RussEurope
L’Euro, les règles et la Démocrannie
Jacques Sapir
© Jacques
Sapir
Lundi 21 mars 2016
L’Euro est au cœur des
transformations politiques que connaît
la société française. Il en est ainsi
car l’Euro n’est pas simplement un
instrument financier, une monnaie. Il
est aussi, et peut-être même surtout, un
instrument pour discipliner les peuples,
et les contraindre à accepter les règles
de la financiarisation et du capital.
Mais, pour qu’il en soit ainsi, l’Euro
ne peut s’accommoder des principes de la
démocratie et de l’Etat social qui
régissent la France depuis 1946, comme
en témoigne le préambule de notre
Constitution. L’Euro doit donc, pour
fonctionner, retirer la souveraineté aux
peuples et la conférer à des entités
impersonnelles. Il doit emprunter le
chemin d’une dépolitisation des choix
politiques sous couvert de « choix
techniques », c’est à dire démanteler la
démocratie dans les pays qui l’ont
adopté. Cela conduit à une forme
particulière de la Tyrannie, soit un
pouvoir dépourvu de souveraineté et de
légitimité qui ne s’applique que par la
rigueur formelle de ses règles.
L’Euro et la
marche vers la Tyrannie
Le risque de dérive tyrannique est
présent au sein des régimes
démocratiques. Il est cependant tenu en
lisière par l’exercice du principe de
souveraineté par la représentation
populaire. Mais, avec la création de
l’Union Economique et Monétaire (UEM ou
EMU en anglais), c’est à dire ce que
l’on appelle dans le langage courant la
« zone Euro », un tournant a été franchi
dans la logique de perte de souveraineté
des Etats. Sous couvert de rationalité
économique, rationalité présentée comme
essentiellement technique,
c’est à une véritable dépossession du
pouvoir des peuples, et donc une
négation de la démocratie, à laquelle on
assiste sous couvert du discours
« libéral »[1].
A partir du moment où l’on retire à
des états la possibilité d’ajuster leurs
situations économiques par des
dépréciations (ou des appréciations) du
taux de change, et où l’on n’a pas
construit au préalable le cadre
d’importants transferts budgétaires
entre ces pays, l’effort d’ajustement
est d’une part obligatoire au sein d’une
union monétaire et, d’autre part, ne
peut reposer que sur le facteur
travail. Autrement dit, un gouvernement
s’engageant dans une union monétaire se
voit naturellement dépossédé de sa
souveraineté que ce soit dans le domaine
budgétaire ou dans la politique sociale.
Cette pente est devenue évidente à
partir du moment où l’Euro lui-même
s’est trouvé fortement contesté, et en
réalité en crise. Il faut ici se
souvenir de ce qu’un économiste grec a
pu récemment écrire : « La
souveraineté nationale et populaire est
indispensable à la démocratie. La
démocratie recule quand dominent les
mécanismes supranationaux de l’UE et de
l’UEM. Nous avons besoin d’un contrôle
démocratique plus important pour nos
pays et d’une démocratie émancipée avec
une participation populaire directe »[2].
Il convient de comprendre comment des
mécanismes que l’on présente comme
économiques peuvent avoir des
conséquences aussi désastreuses dans la
sphère politique, mais aussi dans la
sphère sociale. Car, ce qui se dessine
devant nous est sans nul doute la plus
effrayante régression du droit social,
comme on l’a vu à la fin de cet hiver en
France avec la « Loi Travail » ou « Loi
El Khomri », mais aussi de la démocratie
que l’on ait connue en Europe depuis
1945. Ce que la rend d’ailleurs d’autant
plus effrayante est qu’elle ne procède
pas de la violence des armes mais de
celle, plus subtile mais non moins
réelle, des règles[3].
Les systèmes politiques démocratiques
qui avaient émergés en Europe
occidentale depuis la fin de la seconde
guerre mondiale sont ainsi durablement
corrodés par les dimensions
patrimoniales mais aussi par la
tentation bureaucratique, celle qui
s’exprime dans la formule de la
démocratie sans le peuple, ou
« démocratie sans demos »[4].
