RussEurope-en-Exil
L’affaire Benalla et l’histoire
romaine
Jacques Sapir
© Jacques
Sapir
Vendredi 3 août 2018
L’affaire Benalla a suscité de nombreux
commentaires. Certains se concentrent
sur ce que nous dit cette affaire sur
l’usage du pouvoir par Emmanuel Macron.
Ce n’est pas faux. Mais, cette affaire
n’est pas le symptôme d’une souveraineté
« devenue folle » comme l’a écrit
Fréderic Lordon[1].
C’est, au contraire, le symptôme d’une
tentative de mise en surplomb d’un
pouvoir à faible légitimité par un
détournement de souveraineté, ou plus
précisément un détournement de
l’apparence de la souveraineté par la
Président de la République. En cela,
effectivement, cette affaire est
révélatrice d’une dérive du pouvoir.
Cette dérive devient d’ailleurs, chaque
jour, plus évidente.
Car, au-delà des
actes délictueux commis par Alexandre
Benalla (les coups et blessures
multiples, l’usurpation de fonction), il
y a bien sûr les actes qui ont visé à
faire obstruction à la justice et à
camoufler cette affaire et toutes ses
implications. De fait, ce que l’action
du pouvoir, et disons le celle
d’Emmanuel Macron, donne à voir c’est
bien un processus d’appropriation de
l’apparence de la souveraineté. Ce
processus se combine alors avec un
processus d’autonomisation vis-à-vis des
conflits politiques et sociaux, avec la
construction d’un pouvoir en surplomb de
la société.
Ce n’est pas la
première fois dans l’histoire que cela
se produit. Mais, ce double mouvement
d’appropriation de l’apparence de la
souveraineté et d’autonomisation du
pouvoir par rapport aux conflits et aux
institutions a toujours correspondu à un
moment de grave crise politique sur fond
de crise sociale devenue ingérable. En
un sens Emmanuel Macron est tout autant
acteur de ce double mouvement que
symptôme de la crise profonde qui
l’engendre. Mais, à chaque fois, les
conséquences de ces actions furent
dramatiques.
Une souveraineté
devenue folle ?
Fréderic Lordon
écrit dans son texte publié le 23
juillet sur le blog du Monde
Diplomatique : « Assez curieusement,
on pourrait y voir aussi, et plus
classiquement, une parfaite illustration
de la souveraineté devenue folle,
c’est-à-dire en fait se comprenant
elle-même dans la pureté de son concept,
comme puissance absolue et absolument
déliée, n’ayant à répondre de rien à
personne, faisant valoir l’arbitraire de
sa volonté comme acte politique par
construction licite, le pur « je veux »
d’un pouvoir complètement désorbité.
» On comprend bien ce à quoi il pense,
le fameux « l’Etat c’est moi » attribué
à Louis XIV, ou le « car tel est mon bon
plaisir », bref l’expression d’une
puissance absolue qui n’a à répondre de
rien à personne. Et, il n’est pas peu
probable que ce sentiment de toute
puissance habite Emmanuel Macron. Ce
sentiment s’enracine dans une culture de
l’impunité, ce qu’a très bien démonté
Régis de Castelnau sur son blog « Vu du
droit » le 19 juillet[2].
Pourtant, sur ce point, Frédéric Lordon
se trompe, tant sur le registre des
actes que sur ce qu’ils révèlent
Il convient donc de
faire remarquer à Fréderic Lordon qu’il
n’y a pas de souveraineté « raisonnable
» comme il n’y a pas de souveraineté «
folle ». De la même manière qu’il n’y a
pas de souveraineté de « droite » ou de
« gauche ». Poser déjà la question en
ces termes montre que l’on n’a pas
compris ce qu’est la souveraineté. Car,
la souveraineté c’est la capacité à
faire des lois en temps normal, et à
décider de l’urgence et dans l’urgence,
dans les temps exceptionnel[3].
Il y a, par contre, des usages de la
souveraineté, dont certains sont
critiquables et d’autres admirables.
