Opinion
L'antisémitisme manié comme une arme
Israël Adam Shamir
Israël
Adam Shamir
Jeudi 19 octobre 2017
La Palestine, avec
ses paysages merveilleusement vallonnés
et ses vénérables oliviers, les uns même
plantés de ses mains par Marie, la
Vierge, la Mère de Jésus le Christ, la
femme palestinienne qui possédait une
petite oliveraie près de l’actuel
couvent de Cremisan à Beit-Jalla, qui
porte encore son nom ; la Palestine avec
ses montagnards penchés, tannés par le
soleil, aux yeux bleus, et durs à la
peine, ma deuxième patrie, ou peut-être
bien la première, où je me trouve au
moment où j’écris ces lignes, la
Palestine est aussi un endroit rare sur
la planète, où les gens n’ont pas peur
de prononcer le mot juif. J’ai un ami
palestinien, le professeur de chimie à
la retraite Ghassan Abdulla (nous sommes
devenus amis il y a des années, quand
nous tentions de faire avancer l’idée
d’un seul Etat pour tous les habitants
de la Terre sainte, de toute confession,
idée qui est universellement acceptée
dans le monde entier, dont votre pays,
que ce soit les US, le Royaume Uni, la
Russie ou la France, mais encore
considérée comme extrêmement radicale
ici). Abdulla, donc, reçoit souvent des
visiteurs d’Allemagne et
d’Autriche, et sa femme vient de la
partie germanophone de la Suisse. Ces
hôtes font une tête scandalisée
chaque fois qu’ils entendent le mot
juif, en particulier avec une
connotation négative, du genre « les
juifs ne nous permettent pas d’avoir de
l’eau », ou « les juifs ne nous laissent
pas utiliser l’aéroport », ou encore
« les juifs ont déclaré un état de siège
et ne nous pouvons pas aller à
l’église », voire « les juifs ont tiré
sur les gosses au croisement », et tant
d’autres phrases semblables bien trop
fréquentes dans le pays où les juifs
font la loi, et où les gentils en sont
réduits à obéir, ou bien ils crèvent.
Les hôtes allemands cherchent
instinctivement un lit pour ramper
dessous et se cacher. S’ils trouvent une
échappatoire, ils marmonnent « sûrement
pas tous les juifs », ou encore « nous
aimons les juifs » ou une ânerie de ce
genre.
L’armée
d’occupation US en Europe a instillé une
terrible peur des juifs dans le cœur des
Européens et dans leurs cervelles. C’est
une peur connue depuis longtemps :
l’Evangile témoigne du fait que
les gens avaient peur de parler
ouvertement du Christ « car ils avaient
peur des juifs » (1) Depuis lors, la
peur n’a fait que croître et embellir.
Et puisque cet effroi existe, il serait
étrange qu’ils ne la mettent pas à
profit.
Les élections
autrichiennes de dimanche dernier nous
en offrent une démonstration de choix.
Pendant la campagne, le parti social
démocrate autrichien (on simplifie en
SDO) a importé un maître en coups
tordus, israélien, un macher en
yiddisch, Tal Silberstein, pour ruiner
la réputation de son adversaire
Sebastian Kurz ; il a créé une page
facebook au nom de Kurz, et posté là
quelques diatribes farouchement
antijuives, il a organisé un groupe de
fans sur FB et a rajouté des slogans
nazis forts de café. L’idée était que
les Autrichiens seraient refroidis et
feraient le vide autour de Kurz.
Kurz a découvert
cela et a demandé aux modérateurs de FB
de mettre un terme à la chose.
D’habitude, nul besoin de répéter une
telle demande à FB, concernant des trucs
nazis. Et une usurpation d’identité
déclenche une exclusion dans un délai
raisonnable. Dans ce cas, cependant, Mr
Zuckerberg et ses mignons ont traîné les
pieds, renâclant à saboter la
dénonciation par Silberstein d’un
antisémite. Kurz a eu de la chance,
parce que Silberstein venait de se faire
arrêter en Israël pour des délits
relevant de la corruption. Après quoi,
FB s’est débouché les oreilles et a mis
fin aux pages et aux groupes créés par
Silberstein. Une chance inouïe : si
Silberstein avait été arrêté n’importe
où ailleurs, il serait considéré comme
une victime des antisémites, et son
réseau empoisonné serait encore intact.