Derrière la façade d’une stricte
légalité, mais désormais déconnectée de
tout lien avec la légitimité,
se dévoile le masque d’une forme
particulière de la Tyrannie, le
Tyrannus ab Exertitio.
L’origine du
« gouvernement des règles »
Le « gouvernement par les règles »
représentait, il est vrai, un vieil
objectif de l’Allemagne[5],
objectif qui trouve son origine dans
l’idéologie de l’ordolibéralisme.
C’est cet objectif qu’elle a pu mettre
en œuvre avec l’UEM[6].
L’Union Economique et Monétaire
découle du « Traité de
Maastricht », signé le 7 février 1992 et
qui fut ratifié par une courte majorité
à un référendum qui se tient en France
en septembre 1992. Dans ce traité était
défini une « union monétaire » à
laquelle les pays signataires devaient
se « qualifier » par des contraintes
portante sur l’importance du déficit
budgétaire (règle des « 3% ») ou sur la
dette publique. Ceci fut confirmé par le
Pacte de stabilité et de croissance,
ou PSC, pacte qui fut adopté
lors du sommet d’Amsterdam le 17 juin
1999[7],
et qui désigne un ensemble de critères
que les États de l’UEM se sont engagés à
respecter vis-à-vis de leurs
partenaires. C’est l’instrument qui
fonde en droit les diverses mesures qui
seront prises par la suite pour ériger
des règles supranationales dans le
domaine budgétaire. En effet, si ce
domaine reste en théorie de la
compétence nationale, un système
d’alerte rapide permet au Conseil
réunissant les ministres de l’Économie
et des finances de l’Union, ce que l’on
appelle le conseil ECOFIN, d’adresser
une recommandation à un État en cas de
dérapage budgétaire permanent. Le
PSC reconnaissait l’existence de
situations transitoires dans lesquelles
les règles fixées ne pouvaient
s’appliquer. Néanmoins, il constitue la
première pierre dans la perte de la
souveraineté budgétaire des Etats. En
effet, le Conseil ECOFIN peut adresser
alors des recommandations pour que
l’État ne respectant pas les clauses du
traité mette fin à cette situation. Si
tel n’est pas le cas, ce Conseil peut
prendre des sanctions : dépôt auprès de
la
BCE qui peut devenir une amende (de
0,2 à 0,5 % PIB de l’État en question)
si le déficit excessif n’est pas comblé.
Cependant, dans les faits, cette
procédure joua peu car les différents
pays de l’UEM se sont régulièrement
trouvés dans des situations où ils
étaient incapables de respecter les
diverses limites. Mais, le non-respect
des règles établies par le PSC
ne satisfaisait pas l’Allemagne, qui
voulait imposer ce qu’elle appelle un
« gouvernement des règles ». Aussi, les
22 et 23 mars 2005, les chefs d’États et
de gouvernements de l’Union européenne
décidèrent de réviser le Pacte de
Stabilité et de Croissance et de le
rendre plus restrictif. Selon la
nouvelle mouture du pacte, les États
membres doivent toujours maintenir leur
déficit et leur dette publique en
dessous des seuils fixés respectivement
à 3 % et à 60 % du PIB. Cependant les
conditions du pacte furent à nouveau
assouplies sur plusieurs points à la
demande de pays comme la France et
l’Italie : les États membres ont obtenu
ainsi d’échapper à la « procédure de
déficit excessif » dès lors qu’ils
se trouvent en situation de récession
alors que cette exemption n’était
jusqu’alors valable que pour les États
frappés par une crise de croissance
sévère (entraînant une perte
supérieure ou égale à 2 points de PIB).
La décision d’engager une procédure de
déficit excessif ne devant en outre être
prise qu’après examen d’un certain
nombre de « facteurs pertinents »,
susceptibles d’entraîner la suspension
de la procédure, et les délais seront
également allongés. Il est clair que les
gouvernements de divers pays de l’UE ont
cherché à obtenir des assouplissements
quant aux conditions de mise en œuvre du
PSC mais sans en contester le
fond.