Pourtant, dans le comportement
d’Emmanuel Macron, et encore plus dans
son discours devant les députés du
groupe LREM le 23 juillet[4],
discours dont Fréderic Lordon ne pouvait
avoir connaissance quand il écrivit son
texte, on pourrait effectivement voir un
usage « fou » du concept de
souveraineté, comme dans le cas de
Caligula[5].
Il faut s’attacher aux mots qu’utilise
Francis Parny, sur son blog dans
Mediapart pour dresser un parallèle
entre Caligula et Macron : « …car que
penser de ce président du
foot-mondial-France ? Pas seulement à
cause de ses pitreries dans la tribune
présidentielle du stade de Moscou. Ces
gesticulations ont un sens. Il veut
montrer qu’il aime, qu’il est
enthousiaste. Mais ce faisant il
s’approprie personnellement la victoire,
pour son seul plaisir, et à la seule
démonstration publique de ce plaisir. «
Je suis heureux », je veux le dire aux
joueurs, je les veux pour moi et tant
pis s’ils ne font que passer fugacement
sur les Champs-Élysées au contact du
peuple. Jupiter a découvert – tel
Caligula – que les empereurs meurent
aussi et peuvent mourir malheureux.
Alors il veut dire haut et fort qu’il
gouverne pour son plaisir quitte à
provoquer le peuple ». C’est assez
bien vu. Et cela renvoie à la question
de la dignité de celui qui est le
dépositaire de la souveraineté. Or,
cette question avait effectivement une
certaine importance à Rome…
L’empereur,
symbole de la toute puissance ?
Puisque l’on a fait
référence à Caligula, cela à revenir à
l’usage de la souveraineté par les
empereurs romains, et plus généralement
à cette généalogie de la souveraineté
dans le monde romain, dont nous sommes
les héritiers. On présente souvent les
empereurs romains comme des souverains
tout puissants. C’est oublier un peu
vite d’où leur vient la souveraineté.
Ainsi, dans la loi d’investiture de
Vespasien (69-79 de notre ère), la
Lex de imperio Vespasiani, la
ratification des actes de l’empereur
avant son investiture formelle est dite
« comme si tout avait été accompli au
nom du peuple »
[6]. On perçoit que
l’origine de la souveraineté réside dans
le peuple, même si ce dernier en a
délégué l’exercice à l’empereur. On peut
assurément relever la présence dans
cette loi d’investiture d’une clause
discrétionnaire, qui autorise l’empereur
à agir « hors des lois » dans l’intérêt
et pour la majesté de l’État. Mais on
peut aussi considérer cela comme une
première formulation de l’état
d’exception. D’ailleurs Paolo Frezza
parle de la « potestas nouvelle
et extraordinaire » de l’empereur[7].
Bretone lui oppose
cependant le sens profond de cette
clause discrétionnaire, qui peut être
l’origine d’un pouvoir autocratique[8],
et conclut : « la subordination du
souverain à l’ordre légal est
volontaire, seule sa ‘majesté’ pouvant
lui faire ressentir comme une obligation
un tel choix, qui demeure libre »
[9]. De fait,
l’empereur réunit dans ses mains tant la
potestas que l’auctoritas[10].
S’y ajoute l’imperium, que
détenaient avant lui les magistrats
républicains. On pourrait croire que
cela clôt le débat, une subordination
volontaire n’étant pas une
subordination.
Mais, la phrase de
Bretone, quand il écrit, « seule sa
‘majesté’ pouvant lui faire ressentir
comme une obligation », invite à
réflexion. Elle peut signifier qu’un
empereur qui violerait les lois
existantes pour son seul « bon plaisir »
et non dans l’intérêt de l’État,
perdrait alors la « majesté » (maiesta)
qui accompagne l’imperium. Dans
ce cas son assassinat deviendrait licite
car le « dictateur » se serait mué en «
tyran ». Et l’on sait que nombre
d’empereurs sont morts assassinés, ou
ont été contraints de se suicider. On
pense entre autres à Néron ou à
Caligula. L’empereur est donc un
dictateur, au sens romain du terme, qui
peut s’affranchir de la légalité si
nécessaire pour le bien de l’État et du
« peuple » dans ce que l’on appelle des
cas d’extremus necesitatis
[11], mais il ne
dispose pas de ce pouvoir de manière «
libre » comme le dit Bretone. Il doit en
justifier l’usage, quitte à se faire
assassiner.
