier Hezbollah
Le
dossier Liban
Les dernières mises à jour
|