On notera toutefois que la réforme du
PSC de mars 2005 constitue un simple
accord politique, puisque le Conseil
européen n’a pas compétence pour
modifier un règlement du
Conseil de l’Union européenne. Les deux
règlements du 7 juillet 1997 fondant le
PSC demeurent donc toujours en vigueur
dans leur rédaction initiale.
L’émergence
de la « structure disciplinaire » de la
zone Euro
La crise financière de 2007-2008
entraîna une crise latente de l’UEM.
Elle constituait le type même de « choc
exogène » que l’UEM, du fait de son
déséquilibre, était dans l’incapacité de
gérer[8].
La montée de la crise des dettes
publiques (en Grèce, mais aussi en
Espagne, au Portugal et en Italie)
provoqua, alors, la mise en œuvre d’un
ensemble de cinq règlements et d’une
directive proposés par la Commission
européenne et approuvés par les 27 États
membres et le Parlement européen en
octobre 2011. On appelle cet ensemble le
« Six-Pack »[9].
Les États doivent désormais avoir un
objectif à moyen terme (OMT) qui
permet de garantir la viabilité des
finances publiques. Celui-ci, qui
consiste à prévoir un retour à
l’équilibre structurel des comptes
publics (déficit structurel limité à 1 %
du PIB) est défini par la Commission
européenne pour chaque État. Les pays
qui ont une dette qui dépasse 60 % du
PIB feront l’objet d’une PDE (ou « procédure
de déficit excessif ») s’ils ne
réduisent pas d’un vingtième par an (sur
une moyenne de trois ans) l’écart entre
leur taux d’endettement et la valeur de
référence de 60 %. Si les pays qui sont
en procédure de déficit excessif
(PDE) (23 sur 27 pays en décembre 2011)
ne se conforment pas aux recommandations
que le Conseil leur a adressées, le
Conseil, sur recommandation de la
Commission Européenne leur
adressera des sanctions, sauf si une
majorité qualifiée d’États s’y oppose,
procédure nouvelle au sein de l’UE et
que l’on appelle la règle de « majorité
inversée »[10].
Au-delà de cette procédure, qui
n’exige plus un vote « positif » pour
l’adoption des sanctions, le
« Six-Pack »contient toute une série de
mesures extrêmement contraignantes dans
le domaine macroéconomique. Ainsi, une
procédure pour déséquilibre excessif
pourrait désormais être lancée et des
sanctions être prises à l’encontre des
États sur une série d’indicateurs qui
sont[11] :
une moyenne mobile sur trois ans de la
balance des transactions courantes en
pourcentage du PIB, une évolution des
parts de marché à l’exportation, ou
encore une évolution sur trois ans des
coûts unitaires nominaux de la
main-d’œuvre (procédure qui pourrait
être utilisée contre le gouvernement
français en cas de refus de la loi « El
Khomri »). On compte aussi parmi ces
indicateurs la variation sur trois ans
des taux de change réels effectifs par
rapport à 35 autres pays industriels, la
dette du secteur privé en % du PIB
(seuil de 160 %), le flux de crédit dans
le secteur privé en % du PIB (seuil de
15 %) et les variations en glissement
annuel des prix de l’immobilier par
rapport à un déflateur de la
consommation calculé par Eurostat, enfin
la dette du secteur des administrations
publiques en % du PIB.
On voit que le cadre disciplinaire
induit par l’Euro était déjà bien mis en
place à la fin de 2011. Pourtant, c’est
avec le Traité sur la Stabilité, la
Coopération et la Gouvernance,
traité qui fut négocié par Nicolas
Sarkozy et Angela Merkel, mais qui fut
ratifié sous la présidence de François
Hollande en octobre 2012, que l’on a
franchi un cap décisif.
Le TSCG et
ses conséquences
Ce pacte budgétaire européen, qui est
officiellement appelé Traité sur la
Stabilité, la Coordination et la
Gouvernance (plus connu par ses
initiales de TSCG), est un mécanisme sur
lequel se sont accordés 25 des 28 États
membres de l’Union européenne[12].
Il s’inscrit dans une logique
institutionnelle qui est cependant
différente de celle du précédent
Pacte de Stabilité et de Croissance
de 1997. En effet, il se place dans une
perspective plus intergouvernementale et
ne concerne prioritairement que
les pays de la zone euro. Certains pays
(le Royaume-Uni ou la République
tchèque) qui ne font pas partie de la
zone Euro ne l’ont d’ailleurs pas signé.
