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Décodons DECODEX
Jacques Sapir
© Jacques
Sapir
Samedi 25 février 2017
Le site Web du journal Le Monde
vient de lancer, depuis le début du mois
de février, un « outil » nommé « Decodex ».
Cet outil est censé permettre à ses
utilisateurs de trier le faux du vrai
dans les différents sites. Nul ne
contestera ici la nécessité de vérifier
les sources. On pourrait penser que cet
outil serait une tentative honnête pour
aider le lecteur. Mais, elle s’avère, en
réalité, un outil idéologique servant à
la fois à l’autopromotion de ce journal
(ce que l’on peut comprendre sans
nécessairement l’approuver) mais aussi,
et c’est sur ce point que toute
l’opération est bien plus discutable, un
outil de tri idéologique. Prétendant
lutter contre ce que l’on appelle les « fake
news », soit la multiplication des
fausses nouvelles, les journalistes du
Monde n’ont rien eu de plus
pressé que de réinventer l’Index
du Vatican. A quand l’Imprimatur ?
Pour discuter du problème posé par
l’existence même de Decodex,
j’ai donc invité dans mon émission,
Les Chroniques de Jacques Sapir sur
Radio-Spoutnik, Mme Elisabeth
Levy, qui dirige le magasine Causeur
et Olivier Berruyer dont le site
internet
Les Crises, fait un travail
tout à fait remarquable, et avait été
classé en « rouge » par Decodex.
Decodex se présente donc comme
une application que chacun peut
utiliser. Une application qui, à l’heure
actuelle, n’a pas rencontré un grand
succès, n’ayant été téléchargée que 21
000 fois en plus de 15 jours. Cette
application classe les sites du vert
(garantie de « bonnes » informations) au
rouge (site réputé dangereux), avec la
couleur orange (site peu sérieux), ou
bleu (site parodique). Seulement, pour
faire fonctionner un système comme
Décodex, il faut au préalable
établir une liste de sites d’information
que l’on considère comme recommandables
ou non et surtout une liste de critères
qui permettent de jauger, et de juger,
de la crédibilité de tel ou tel. On
entre là dans un domaine ou joue à plein
la subjectivité idéologique des
journalistes du Monde. En
mettant les pastilles, qu’elles soient
vertes, oranges ou rouges, Le Monde
s’arroge un droit de jugement alors
qu’il est lui-même, et nul ne le lui
reproche par ailleurs, un journal
d’opinion, un journal qui défend ses
idées, mais des idées qui ne font
que représenter sa subjectivité. Ce qui
gène, ce qui choque même avec cette
création du Monde c’est que ce
journal se donne ainsi le rôle de
censeur du Web, de l’information en
ligne. Il s’approprie un pouvoir qui
pourrait, à l’extrême limite, relever
d’un comité indépendant, ou du CSA, mais
certainement pas d’un journal qui est un
acteur de cette sphère de
l’information et qui ne peut donc
prétendre à l’impartialité nécessaire
pour une telle fonction.
La dimension idéologique de
l’opération se révèle quand on se
promène un peu sur Décodex. On
constate que les sources de
l’établissement médiatique (les journaux
avec lesquels Le Monde a des
collaborations ouvertes ou implicites)
sont systématiquement en vert. Les
autres, sont en orange et en rouge, et
en particulier les sources dites
alternatives. Se révèle alors la
dimension « monopoliste » de
l’opération. Dans un monde ou le
journalisme traditionnel est contesté,
car chacun peut, à sa guise, créer un
site d’information, l’opération
Décodex apparaît comme une volonté
un peu puérile et clairement désespérée
de certains journalistes pour se
garantir le monopole de l’information.
Il eut été plus utiles, et plus
profitables à tous, que ces dits
journalistes s‘interrogent sur les
raisons de leurs pertes d’audience.
Retrouver la suite dans l’émission de
Radio-Spoutnik et le débat entre
Elisabeth Levy de Causeur et
Olivier Berruyer, animateur du
blog
Les Crises, à l’adresse suivante
https://www.youtube.com/watch?v=6_n23JkTAr0
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