Russie politics -
Billet jaune en passant
Eh bien non, Macron n'aura pas
fait
son coup d'Etat militaire
Karine Bechet-Golovko
Dimanche 24 mars 2019
L'on nous annonçait l'armée, l'ordre, la
force contre ce peuple jaune, qui
perturbe depuis trop longtemps le
shopping du week-end sans se résoudre à
prendre le pouvoir. Nous n'avons eu que
des dérapages hargneux de certains
individus, qui confondent milice et
police. Bien loin de l'ordre
républicain, qui implique l'Etat,
l'exercice du pouvoir. Ce pouvoir, tant
fantasmé, dont tous ont peur. Les appels
incessants au pacifisme permettent
d'étouffer le mouvement contestataire
encore plus efficacement que l'arsenal
législatif, car il brûle les intentions
de l'intérieur : nous faisons la
révolution en chanson, sans chanson et
sans révolution. Nous marchons
pacifiquement. Pour changer la société -
mais sans prendre le pouvoir. Le
Gouvernement ayant parfaitement compris
que, effectivement, les Gilets Jaunes ne
sont pas des révolutionnaires,
c'est-à-dire qu'ils ne détruiront pas
l'ordre existant par la force, ils ne
détruiront donc pas l'ordre existant.
Ainsi, les tarifs
de l'électricité seront finalement
augmentés, comme la fameuse taxe carbone
qui pourrait bien être restaurée. Le
Gouvernement a eu peur un instant, mais
puisqu'il n'y aura pas de révolution, il
n'y a pas de risque réel. La politique
peut donc continuer, les concessions
seront techniques, non point
fondamentales.
Les attaques contre
l'image du mouvement n'ont pas
fonctionné, le laisser-faire des
destructions par le Gouvernement, comme
l'a déclaré Castaner lui-même, n'a pas
dissuadé. L'infiltration avec des Black
blocs, bien aimés par le système
puisqu'ils en font partie, n'a pas
permis de désagréger le mouvement.
Donc,
l'intimidation directe par les forces de
l'ordre est le tournant dit
"sécuritaire" voulu par Macron. Sa
tentative de séduction nationale
ayant échouée, il se comporte de plus en
plus comme un amant écarté. Et l'on
obtient des chiffres effarants d'amendes
de 135 euros à tout-va pour
participation à la manifestation ou pour
porter un tee-shirt demandant le RIC.
Des chiffres surprenants de "contrôles
préventifs" supérieurs à Paris au
nombre officiel des manifestants selon
la Préfecture de Police (6 825 contrôles
pour 5 000 manifestants) sont lancés.
Soit la Préfecture de Police ment, soit
elle est dirigée par un nouveau Pinochet
- elle contrôle "préventivement" non
seulement tous les manifestants
"officiels", mais également près de deux
milliers de badauds.
Et au lieu de l'
"ordre républicain" dont parle
Castaner, l'on trouve des scènes qui
n'ont justement pas leur place dans une
République digne de ce nom. Sans compter
les attaques contre les journalistes,
qui deviennent le lot de ce qui commence
à dangereusement ressembler à une
milice, l'on voit aussi des "médecins de
rue", ces jeunes intervenants lors des
manifestations de Gilets Jaunes, devenir
la cible des forces de l'ordre. Ici,
gazés avant d'être frappés :
Ou encore, ils sont
embarqués pour un contrôle d'identité,
qui dure, qui dure, qui dure :
Sans même compter
cette image qui tourne en boucle et
résume parfaitement qui est "l'ennemi"
dans la police castanienne :
L'on commence à
voir des articles dans la
presse étrangère soulignant la
dérive autoritaire de Macron, quand elle
ne frise pas l'insulte :
Rassurez-vous, rien
de tel dans la presse française, les
journalistes ne se permettraient pas une
poussée d'indépendance. Celle-ci, au
contraire, s'extasie sur la relative
hausse de popularité du Président,
Jupiter est de retour :
A court terme,
c'est le jeu du sur-place.
Macron annonce
l'armée dans les rues, mais ne sort pas
les Blacks Blocs et seuls des
comportements hargneux de personnes qui
n'ont pas leur place dans les forces de
l'ordre sont à dénombrer, nous sommes
bien loin d'un "coup d'Etat militaire",
même post-moderne. Car pour
l'autoritarisme aussi il faut non
seulement du pouvoir, mais aussi avoir
le courage de l'exercer. Il ne s'agit
ici que de la vengeance du faible sur ce
qu'il ne peut contrôler.
Du côté des Gilets
Jaunes, la position n'est pas très
claire non plus, les revendications
disparates, parfois totalement dans la
ligne contemporaine (climat, LGBT, etc),
demanderait un peu plus de consensus.
Mais l'absence objective de pensée
alternative politique structurée
aujourd'hui et de leaders pour la portée
conduit ce mouvement à une certaine
stagnation, avec tous les risques de
récupération que cela comporte. Il
existe pourtant un véritable mouvement
de fond, avec une capacité de séisme
politique que l'on n'a pas vue depuis
longtemps. Mais chez les Gilets Jaunes
aussi l'on voit une peur du pouvoir, une
peur de l'exercer réellement. Une
autolimitation, car finalement, qu'en
faire de ce pouvoir sans leaders
politiques ?
C'est de cette
impasse que les Gilets Jaunes doivent
sortir pour prendre toute leur ampleur.
S'ils ne pourront pas le faire seuls,
ils sont l'impulsion nécessaire. Et
c'est en ce la qu'ils font tellement
peur, qu'ils dérangent à ce point.
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