On voit bien ici ce
que le parallèle avec la Rome antique
nous dit sur Emmanuel Macron. De
nombreux commentateurs se sont ainsi
saisis de certains comportements
d’Emmanuel Macron, en particulier par
rapport au Général de Villiers, ou de
ces déclarations (les « gens qui ne sont
riens » ou les « fainéants »), qu’ils
soient politiques ou non (comme lors de
la fête de la musique ou de la réception
de l’équipe de France après sa victoire
à la coupe du monde), pour instruire un
procès en indignité[12].
D’autres comportements, comme justement
la déclaration qu’il fit au soir du 23
juillet, peuvent donner le sentiment
qu’il agit porté par un sentiment de
toute puissance. Néanmoins, on passerait
ce faisant à côté de l’essentiel ;
problème n’est pas là. Le problème n’est
donc pas le « mauvais » usage, voire
l’usage dégradant, que Macron fait de la
fonction de Président, et donc
implicitement de la souveraineté. Le
problème réside bien plus dans la
captation de la souveraineté à laquelle
il se livre.
Macron :
Caligula ou Sylla?
On peut donc
montrer ce qui dans le comportement
d’Emmanuel Macron rappelle le personnage
de Caligula, en particulier celui de la
pièce d’Albert Camus[13].
Mais, tracer un parallèle entre le
comportement de Macron dans l’affaire
Benalla et Caligula, que ce soit le
véritable[14]
ou le romancé, c’est faire fausse route.
Régis de Castelnau, encore lui, pointe
le fait que Macron est à la fois un
symptôme et un instrument dans
l’autonomisation du « bloc bourgeois »
qui domine la France[15].
L’opération qui a été réussie par
certains des dirigeants de ce « bloc
bourgeois » a été de créer une
personnalité et un pouvoir « en surplomb
» des contradictions tant de la société
française que du « bloc bourgeois »
lui-même, pour opérer une
restructuration décisive de ce dernier.
Dès lors se pose la question : et si
Emmanuel Macron ne devait pas être
comparé à Caligula mais bien à Sylla ?
Ici encore un
retour par la Rome républicaine est
instructif. Car, nous sommes tous très
largement, que ce soit consciemment ou à
notre insu, héritiers en matière
politique et en matière du droit des
usages et des institutions de cette
période, même si cet héritage est aussi
largement un détournement de sens[16].
On ne convoque pas impunément le passé
au présent. Pourtant, en dépit de
l’anachronisme, la comparaison est
lourde de sens.
Commençons par
l’idée de souveraineté populaire. Loin
d’avoir été une invention de la
Révolution française, qui l’a cependant
remise à l’honneur, elle nous vient du
discours tenu dans la Rome républicaine.
Les romains considéraient qu’il ne
pouvait y avoir de relations politiques
et juridiques entre des hommes « libres
» qu’au sein d’une entité souveraine et
distincte des autres entités. Ce qu’ils
appelaient le « peuple » (populus)
était l’ensemble des citoyens[17].
Bien sûr, et dès l’origine, il y eut des
tensions entre l’aristocratie (l’élite
sénatoriale) et le « peuple », et de ces
tensions et conflits découlent une bonne
part des institutions de la Rome
républicaine. De cette notion de
souveraineté populaire découlait le
nécessaire contrôle sur les magistrats[18].
La notion de « volonté du peuple » (Iussum
populi) avait une très grande force,
tant en politique qu’en droit[19].
La souveraineté du « peuple » était donc
centrale, mais elle était en permanence
contestée. En fait, deux discours
contradictoires se construisent à son
sujet, un discours établissant la
primauté du « peuple », comme dans les
cas où c’est le « peuple » qui décide
qu’un homme peut être élu à des
fonctions plus hautes que celles qu’ils
briguait, le peuple étant dit alors «
maître des comices »[20],
et un autre sa nécessaire soumission au
Sénat[21].
