Russie politics
Réécriture de l'histoire :
quand les
Etats-Unis s'attribuent la libération
du camp d'Auschwitz par l'armée soviétique
Karine Bechet-Golovko
Jeudi 30 janvier 2020
Les tentatives de
réécriture de l'histoire se multiplient
ces derniers temps sous l'effet de la
radicalisation du combat mené par le
Clan atlantiste, pour faire passer les
Etats-Unis d'une position dominante à un
monopole. Afin de justifier les
interventions militaires en dehors de
tout cadre légal, les régimes
d'occupation et d'expropriation menés
sur les territoires étrangers en
fonction des intérêts économiques et
stratégiques des Etats-Unis, il est
fondamental que le pays soit présenté
comme le seul représentant du Bien, le
reste ne pouvant alors qu'être le Mal
(en l'occurrence la Russie). En ce sens,
la Seconde Guerre mondiale doit être
réécrite au profit des Etats-Unis et
l'inculture grandissante actuelle
facilite la tâche. Chaque symbole est
attaqué, chaque épisode est retravaillé,
patiemment et constamment, jusqu'à
épuisement des résistances. Maintenant,
c'est au tour de la libération du camp
d'extermination d'Auschwitz-Birkenau par
l'armée soviétique, que les Etats-Unis
eux-même s'attribuent. Et ce n'est pas
une erreur, c'est une stratégie : face à
la résistance de la Russie, les
Etats-Unis doivent se mettre en
situation de monopole - sinon le monde
global ne peut être. Comme nous l'avions
écrit, les 75 ans de la libération du
camp d'extermination
d'Auschwitz-Birkenau par l'armée
soviétique, camp symbole de la barbarie
nazie, pose de plus en plus de problème
pour le système atlantiste global, en
pleine phase de radicalisation (voir
notre texte ici). Pour être global,
ce système ne peut se permettre la
concurrence politique des acteurs
majeurs, en l'occurrence les Etats-Unis
et la Russie. Sinon, le système n'est
plus global, mais multipolaire et les
Etats-Unis sont un centre comme un
autre. Un centre plus puissant que les
autres, certes, mais justement avec
d'autres centres politiques. Ce qui tue
alors le système global dans son essence
même.
Jusqu'à présent,
les Etats-Unis ne montaient pas trop au
front de la réécriture de l'histoire,
afin de ne pas perdre la face. Les
instances européennes, docilement,
déclaraient l'égalité entre le nazisme
et le communisme pour finir par déclarer
que l'URSS était responsable du
déclenchement de la guerre, quand c'est
elle qui s'est faite attaquée. En cause
le fameux Pacte Molotov-Ribbentrop
conclu par l'URSS en 1939 avec
l'Allemagne nazie, passant aux trapes de
l'histoire l'enchaînement des pactes
conclus par les pays européens avec
l'Allemagne nazie ou encore le refus de
la Grande-Bretagne et de la France de
s'allier à l'URSS pour lutter contre
l'Allemagne nazie (voir
en détail ici notre texte sur ces
différents pactes et leur enchaînement).
Rien de mieux que le confort de
l'hypocrisie pour les élites politiques,
qui finit par devenir inculture pour les
masses. La Pologne et l'Ukraine,
sans même parler des pays Baltes, sont
sur le devant de la scène de la négation
du rôle de l'URSS. Ils semblent avoir
été libérés "malgré eux" et la
résurgence du néonazisme pose des
questions. Sans oublier que la Pologne a
ouvert le bal des pactes, en 1934, ce
qui a finalement, si l'on pousse le
raisonnement européen sur le sujet,
ouvert la voie à la Seconde Guerre
mondiale. Autant que la faiblesse de la
France et de la Grande-Bretagne face à
la montée de l'Allemagne nazie, qui en
1933 entérinent le Pacte à Quatre. Leur
veulerie a joué un rôle déterminant. Il
est vrai, qu'alors, ils ont tous intérêt
à cette vision atlantiste de l'histoire.
Par intelligence
politique, les Etats-Unis sont longtemps
restés en retrait de ce mouvement, qui
ne peut s'appuyer que sur la dégradation
intellectuelle et culturelle des
populations, notamment grâce aux
diverses et variées réformes de
l'enseignement scolaire autant
qu'universitaire, et au financement
sélectif de la recherche dans le
supérieur.
Mais un pas a été
fait avec la libération du camp
d'extermination d'Auschwitz, que
l'Ambassade américaine au Dannemark
attribue ouvertement aux soldats
américains :
L'ambassade russe aux Etats-Unis a
déclaré qu'il s'agit d'une tentative
indigne de réécriture de l'histoire par
les Etats-Unis.
Le lendemain,
l'ambassade américaine publie un autre
post expliquant qu'elle a par
"inadvertance" (à l'insu de leur
plein gré?) attribué la libération
d'Auschwitz aux soldats américains, que
bien sûr ce sont les troupes soviétiques
qui ont libéré Auschwitz. C'est très
freudien finalement.
Une erreur ? Non,
d'ailleurs le texte n'a pas été enlevé.
Plutôt une stratégie: une tentative en
ce sens a également été faite en
Allemagne, par le très célèbre (et
sérieux ?) magazine Spiegel :
Après les réactions
choquées des lecteurs, le
journal a rapidement réagi :
L’hebdomadaire le
plus lu d’Allemagne a rapidement
présenté ses excuses, qualifiant cette
erreur d’«extrêmement embarrassante» et
jugeant que la capture d'écran qui
circule sur les réseaux sociaux était
une «punition juste».
Dans ce cas, le
texte a été modifié. Mais il est certain
que ce ne sera pas la dernière
tentative, face à la résistance de la
Russie, le Clan atlantiste n'a plus le
choix.
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