Russie politics
Quand la Russie entend
constitutionnaliser
les valeurs
traditionnelles, BFM disjoncte
Karine Bechet-Golovko
Vendredi 6 mars 2020
BFM est très
inquiet, la Russie se prépare à inscrire
dans la Constitution que le mariage (faites
attention, vous allez avoir un choc)
est une union entre un homme et une
femme (ça va, toujours vivant?)
et va même, en cette période
néobolchévique hystérique, faire une
référence historique à la croyance en
Dieu dans le Préambule. Panique à bord,
mais quel exemple dé-plÔ-ra-ble la
Russie va encore donner au monde
progressiste et postmoderne ... Pourtant
BFM a tort, ce n'est pas "Poutine" qui
en est l'auteur, mais les représentants
de la société civile ... Une erreur
(volontaire?) de taille, qui veut
réduire la volonté d'une société à celle
de son président, afin de la
neutraliser. Car comment un peuple
pourrait aujourd'hui ne pas attendre
avec impatience la prochaine Gay pride,
évènement culturel (voire cultuel)
central ? La réforme
constitutionnelle a bien été initiée par
le Président russe, Vladimir Poutine,
mi-janvier, lors de son Message au
Parlement (voir
notre texte ici), dans lequel il
assume vouloir protéger la Russie d'une
ingérence extérieure et renforcer le
maillage institutionnel. La réaction de
l'opposition radicale ne s'est pas faite
attendre (voir
notre texte ici), comment oser ne
pas attester de la fin de la
souveraineté de ce pays honni au profit
d'une globalisation salvatrice? En
effet, quelle idée, que la Commission de
Venise va devoir examiner, avec la plus
grande difficulté - sur le plan
juridique. Car comment dire ouvertement
que les Etats n'ont plus le droit d'être
souverains ? Ou en tout cas, pas tous,
que certains élus ... (voir
notre texte ici).
Parallèlement, une
commission de la société civile a
travaillé et fait un nombre considérable
de propositions, notamment en ce qui
concerne les valeurs traditionnelles.
Elle a présenté ses propositions au
Président, toutes n'ont pas été
intégrées (certaines n'étaient pas
sérieuses), et ces projets d'amendements
ont été officiellement déposés par le
Président en complément du projet de loi
déposé, processuellement, comme des
amendements pour la deuxième lecture (il
y en a trois) devant la Douma. Il aurait
été possible de déposer un seul texte
comprenant, et les propositions
présidentielles, et celles de la
commission civile, mais le choix a été
fait d'une distinction entre les
éléments du projet de révision. Parmi
tout ce qui apparaît, deux éléments
symboliques font paniquer BFM, la voix
bien docile de son maître. Et
BFM d'écrire un peu vite, sans
manifestement comprendre (ou vouloir
comprendre) la procédure législative
russe :
Le président russe
Vladimir Poutine souhaite introduire la
mention de Dieu dans la Constitution et
inscrire qu'un mariage n'est possible
qu'entre un homme et une femme.
Le député Sergueï
Gavrilov, à la tête du comité de la
Douma pour le développement de la
société civile et pour les questions des
organisations sociales et religieuses
est le co-auteur de la proposition
d'amendements visant à intégrer dans le
préambule de la Constitution les valeurs
traditionnelles, respectées en Russie.
En ce qui concerne la mention de la
religion, le Patriarche avait émis cette
éventualité, une grande partie des
Russes étant croyants, et pas uniquement
les orthodoxes.
Donc, et
processuellement, et sur le fond, non,
l'initiative ne vient pas uniquement de
Poutine, simplement formellement il faut
bien que l'un des détenteurs du droit
d'initiative dépose le texte.
Il est vrai que
déjà
Poutine s'était prononcé
négativement en ce qui concerne le
développement de cette manie
particulièrement étrange de numéroter
les parents, pour ôter l'existence
juridique des pères et mères, et il n'a
fait qu'exprimer l'opinion de la société
russe. Les dérives totalitaires de nos
sociétés postmodernes, totalitaires dans
le sens premier du terme, c'est-à-dire
voulant changer l'homme de l'intérieur,
obligent à des réactions, presque de
survie, des sociétés encore extérieures
à cette vague. En ce sens, le député
Piotr Tolstoï estime qu'il est
fondamental d'inscrire la définition
du mariage comme l'union d'un homme et
d'une femme dans la Constitution
afin de poser une barrière
constitutionnelle à ces dérives.
En ce qui concerne
la référence à Dieu dans la
Constitution, si la Russie l'adopte,
elle ne sera pas une exception. Ces
références existent par exemple dans
la constitution allemande de 1949,
irlandaise de 1937, etc. Cette référence
est d'autant plus logique, qu'elle
s'inscrit dans une perspective
historique, celle de la construction du
pays et de la nation :
"La Fédération
de Russie, reposant sur une histoire
millénaire, protège la mémoire de ses
ancêtres, qui nous ont transmis leurs
idéaux et leur croyance en Dieu
(...)"
Mais ces éléments,
la famille et Dieu, sont absolument
inacceptables dans ce monde progressiste
et postmoderne, ne pouvant fonctionner
qu'avec une société atomisée et le culte
de l'individu, coupé de ses racines. Un
individu sans passé, donc sans avenir.
Même si BFM ne
partage pas ces valeurs traditionnelles,
l'on comprend parfaitement que sa
mission est justement de normaliser le
progressisme, il serait tout de même bon
de comprendre un minimum la procédure,
afin de ne pas tout réduire à 1) la
volonté de Poutine; contre 2) les
manifestants en la mémoire de Nemtsov et
contre la Constitution (qui, par
ailleurs, déclaraient devant caméra ne
pas avoir lu les amendements, mais être
contre).
Il est vrai qu'une
vision réductrice se vend mieux et
n'oblige pas au professionnalisme.
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