Ceci nous dit assez
qu’il faut aujourd’hui, selon le mot de
Claudia Moatti, repolitiser l’histoire
romaine, en prenant justement le risque
de l’anachronisme[22].
Et c’est dans ces conflits que nous
trouverons alors de quoi alimenter la
réflexion, et plus précisément dans
celui qui apparaît au début du IIème
siècle avant notre ère et qui finira par
emporter la Rome républicaine. Ce
conflit s’enracine dans des rapports de
richesse et des rapports sociaux,
rapports qui conduisent à des conflits
politiques récurrents au IIème siècle
avant notre ère.
Le détournement
de la Souveraineté, conséquences des
transformations sociales
Ces conflits
trouvent donc leur origine dans les
conséquences sociales de la IIème Guerre
Punique (contre Carthage) mais aussi
celles provenant de l’expansion de Rome.
Le passage de la petite propriété
foncière aux grandes exploitations dont
la main-d’œuvre est essentiellement
composée d’esclaves, mais aussi
l’accaparement des terres publiques par
l’aristocratie, créent une situation
intenable[23].
A cela s’ajoute les rapports entre Rome
et les autres peuples italiens soumis,
considérés comme des « alliés », mais
souvent maltraités par Rome[24].
L’enjeu social et économique des terres
confisquées aux vaincus, terres qui
constituent l’ager publicus,
devient dès lors central[25].
De fait, à cette époque, l’absence ou
l’imprécision du cadastre rend possibles
les abus des plus riches[26].
De ce déséquilibre économique et sociale
est issu la volonté, à chaque incident
plus claire, du Sénat de s’accaparer la
souveraineté et l’initiative des lois[27].
On ne peut, quand
on se plonge dans cette période de la
Rome républicaine, qu’être frappé par
des parallèles avec notre situation
actuelle, où la finance, et plus
spécialement la financiarisation de
l’économie, mais aussi les pressions
exercées par les représentants de cette
sphère financière sur le pouvoir
politique et qui conduisent à des abus
fiscaux et redistribuais de multiples
sortes, conduisent à un accaparement des
richesses inouï. Il est symptomatique
que, depuis maintenant une vingtaine
d’années, on ait vu ressurgir l’ancien
terme d’oligarchie et d’oligarques pour
désigner, de manière péjorative, les
régimes de nombre de pays occidentaux,
et de la France en particulier. Le
détournement de la souveraineté est bien
devenu l’un des objectifs des classes
possédantes et en particulier des plus
riches, comme on l’a vu autour du
résultat du référendum de 2005.
Le conflit autour
de la distribution et de la répartition
de la richesse « publique », en dépit
qu’elle ait été dite « patrimoine du
peuple » (patrimonium populi),
conduisit d’une part à exacerber les
conflits de compétence entre le Sénat et
les assemblées du peuple (les « comices
») et ses représentants, les tribuns[28].
Une partie de conflits tournent autour
de la responsabilité politique des
magistrats[29].
La question centrale n’est pas seulement
l’émergence d’une responsabilité
politique du magistrat aux côtés de sa
responsabilité privée, mais bien qui
pouvait mettre en question cette
responsabilité politique[30].
Et, cette question justement se pose
aujourd’hui avec la demande d’un droit
de révocation des élus qui est justement
portée par la France Insoumise.
Ces conflits,
évidents dès la période des Gracques[31],
s’envenimèrent dans une opposition entre
populares (d’où nous vient le mot
« populaires ») et les optimates
c’est à dire les représentants de
l’oligarchie rassemblés dans le Sénat.
Cela conduisit à une montée de la
violence, que ce soit dans Rome ou entre
Rome et ses « alliés » de l’Italie (avec
la « guerre sociale de -91 à -88) pour
aboutir à la dictature de Sylla[32].
