Le Saker
Comment Trump s’est rebellé contre ses
généraux
Moon of Alabama
Lundi 20 janvier 2020
Par
Moon of Alabama − Le 17 janvier 2020
Au début de
2017, juste au moment où Trump a été
intronisé, nous avons écrit au sujet
d’une vieille théorie des centres de
pouvoir qui semblait expliquer comment
Trump avait remporté les élections :
Du point de vue des
centres de pouvoir, Mme Clinton a eu un
jour tout le soutien dont elle avait
besoin. Mais elle a, par la suite, perdu
un groupe décisif en raison de sa
politique étrangère sans concession.
Voici une vue intéressante basée sur
une théorie des années 50 :L'élite au pouvoir
peut être mieux décrite comme un
«pouvoir triangulaire», les
entreprises, le gouvernement exécutif et
les factions militaires : «Il
existe une économie politique que de
nombreux liens attachent à l'ordre
militaire et décisionnel. Ce triangle du
pouvoir est maintenant un fait
structurel, et c'est la clé de toute
compréhension des cercles supérieurs aux
US aujourd'hui.»
Les élections
américaines de 2016, comme toutes les
autres élections américaines, ont
présenté une galerie de candidats
présélectionnés qui représentaient les
trois factions et leurs intérêts au sein
de l'élite au pouvoir. Cependant, ces
élections étaient très différentes des
élections précédentes. Alors qu'elles
s'éternisaient, l'élite au pouvoir s'est
amèrement divisée, la majorité soutenant
Hillary Clinton, la candidate
présélectionnée par les factions
politiques et entrepreneuriales, tandis
que la faction militaire s'est ralliée à
Donald Trump....
Le point politique
décisif de ce tour de scrutin a été la
lutte entre néo-cons /
libéraux-interventionnistes et réalistes
dans la politique étrangère. Un côté est
représenté exemplairement par la CIA et
l'autre par l'armée :
Un schisme s'est
développé entre le ministère de la
Défense et la CIA hautement politisée.
Ce schisme, qui peut être attribué à la
politique étrangère secrète de l’État
profond, remonte aux «révolutions de
couleur» orchestrées par la CIA qui
avaient balayé le Moyen-Orient et
l’Afrique du Nord.
La CIA a créé de
futurs ennemis sanguinaires, que les
militaires devront vaincre plus tard ...
Cette explication a
bien résisté. Au début de son régime,
Trump a bourré la Maison Blanche de
factions militaires tandis que le
gouvernement exécutif – l’État profond –
menait une guerre contre lui. Le côté
des entreprises dans le triangle du
pouvoir était très satisfait de sa
politique fiscale.
Mais Trump a
rapidement découvert que la faction
militaire n’était pas d’accord avec ses
tendances isolationnistes
« l’Amérique d’abord ». Les
« adultes dans la salle » et les
généraux voulaient expliquer à Trump
pourquoi ils pensent que les États-Unis
ont besoin de nombreux alliés et de
bases militaires, et pourquoi les
nombreuses longues guerres que les
États-Unis mènent sont une politique
raisonnable.
Selon un nouveau
livre, partiellement adapté dans un
article du Washington Post, cet
effort ne s’est pas bien terminé :
Trump a organisé sa
vision du monde peu orthodoxe sous la
bannière simpliste de «l'Amérique
d'abord», mais [le secrétaire à la
Défense Jim] Mattis, [le secrétaire
d'État Rex] Tillerson et [le directeur
du Conseil économique national Gary]
Cohn craignaient que ses propositions
soient irréfléchies, à peine
considérées, et un danger pour le statut
de la superpuissance américaine. Ils ont
également estimé que bon nombre des
idées impulsives de Trump provenaient de
son manque de familiarité avec
l'histoire des États-Unis et, même, de
son ignorance des lieux où les pays
étaient situés. Pour avoir une
discussion utile avec lui, le trio a
convenu qu'ils devaient créer une
connaissance de base, un langage
partagé.Donc, le 20 juillet
2017, Mattis a invité Trump au Tank
pour ce que lui, Tillerson et Cohn
avaient soigneusement organisé comme un
tutoriel sur mesure.
La réunion dans le
Tank, une salle de conférence
sécurisée au Pentagone, faisait partie
d’un effort pour soumettre
l’insurrection de Trump à la vision
militaire du monde. Mais l’explication
par les généraux de haut rang s’est
présentée comme une conférence qui a
immédiatement déplu à Trump :
Une première ligne
d'introduction a clignoté à l'écran,
donnant le ton : «L'ordre
international fondé sur des règles
d'après-guerre est le plus beau cadeau
de la plus grande génération.»