Le Pacte de Stabilité et de
Croissance, qui appartient, lui, au
domaine communautaire, s’applique
légalement à l’ensemble des
États-membres de l’Union européenne. Le
Traité sur la Stabilité, la
Coordination et la Gouvernance
charge la Commission européenne de
veiller à la mise en application des
règles adoptées en proposant un
calendrier de convergence aux États
signataires. En cela, il marque une
étape importante dans le processus de
transfert de la souveraineté à la
Commission européenne, qui, il faut le
rappeler, est un organisme non élu
et de fait irresponsable devant
le Parlement européen. Le Traité sur
la Stabilité, la Coordination et la
Gouvernance correspond donc bien à
une étape décisive dans le processus qui
tend à priver les Etats souverain de
leur souveraineté. Avec ce traité, une
partie importante des compétences
budgétaires, qui sont au fondement même
de la démocratie, est retirée au
Parlement français (ainsi qu’à celui des
divers pays membres de la zone Euro).
Par ce traité, l’Union européenne a donc
réussi le coup de force qui a abouti,
sous des apparences purement
techniques à retirer du champ du
débat politique le politique économique
et sociale d’un pays. C’est donc un
événement extraordinairement grave dans
la vie politique de nos pays, mais aussi
dans celle des différents pays
signataires, qui constitue une remise en
cause radicale de l’ordre démocratique
(et social) qui régnait depuis 1944 et
la libération du territoire.
De la
Démocrannie
Le terme de Démocrannie
décrit, alors, cette nouvelle situation
dans laquelle nous évoluons en raison de
l’Euro. Il recouvre une réalité décrite
dès l’antiquité tardive par Augustin, le
Tyrannus ab Exercitio, soit le
tyran qui, arrivé de manière « juste »
au pouvoir fait un usage « injuste » de
ce dernier[13].
On pourrait se demander pourquoi créer
un nouveau terme alors que celui de « Démocrature »
(mélange de Démocratie et de Dictature)
se repend. Aujourd’hui, les termes de
« dictateur » et de « tyran » sont
utilisés comme des quasi-synonymes dans
le langage courant. Mais, ceci ne
renvoie pas à l’usage savant de ces
termes.
Dans le langage « savant » de la
philosophie politique et de la science
politique, le dictateur (et la
« dictature ») est un personnage qui
appartient à l’arc démocratique[14].
A Rome, il était désigné, pour une
période limitée, par les deux consuls[15].
La « dictature » signifie que les formes
du pouvoir (la « justice ») ne sont pas
nécessairement respectées, mais que ce
pouvoir reste fondamentalement
« juste », ou définit en « justesse ».
Un dictateur peut enfreindre la loi
parce que les évènements l’imposent.
C’est à cet usage que se rattache
l’adage « nécessité fait loi »[16].
C’est l’existence d’une situation
exceptionnelle, de ce que les juristes
appellent le cas d’« extremus
necessitatis », qui est citée par
Bodin comme relevant le souverain de
l’observation régulière de la loi[17].
Mais, s’il enfreint la loi, c’est bien
pour en assurer son rétablissement
ultérieur. Au contraire, le Tyran fait
un usage « injuste » des moyens qui sont
à sa disposition, que cet usage implique
la violence (ce qui est souvent le cas)
ou pas. L’observation d’Augustin et son
étude des textes anciens, l’avait
conduit à distinguer deux formes de
tyrannies, celle ou le Tyran arrive au
pouvoir après un coup d’état (Tyrannus
absque Titulo) et celle où, arrivé
au pouvoir dans des formes légales, il
fait dériver son pouvoir en tyrannie (Tirannus
ab Exercitio). C’est bien à ce
deuxième processus que se réfère le
néologisme de Démocrannie.
