Algérie
Le corona virus
aidera-t-il le régime ?
Lahouari Addi
Samedi 14 mars 2020
En ce vendredi 56,
beaucoup d'Algériens sont sortis
manifester comme ils le font depuis plus
d'un an. Certains journalistes ont
remarqué que la mobilisation n'était pas
aussi forte que les mois précédents,
mais elle avait un seuil critique qui ne
permettait pas à la police de réprimer.
La police réprime des dizaines, voire
des centaines, pas des milliers de
personnes marchant pacifiquement. Malgré
les dangers de la pandémie qui s'annonce
mondiale, les Algériens ont manifesté
pour dire leur détermination à vouloir
le changement de régime que leur
refusent les généraux. Sur les réseaux
sociaux un vif débat est engagé sur
l'opportunité de continuer à manifester
ou de suspendre momentanément la
protestation. L'Algérie n'a
officiellement recensé que quelques cas
avérés, dont deux décès, liés au corona
virus. Si la situation se dégrade, le
hirak trouvera probablement d'autres
formes pacifiques de protestation. Mais
celle-ci continuera quelque soit la
forme car elle est l'expression d'une
rupture définitive entre le régime et la
population. Le corona virus n'aidera pas
le régime car celui-ci sera encore plus
rejeté compte tenu de l'état des
hôpitaux qui ne sont pas pourvus pour
faire face à une situation de pandémie.
L'opulence financière des années
Bouteflika n'a pas profité aux hôpitaux
mais aux oligarques, amis des généraux
et de Bouteflika. Les millions de
dollars étaient dérobés au vu et au su
de tout le monde, comme si le Trésor
public était une caravane du Far West
attaqué à visage découvert par des
bandits sans foi ni loi.
Touchés dans leur
dignité, les Algériens se sont soulevés
pacifiquement un 22 février pour mettre
fin à cette gabegie, demandant un
changement de régime. Les généraux ont
répondu par mettre en prison une grande
partie de la façade civile du régime et
par organiser une élection d'un
président issu du gouvernement de
Bouteflika. Cela signifie que les
généraux, se tenant droits dans leurs
bottes, ne veulent pas de changement de
régime. La propagation du virus, si elle
venait à se produire, les aider-t-elle?
Non, car le système sanitaire défaillant
creusera encore plus le fossé entre le
régime et la population. Pour combattre
une telle pandémie, il faut que
l'infrastructure sanitaire soit de haut
niveau et que la population ait
confiance dans les dirigeants. Or ce
n'est pas le cas.
La baisse drastique
du prix du pétrole n'aide pas la
situation. Si ce régime n'a pas bien
géré le pays avec un prix du baril à
80-100 dollars, se demande la rue,
comment va-t-il faire pour le gérer avec
32 dollars ? Ce sont quand même les
mêmes personnes qui sont aux commandes
avant et après Bouteflika. Le régime n'a
ni les moyens politiques, ni les moyens
financiers pour sortir le pays de la
crise, aggravée par le corona virus et
la chute du prix du pétrole. Ce qu'il
faut, c'est des mesures concrètes qui
vont dans le sens de la transition, un
signe fort tel le retrait des généraux
du champ politique. La mise à la
retraite des généraux âgés de plus de 65
ans est un de ces signes, à côté de la
libération de tous les détenus
politiques. Pour affronter le corna
virus et la baisse du prix du pétrole,
il faut que la population ait confiance
en l'Etat. Or cette confiance manque
cruellement aujourd'hui. En attendant,
même si le hirak s'amenuisera pendant un
ou deux mois, il reprendra de plus belle
une fois la pandémie écartée. La crise
politique est structurelle et non
conjoncturelle. Il faut par conséquent
des réformes de structure et non des
accommodements de conjoncture.
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