Le Saker
La partialité des médias américains
crée
une fausse image de la Russie
Moon of Alabama
Mercredi 25 décembre 2019 Par
Moon of Alabama – Le 23 décembre
2019
Le dernier
article du New York Times s’en
prenant à Poutine est
titré : « C’est le monde de
Poutine. Nous ne faisons qu’y vivre. »
Son économie
crachote et ses jeunes sont frustrés,
mais avec l'Amérique et l'Europe en
plein tumulte, la Russie et son leader
depuis deux décennies ont le vent en
poupe.
Déjà, dans la
première phrase, l’article contient deux
mensonges :
Son économie, déjà
plus petite que celle de l’Italie, est
peut-être en train de crachoter mais,
deux décennies après qu’un ancien espion
du K.G.B., pratiquement inconnu, a pris
le pouvoir au Kremlin, le 31 décembre
1999, la Russie et son président,
Vladimir V. Poutine, viennent de
connaître ce qui pourrait être leur
meilleure année.
Le NYT peut
affirmer que le PIB de la Russie est
inférieur à celui de l’Italie parce
qu’il n’a examiné que le produit
intérieur brut (PIB) nominal de ces
pays. Mais le PIB nominal, tout comme
les salaires nominaux, ne sont pas des
comparaisons significatives. La question
est de savoir ce que chaque unité de PIB
permet d’acheter.
Andrei Martyanov a
récemment
examiné deux maisons tout à fait
comparables, l’une près de Moscou et
l’autre près de Washington DC. La maison
russe coûte environ $93 000, tandis que
la maison américaine est en vente à
$440 000 :
Alors, calculons le
PIB généré par la construction de ces
deux maisons en Russie et aux
États-Unis. Et bien comme vous l'avez
peut-être déjà deviné, les États-Unis
ont créé 4,5 fois plus de PIB que la
Russie en construisant une maison
comparable dans un endroit qui, soyons
francs, n'est pas exactement Moscou.
Imaginez-vous que la Russie construit
toutes sortes de biens immobiliers, des
appartements aux maisons, comme s'il n'y
avait pas de lendemain. ...Voici comment
fonctionne le PIB en PPA (Parité du
Pouvoir d'Achat), ou plutôt, comment il
embrouille la plupart des penseurs
occidentaux qui ne comprennent pas que
la plupart de ce qu'ils savent du monde
extérieur est un bobard ou une
caricature. Comme le fait que la classe
moyenne réelle de la Chine, qui a des
revenus comparables à ceux de la moyenne
des États-Unis, est plus importante que
l'ensemble de la population des
États-Unis. Voila un bon indicateur. ...
Maintenant,
pouvez-vous réduire, ou augmenter, les
économies russe et américaine ? C'est
encore difficile, mais cela vous montre,
au moins, ce que valent tous ces
proverbiaux 22 000 milliards de dollars
du PIB américain. Pas autant que ce que
vous pouvez penser.
L'argument selon
lequel les Russes ne gagnent pas autant
n'est pas non plus tout à fait valable.
Oui, beaucoup de Russes ne gagnent pas
autant et c'est un problème permanent,
mais disons que 60 000 RUB, qui se
convertissent en gros en 965 USD, vous
permettent de vivre assez
confortablement pratiquement partout en
Russie, sauf dans des endroits comme
Moscou ou Sotchi, surtout si vous êtes
propriétaire de votre appartement -
beaucoup de Russes le sont et par
propriétaire je veux dire vraiment,
sans payer de remboursement d'emprunt.
Il y a beaucoup de choses qui entrent
dans ces considérations économiques.
Mais il faut comprendre aujourd'hui que
les chiffres nominaux en USD sont
absolument dénués de sens et, en fait,
dangereux parce qu'ils créent un faux
sentiment de confiance.
Le PIB de la
Russie, en parité de pouvoir d’achat,
est de $4 349 milliards.
Le PIB de l’Italie, à parité de pouvoir
d’achat, est de $2 442 milliards.