Cette dictature,
marquée par des actes terribles et
cruels[33],
exercés tant contre les citoyens romains
que contre les « alliés », et qui
laissèrent un souvenir épouvantable dans
la mémoire des romains[34],
participe d’une moment d’autonomisation
de l’Etat[35]
qui se constitue alors en surplomb de la
société politique afin de préserver les
intérêts des plus riches. Mais, ces
mêmes optimates durent aussi se
plier à la férule du dictateur. La
dictature de Sylla dépassa en ampleur et
en pouvoirs les dictatures précédentes,
parce qu’elle devait justement établir
un pouvoir en surplomb sur les classes
sociales pour imposer la suprématie de
l’élite sénatoriale[36].
Pour ce faire le « dictateur », qui est
un magistrat de la République et dont la
« dictature » est issue d’une loi
d’investiture[37],
il convient de ne jamais l’oublier, se
mue en tyran[38].
Les effets du
détournement de souveraineté
Dès lors, on entre
dans un système où le « peuple » est
dépossédé de fait de la souveraineté,
qui est attribuée au Sénat. Ce dernier
devient le seul maître de ce qui est
licite et de ce qui ne l’est, capable de
désigner qui est un « subversif » et qui
ne l’est pas. Les magistratures
populaires, comme les tribuns de la
Plèbe dépérissent. Là où, selon les
populares comme Tiberrius
Gracchus ou Saturninus, le peuple était
la seule source de la légalité, car il
était le seul légitime et donc le
détenteur de la souveraineté[39],
succède l’idée que seul le Sénat est
investi de cette légitimité[40]
et peut se considérer comme «
propriétaire » de la souveraineté.
Cicéron se fera en quelque sorte le
théoricien de ce renversement[41].
Reprenons ici le
parallèle avec la situation actuelle. On
voit bien, que ce soit avec l’emploi par
Emmanuel Macron de l’image de la «
souveraineté européenne »[42]
ou par son comportement politique dont
il donna un magnifique exemple devant
les députés du groupe LREM[43],
que l’on assiste à la même volonté de
détournement de la souveraineté.
D’ailleurs, Emmanuel Macron, qui
s’affiche comme issu de la sphère
financière (ce qui est largement
inexact, ses fonctions n’ayant pas
dépassée celles d’un entremetteur) est
bien le représentant politique de
ce groupe social qui entend désormais
faire la loi car il cumule déjà une
grande partie des richesses. Mais, pour
cela, il lui faut un pouvoir qui
s’établisse en surplomb au-dessus des
classes sociales et des légitimes
intérêts des différents groupes sociaux.
En réalité, il n’y a nulle « folie »
dans l’usage des apparences de la
souveraineté par Emmanuel Macron, et ce
quelles que soient les interrogations
que suscitent son comportement
personnel. Il s’affirme en réalité, au
prix d’un détournement complet, comme le
détenteur de la souveraineté, une
souveraineté qu’il entend bien désormais
remettre à ses véritables mandants, soit
la classe des « hyper-riches ».
La comparaison avec
Caligula s’avère alors purement de forme
et ainsi futile et vaine. Ce qu’il y a
en Macron, et le traitement de plus en
plus violents de manifestations de
discordes et d’opposition en témoigne,
c’est bien plus le personnage de Sylla.
Et, de là peut-on comprendre sa volonté
de constituer une police et une haute
administration qui soit entièrement sous
ses ordres[44],
qui ne réponde plus à aucun contrôle
démocratique.
De fait, l’affaire
Benalla, pour aussi scandaleuse qu’elle
soit, pour aussi déplorables qu’aient
été les tentatives de la part de la
Présidence de la République de la
masquer, ou d’en diminuer l’importance,
n’est qu’un symptôme[45].
Ce qui se révèle au travers de cette
affaire et du comportement du Président
est bien le projet d’Emmanuel Macron de
se constituer comme pouvoir en surplomb
de la société française, par le biais
d’une usurpation de la souveraineté.
Macron n’est pas le
lointain écho de Caligula mais bien
celui de Sylla.