On peut aussi faire référence au
concept de « post-démocratie », qui fut
utilisé par Emmanuel Todd[18],
ou suggérer l’emploi du terme oligarchie
pour désigner le pouvoir actuel. La
notion de « post-démocratie »
décrit un état de fait et ne s’intéresse
pas à la dynamique politique qui s’est
mise en place à partir du moment où nous
avons accepté d’être gouvernés pour
partie par des règles et non par du
politique. De même, le terme
d’oligarchie, qui est de plus en plus
utilisé, est purement descriptif. Il
décrit la collusion grandissante entre
les administrateurs d’Etat (ce que Weber
appelle les « bureaucrates » sans aucune
connotation péjorative[19]),
le monde des affaires (la finance plus
que de l’industrie) et le monde des
médias. Cette collusion est
significative du glissement vers un
« Etat collusif », qui est l’un des
formes de la destruction de la
Démocratie à laquelle on assiste
aujourd’hui. Mais, ce terme n’est pas un
concept explicatif. Surtout, il laisse
dans l’ombre une dimension importante,
celle du « gouvernement par les règles »
qui est la forme concrète de la Tyrannie
qui se met aujourd’hui en place. Le
projet est ancien[20],
et j’ai rappelé dans mon récent ouvrage[21]
son origine qui se trouve dans la
théorie du « constitutionalisme
économique » mais aussi dans le projet
de « dépolitisation » de la politique[22].
Ce projet trouve son origine dans les
bases intellectuelles du
néo-libéralisme. Telle était la thèse de
mon livre de 2002 sur Les
économistes contre la démocratie[23].
La
Démocrannie et le rôle joué par l’Euro
L’obsession pour la rule by law
(i.e. la légalité formelle) qui
caractérise aujourd’hui les institutions
européennes et la fidélité au texte
tournent bien souvent à l’avantage des
politiques du pouvoir et ce quelles
qu’elles soient. La légalité formelle ne
peut donc garantir la Démocratie et
Dyzenhaus évoque les perversions du
système légal de l’Apartheid[24]
en rappelant que cette jurisprudence
avilissante tenait moins aux convictions
racistes des juges sud-africains qu’à
leur « positivisme»[25].
Dans son principe, ce positivisme
représente une tentative pour dépasser
le dualisme de la norme et de
l’exception. Mais on voit bien que c’est
une tentative insuffisante et
superficielle. Il ne peut y avoir de
véritable démocratie que celle qui
reconnaît le principe de légitimité (l’auctoritas[26])
et qui pour cela se fonde sur le
principe de la souveraineté.
Ce qui fait problème aujourd’hui, et
ce qui nécessite l’usage du néologisme
de Démocrannie, est donc le lent et
presque imperceptible glissement de
l’Etat démocratique, comme point
d’équilibre entre la légitimité
démocratique et la légitimité
bureaucratique, vers l’Etat collusif. De
ce point de vue, la « Démocrannie » est
un processus fort différent des coups
d’état d’antan. Elle permet de penser
une situation où l’on serait tout aussi
asservi que si les chars du Tyran
patrouillaient les rues de nos villes,
et même un peu plus car pour arriver à
cette situation nul char n’a eu besoin
de prendre la rue. La force de la
composante tyrannique dans la « Démocrannie »
provient de ce qu’elle s’avance masquée
par le respect formel des règles de la
Démocratie (mais certes pas de son
esprit).
Il nous faut aussi constater le rôle
décisif joué par l’Euro dans ce
processus. La négation sans cesse plus
avérée de la légitimité démocratique,
que ce soit dans les réactions au rejet
lors du référendum de 2005 du projet de
traité constitutionnel européen ou que
ce soit lors du référendum grec du 5
juillet 2015, transforme et menace la
communauté politique de destruction.
Cette menace prend comme forme
l’idéologie de la naturalisation de la
politique qui s’impose désormais contre
les peuples, hier en Grèce et
aujourd’hui en France.
Notes
[1] Bellamy R., “Dethroning Politics:
Liberalism, Constitutionalism and
Democracy in the Thought of F.A. Hayek”,
in British Journal of Political
science, vol. 24, part. 4, Octobre
1994, pp. 419-441.
[2] Lapavitsas C. « Exigeons la
souveraineté », 5 mars 2016,
http://unitepopulaire-fr.org/2016/03/05/exigeons-la-souverainete-lapavitsas/
[3] Voir Sapir J. Les
économistes contre la démocratie,
Paris, Albin Michel, 2002.