Il ne semble donc
pas que l’économie russe soit « plus
petite que celle de l’Italie ».
Corrigé par le pouvoir d’achat, le PIB
officiel de la Russie est à peu près
aussi important que celui de
l’Allemagne. Mais même cette comparaison
est faussée. Le PIB officiel russe est
chroniquement sous-estimé car le pays a
une importante économie
non
officielle. On estime que 20 à 30 %
de tout le travail en Russie est
effectué en échange d’argent liquide et
n’est jamais officiellement enregistré
ou taxé.
Si l’on considère
que la Russie n’a actuellement pas de
croissance démographique notable, la
croissance de son économie est encore
bonne. Elle s’est ralentie cette année,
mais elle n’est certainement pas en
train de crachoter
:
La croissance
économique en Russie sera plus élevée
que prévu en 2019 et devrait s'accélérer
dans les prochaines années grâce en
partie à l'augmentation des dépenses de
l’État et à une politique monétaire plus
souple, a déclaré mercredi la Banque
mondiale. ...
La Banque mondiale,
dans un rapport régulier sur l'économie
russe, a déclaré qu'elle s'attendait à
ce que le produit intérieur brut
augmente de 1,2% cette année, en hausse
par rapport au 1,0% qu'elle avait prévu
en octobre. En 2018, le PIB russe a
augmenté de 2,3 %.
En 2020, le PIB
russe devrait atteindre 1,6 % et en 2021
1,8 %, contre 1,7 % et 1,8 %
respectivement selon les prévisions
d'octobre, a indiqué la Banque mondiale.
Contrairement à la
Fed et aux banques centrales
européennes, qui ont fait descendre les
taux d’intérêt à zéro pour créer une
croissance artificielle sur des marchés
financiers improductifs, la banque
centrale russe s’est retenue et a encore
beaucoup de munitions. Et la Fédération
de Russie a un
budget très solide et peu de dettes.
Si une poussée de croissance devait être
nécessaire, la Russie a encore,
contrairement à d’autres, les munitions
économiques pour la fournir :
"Une politique
monétaire moins restrictive et une
augmentation des dépenses pour les
projets nationaux devraient contribuer à
stimuler la croissance", a écrit
dans le rapport Renaud Seligmann,
directeur de la Banque mondiale dans la
Fédération de Russie.La prochaine
réunion de la banque centrale sur les
taux d'intérêt aura lieu le 13 décembre,
où elle pourrait envisager de réduire le
taux directeur, actuellement à 6,5 %,
pour la cinquième fois en 2019.
Le reste de
l’article du NYT n’est pas mieux
que son premier paragraphe. Il ne fait
que répéter de faux stéréotypes sur
Poutine en le traitant
« d’autocrate » ou sur la soi-disant
influence russe dans les élections
américaines.
Il y a près de
trente ans, lorsque l’Union soviétique
s’est effondrée, la Russie a connu une
grave chute. La libéralisation de son
économie a eu des conséquences
catastrophiques (surtout en vies
humaines, NdT). Mais elle s’est
réformée depuis. Elle est maintenant
revenue à sa position traditionnelle
dans le monde. Une grande puissance
eurasienne qui est à presque tous égards
indépendante du reste du monde et
capable de se protéger. Elle doit donc
être prise en compte quand on pense aux
politiques mondiales. C’est simplement
un fait et non l’effet d’un « jeu de
patience » que la Russie jouerait
contre « l’Occident ».
Mais les États-Unis
ont encore du mal à comprendre que ce
n’est pas la faute de la Russie mais le
résultat de la représentation biaisée
qu’ils en ont.
Moon of Alabama
Note du Saker
FrancophoneEn cadeau de Noël,
nous vous offrons ce
lien vers un post intitulé
"Occident recherche espion russe
désespérément !" du site de
Karine Bechet-Golovko excellente
analyste de la Russie dont le billet du
jour éclaire le présent texte.
Traduit par Wayan,
relu par Hervé pour le Saker Francophone
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