Notes
[1] Voir, « Benalla
et l’arc d’extrême droite » à
https://blog.mondediplo.net/benalla-et-l-arc-d-extreme-droite
[2]
http://www.vududroit.com/2018/07/affaire-benalla-code-penal-quoi-faire/
[3] Voir Schmitt C.,
Théologie politique, traduction
française de J.-L. Schlegel, Paris,
Gallimard, 1988.
[4]
https://www.francetvinfo.fr/politique/emmanuel-macron/agression-d-un-manifestant-par-un-collaborateur-de-l-elysee/affaire-benalla-le-responsable-c-est-moi-declare-emmanuel-macron-face-a-la-majorite_2865345.html
[5]
https://blogs.mediapart.fr/francis-parny/blog/200718/macron-caligula
[6] Voir Bretone M.,
Histoire du droit romain, Paris,
Editions Delga, 2016, p. 215.
[7] Frezza P., Corso
di storia del diritto romano, Rome,
Laterza, 1955, p. 440.
[8] Brunt P.A., « Lex
de imperio Vespasiani » in The
Journal of Roman Studies, vol. 67,
1977, p. 95-116.
[9] Bretone M.,
Histoire du droit romain, op.cit.,
p.216.
[10] Sur ces concepts,
voir Sapir J., Souveraineté,
Démocratie, Laïcité, Paris,
Michalon, 2016.
[11] Schmitt C.,
Théologie politique, traduction
française de J.-L. Schlegel, Paris,
Gallimard, 1988 ; édition originelle en
allemand 1922, pp. 8-10.
[12]
https://www.huffingtonpost.fr/2018/07/24/affaire-benalla-le-quils-viennent-me-chercher-demmanuel-macron-scandalise-politiques-et-internautes_a_23488847/?utm_hp_ref=fr-homepage
[13] Camus A.,
Œuvres Complètes, tome I : 1931-1944,
Paris, Gallimard, Bibliothèque de la
Pléiade, 2006,
[14] Voir Suetone,
La Vie des douze Césars de Suétone,
Paris, Les Belles Lettres, 1re
éd. 1931, coll. des Universités de
France, Livre IV.
[15]
http://www.vududroit.com/2018/07/macron-erreur-de-casting/
[16] Voir
https://revolution-francaise.net/2014/10/06/585-l-antiquite-modele-dans-le-moment-republicain-de-1791
[17] Pani M., La
politica in Roma antica : Cultura et
Praxi, Rome, Feltrinelli, 1997.
[18] Wiseman T.P., «
The Two-Headed State. How Romans
explained civil wars » in Breed B.W.,
Damon C. et Rossi A. (ed), Citizens
of Discord : Rome and its civil wars,
Oxford-New York, Oxford University
Press, 2010, p. 25-44.
[19] Bretone M.,
Technice e ideologie dei giuristi romani,
Bari, Edizioni scientifiche italiane,
1985, p. 13.
[20] Voir Astin A.E.,
Scipio Aemilianus, Oxford, Oxford
University Press, 1967, p. 61.
[21] Wiseman T.P., «
The Two-Headed State. How Romans
explained civil wars », op.cit et de
Martino, F., Storia della
Constituzione romana, Naples, EDI,
T1 et T2, 1972 et 1973, voir T2.
[22] Moatti C., Res
publica – Histoire romaine de la chose
publique, Paris, Fayard, 2018, p.
184-185.
[23] Hinard F. (ed),
Histoire romaine T1, Des origines à
Auguste, Fayard Paris, 2000, et bien
sur l’incontournable Nicolet C., Les
Gracques, Paris, Fayard, coll.
Follio, 1967.
[24] Mouritsen H.,
Italian Unification : A study of ancient
and modern historiography, Londres,
Bulletin of the Institute of Classical
Sutides, Supplement n° 70, 1998.
[25] Sur le statut de
ces terres, Varron (Marcus Terentius
Varo), De re rustica, traduction
par J. Heurgon et Ch. Guiraud, Paris,
Les Belles Lettres, 1978-1997, LL 5.33.
[26] La tradition
reconnaissait aux citoyens, à côté de la
propriété privée, un droit d’usage sur
les « terres publiques », mais ce droit,
mal réglementé, fut l’objet de pressions
incessantes de la part des plus riches.