Mattis a ensuite donné un briefing de 20
minutes sur le pouvoir de l'OTAN pour
stabiliser l'Europe et garder les
États-Unis en sécurité. Bannon pensa en
lui-même : «Pas bon. Trump ne va pas
aimer ça du tout.» Le langage
internationaliste que Mattis utilisait a
été un déclencheur pour Trump. "Oh, baby, ça va
partir en couille," pensa Bannon [le
stratège en chef de la Maison Blanche,
Stephen K.]. "Si vous vous leviez et
menaciez de tirer sur lui [Trump], il ne
dirait pas 'c'est l'ordre
international fondé sur des règles
d'après-guerre'. Ce n'est tout
simplement pas sa façon de penser"
Bannon avait
raison. Des échauffourées verbales sur
l’OTAN, la Corée du Sud et les bases
américaines ont suivi. Ensuite, Trump
s’en est pris aux généraux :
"On nous doit de
l'argent que vous n'avez pas
collecté !", leur a dit Trump. "Vous
feriez totalement faillite si vous
deviez gérer votre propre entreprise."
La discussion s’est
portée vers la guerre en Afghanistan :
Trump a éclaté pour
relancer une autre plainte fréquente :
la guerre en Afghanistan, qui était
maintenant la plus longue guerre des
États-Unis. Il a demandé une explication
pour justifier pourquoi les États-Unis
n'avaient toujours pas gagné en
Afghanistan, 16 années après que la
nation a commencé à y combattre à la
suite des attentats terroristes du 11
septembre. Trump a déchaîné son mépris,
qualifiant l'Afghanistan de «guerre
de perdant». Cette phrase a flotté
dans l'air et a dégoûté non seulement
les chefs militaires à la table mais
aussi les hommes et les femmes en
uniforme assis le long du mur du fond
derrière leurs directeurs. Ils ont tous
juré d'obéir à leur commandant en chef
et, ici, il appelait la guerre qu'ils
avaient mené une guerre de perdants."Vous êtes tous
des perdants", a déclaré Trump.
"Vous ne savez plus comment gagner."
Quand on lit le
récent
témoignage au Congrès de
l’Inspecteur général spécial pour
l’Afghanistan, on peut voir que
Trump
a raison. La guerre est perdue
depuis longtemps et les militaires
mentent à ce sujet :
«Il y a une
odeur de mensonge dans toute la question
afghane... mensonge et orgueil», a
déclaré John F. Sopko dans son
témoignage devant le Comité des affaires
étrangères de la Chambre. «Le
problème est qu'il y a vraiment un
élément dissuasif pour dire la vérité.
Nous avons créé une incitation à presque
obliger les gens à mentir» ...«Quand on parle
de mensonge, quand on parle de mentir,
ce n'est pas seulement mentir à propos
d'un programme particulier. C'est mentir
par omission», a-t-il dit. «Il
s'avère que tout ce qui est une mauvaise
nouvelle a été classé au cours des
dernières années.»
La diatribe de
Trump lors de la rencontre avec les
généraux s’est
poursuivie :
Trump a songé à
destituer le général John Nicholson, le
commandant américain en charge des
troupes en Afghanistan. "Je ne pense
pas qu'il sache comment gagner", a
déclaré le président, attaquant
Nicholson, qui n'était pas présent à la
réunion. ..."Je veux gagner",
a-t-il déclaré. "Nous ne gagnons plus
de guerres... Nous dépensons
7 000 milliards de dollars, tous les
autres ont obtenu le pétrole et nous ne
gagnons plus jamais." ...
"Je n'irais pas
en guerre avec vous", a déclaré
Trump aux huiles galonnées.
S'adressant à la
pièce, le commandant en chef aboya :
"Vous êtes un tas d'andouilles et de
gonzesses."
Une engueulade de
sergent instructeur sur des recrues à
quatre étoiles. Je trouve cela assez
impressionnant. Ces
princes parfumés devaient être
furax.
Alors que certains
diront assurément que Trump a déshonoré
l’armée avec sa diatribe, la plupart des
soldats sur le terrain seront
probablement d’accord avec son opinion
sur leurs généraux.
La plupart des andouilles
et gonzesses qui se trouvaient dans
cette pièce ont depuis été licenciés ou
mis à la retraite. Leurs remplaçants
sont des béni-oui-oui plus au goût de
Trump. Ils n’ont même pas protesté
contre la dernière erreur de Trump. Il a
chichement loué quelques unités de
défense aérienne à l’Arabie saoudite et
a tranquillement assassiné Qassem
Soleimani en Irak alors que les bases
américaines ne disposaient plus de
défenses aériennes pour les protéger
contre les inévitables représailles.
Les dirigeants
anti-Trump de la partie exécutive du
triangle (le gouvernement) ont également
été supprimés et remplacés par des
personnes peu susceptibles de lutter
contre lui.
Le troisième côté
du triangle, la faction des entreprises,
est heureux que Trump ait pressé la Fed
d’inonder les marchés avec de l’argent
gratuit. À moins que l’inévitable krach
boursier ne survienne avant les
élections, ce qui est peu probable, ils
resteront du côté de Trump.
Avec les trois
côtés du triangle de pouvoir enclins à
le favoriser ou à rester neutres, Trump
semble avoir de bonnes chances de gagner
les prochaines élections.
Ceci à la condition
qu’il ne continue pas de suivre les
conseils des néocons avec un mauvais
palmarès, et ne commence, par pure
stupidité, une guerre contre l’Iran.
Moon of Alabama
Traduit par jj,
relu par Wayan pour le Saker Francophone
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