[4] Colliot-Thélène C., La
démocratie sans Demos, Paris, PUF,
2011.
[5] Labrousse Agnès & Weisz
Jean-Daniel (dir.) : Institutional
Economics in France and Germany. German
Ordoliberalism vs. the French Regulation
School, Berlin-New York : Julius
Springer, 384 p, 2001
[6] Sapir J. Faut-il sortir de
l’Euro ?, Paris, Le Seuil, 2012.
[7] « Qu’est-ce que le Pacte de
Stabilité et de Croissance », 1er
juillet 2013,
http://www.vie-publique.fr/decouverte-institutions/union-europeenne/action/euro/qu-est-ce-que-pacte-stabilite-croissance.html
[8] Sapir J. « La Crise de l’Euro :
erreurs et impasses de l’Européisme » in
Perspectives Républicaines,
n°2, Juin 2006, pp. 69-84.
[9] Contre la Cour, « Gouvernance
européenne, souverainetés et faillite
démocratique », 5 septembre 2014,
http://www.contrelacour.fr/gouvernance-europeenne-souverainetes-faillite-democratique/
[10] Voir Commission Européenne, 12
décembre 2011, « EU Economic governance
« Six-Pack » enters into force »,
http://europa.eu/rapid/press-release_MEMO-11-898_en.htm
[11]
http://www.europarl.europa.eu/sides/getDoc.do?type=TA&reference=P7-TA-2011-0421&language=FR&ring=A7-2011-0178
[12] Traité sur la Stabilité, la
Coordination et la Gouvernance au sein
de l’Union économique et monétaire, 25
p. (lire en ligne (http://european-council.europa.eu/media/639232/08_-_tscg.fr.12.pdf))
[13] Saint Augustin, Œuvres,
sous la direction de Lucien Jerphagnon,
vol. II, Paris, Gallimard, « La Péiade »,
1998-2002.
[14] Voir la réflexion sur l’état
d’urgence dans mon ouvrage,
Légitimité, Démocratie, Laïcité,
publié en 2016, à Paris, aux éditions
Michalon.
[15] Rougé J., Les institutions
romaines : De la Rome royale à la Rome
chrétienne, Armand Collin,
coll. « Histoire ancienne », 1991,
251 p..
[16] Se dit aussi, dans une forme
plus juridique : « Dans un besoin ou un
péril extrême, on peut se soustraire à
toutes les obligations
conventionnelles ». Voir Cassella S., La
Nécessité en Droit International:
De L’état de
Nécessité Aux Situations de nécessité,
Martinus Nijhoff Publishers, 2011 –
577 p., p. 5 et 6.
[17] Bodin J., Les Six Livres de
la République, (1575), Librairie
générale française, Paris, Le livre de
poche, LP17, n° 4619. Classiques de la
philosophie, 1993.
[18] Todd E., Après la
Démocratie, Paris, Gallimard, 2008.
[19] Weber, M., Le savant et le
Politique, trad. J. Freund, Plon,
Paris, 1959.
[20] Et l’un de ses protagonistes
est le publiciste Elie Cohen, E. Cohen,
L’ordre économique mondial – Essai
sur les autorités de régulation,
Fayard, Paris, 2001.
[21] Sapir J., Souveraineté,
Démocratie, Laïcité, op.cit..
[22] Bellamy R., (1994). « ‘Dethroning
Politics’: Liberalism, Constitutionalism
and Democracy in the Thought of F. A.
Hayek », op.cit..
[23] Sapir J., Les économistes
contre la démocratie, op.cit.
[24] Dyzenhaus D, Hard Cases in
Wicked Legal Systems. South African Law
in the Perspective of Legal Philosophy,
Oxford, Clarendon Press, 1991.
[25] Dyzenhaus D., The
Constitution of Law. Legality In a Time
of Emergency, Cambridge University
Press, Londres-New York, 2006., p. 22.
[26] Deniaux E., Rome, de la
Cité-État à l’Empire : Institutions et
vie politique, Hachette, 2001,
256 p..
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