Rathbone D., « Control and exploitation
of the ager publicus » in Aubert J.J.
(ed), Tâches publiques et entreprises
privées dans le monde romain,
Genève, Droz, 2003, p. 135-178.
[27] Loreti-Lambruni,
B., « Il potere legislativo del senato
romano », in Studi Bonfante,
1930, p. 378-395.
[28] Giovannini A.,
Les institutions de la république
romaine des origines à la mort d’Auguste,
Bâle, Schwabe ag, 2015 et Lanfranchi T.,
Les tribuns de la plèbe et la
formation de la république romaine,
Rome, Ecole Française de Rome, 2015.
[29] Fiori R., Homo
Sacer. Dinamica politico-constituzionale
di une sanzione giudiciaro-religioso,
Naples, Jovene Editore, 1996.
[30] Mantovani D.,
Il problema d’origine della accusa
populare. Della « questio » unilaterale
alla « questio » bilaterale, Padoue,
CEDAM, 1989.
[31] -133 à -123 avant
notre ère. Nicolet C., Les Gracques,
op.cit.
[32] Gruen E., The
last generation of the Roman republic,
Berkeley, University of California
Press, 1974.
[33] Labruna L., « La
violence, instrument de la dictature à
la fn de la république » in Dialogues
d’histoire ancienne, Vol. 17, n°1,
1991, p. 119-137 ; Idem, « Adversus
plebem dictator » in Hinard F. (ed)
Dictatures. Actes de la table ronde
réunie à Paris les 27 et 28 février 1984,
Paris, Editions de Boccard, 1978.
[34] Hinard F., Les
proscriptions dans la Rome républicaine,
Rome, Editions de l’Ecole Française de
Rome, 1985.
[35] Voir Nicolet C. «
Les lois judiciaires et les tribunaux de
concussion » in ANRW (AUFSTIEG
UND NIEDERGANG DER RÖMISCHEN WELT) Vol.
II, n°2, p. 193-214.
[36] A. Giovannini,
Les institutions de la république
romaine des origines à la mort d’Auguste,
op. cit., p. 53-55. Golden S.K.,
Crisis Management during the Roman
republic. The role of political
institutions in emergencies,
Cambridge, Cambridge University Press,
2013.
[37] Dans le cas de
Sylla, ce fut la lex Valeria
prise à la fin de l’année -82 avant
notre ère.
[38] Hinard F. « De la
dictature à la Tyrannie » in Hinard F. (ed),
Dictatures. Actes de la table ronde
réunie à Paris les 27 et 28 février 1984,
op.cit., p. 87-95.
[39] Wiseman T.P., «
The Two-Headed State. How Romans
explained civil wars » op.cit..
[40] Dion Cassius,
Histoire romaine, Les Belles
Lettres, coll. Universités de France,
livres 36 et 37, 2014, Livre 37.
[41] Cicéron, De la
vieillesse, De l’amitié, des Devoirs,
(De Officis), trad. Charles Appuhn,
Paris, Garnier, 1933
[42]
https://www.lesechos.fr/17/04/2018/lesechos.fr/0301575228217_macron-plaide-pour-une-nouvelle—souverainete—europeenne.htm
[43]
https://www.francetvinfo.fr/politique/emmanuel-macron/agression-d-un-manifestant-par-un-collaborateur-de-l-elysee/affaire-benalla-le-responsable-c-est-moi-declare-emmanuel-macron-face-a-la-majorite_2865345.html
[44]
http://www.lefigaro.fr/politique/2018/07/29/01002-20180729ARTFIG00135-affaire-benalla-macron-rumine-sa-vengeance.php
[45]
http://actus.nouvelobs.com/videos/m00mlr.DGT/melenchon-monsieur-le-premier-ministre-vous-etes-la-parce-que-vous-y-etes-contraint.html?cm_mmc=Acqui_MNR-_-NO-_-WelcomeMedia-_-edito&from=wm#xtor=EREC-10-[WM]-20180801
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