Ce Silberstein
porte déjà un nom qui lui fait une place
dans la palmarès de la honte : expert en
relations publiques avec dessous de
table, il avait été mouillé dans des
affaires de pots de vin, alors qu’il
dirigeait la campagne de Julia
Timoshenko, en Ukraine. Celle-ci a
atterri en prison, et lui en Israël. En
Autriche, il a eu des malchances en
série : des hackers ont éventé sa
correspondance avec le SDO, ses plans
sont maintenant connus du public, les
dirigeants du SDO ont dû faire profil
bas, et ils ont perdu les élections.
La tentative de
Silberstein pour piéger Kurz en tant
qu’antisémite a donc échoué jusqu’à un
certain point. Mais cela ne l’a pas
empêché de dénigrer un autre politicien
autrichien sous prétexte de haine des
juifs. Il s’agit du dirigeant du FPO
Heinz-Christian Strache. La fin de
l’histoire peut nous réconforter : les
Autrichiens ont préféré ces deux partis,
la liste de Kurz et le FPO, malgré leur
antisémitisme supposé, et ont puni le
SDO, le parti cachère.
Mais avant de nous
en féliciter, voyons l’autre face de
cette belle surprise. Pour sortir du
guêpier et exonérer leurs partis de la
calomnie juive, les deux dirigeants ont
eu l’idée de proclamer leur loyauté
envers Israël. Il s’y sont rendus,
séparément, se sont fait prendre en
photo avec Netanyahou et au Mémorial de
l’Holocauste, enfin ils ont longuement
expliqué devant le micro combien ils
appréciaient et adoraient l’Israël.
L’accusation
d’antisémitisme est une opération
gagnante à tous les coups, pour les
juifs. Si un politicien ne veut pas de
ce que veulent les juifs, ils
l’appellent antisémite, et ensuite, soit
il fait ce qu’ils veulent, soit il
jure allégeance à l’Israël. Dans le
premier cas, c’est un libéral, dans le
deuxième c’est un nationaliste. Et dans
tous les cas, les juifs ont gagné.
Et ce sont les
Palestiniens qui perdent. Ils sont
enfermés derrière un mur très
haut ; ils ne peuvent pas partir, et les
juifs rentrent chez eux chaque fois
qu’ils en ont envie, pour attraper un
homme et le descendre, ou pour le jeter
dans une de leurs geôles innommables. De
temps à autre, les juifs s’emparent
d’une colline ou d’une vallée, et
construisent là une enclave gardée et
réservée aux juifs. Ils prennent l’eau,
les champs. Si les Palestiniens ont
construit par eux même par exemple une
centrale électrique, les juifs la
réduisent en miettes. Ils
disent qu’autrement, les Palestiniens
sont capables de se servir de
l’électricité pour fabriquer des armes
afin de tuer des juifs. Il vaut mieux
que ce soient les juifs qui leur en
vendent : l’UE paye pour une partie de
celle-ci, l’Autorité palestinienne paye
pour le reste, et l’argent tombe dans
les poches juives, tandis que les juifs
gardent le contrôle de l’énergie
électrique.
Est-ce que vous
pouvez lire le paragraphe ci-dessus sans
une certaine gêne ? Si ce n’est pas le
cas, vous êtes aussi parmi les victimes
des chasseurs d’antisémites. Je n’aime
pas particulièrement les gens qui
détestent les juifs, mais ces chasseurs
d’antisémitisme sont pires, bien pires,
parce qu’ils causent des dommages bien
réels, et non pas imaginaires.
Voyez le cas de
Weinstein, le branleur d’Hollywood,
c’est un chasseur d’antisémites typique,
qui rêve de flinguer les goys comme dans
son film Basterds, ou de tringler
les shiksas dans la vie réelle.
Il a appelé à botter le cul aux ennemis
des juifs, à s’organiser « comme la
mafia a su le faire » alors que ces
lascars pourraient donner à la Mafia une
ou deux leçons. Il forçait les filles
non juives à des relations sexuelles
parce qu’il n’était qu’un simple gosse
de juifs du Bronx qui rêvait de
revanche, a écrit l’éditorialiste
du site juif Tabletmag.com:
« inutile de dire que presque toutes ces
femmes étaient non juives, de quoi
alimenter ses délires vengeurs de
champion qui s’était créé des
passerelles à partir de ses origines
sémitiques et avait su s’élever hors de
sa banlieue ». Au gala d’Algemeiner à
New York, Weinstein a déclaré :
« j’adore Israël, j’adore ce que défend
Israël, je suis fier d’être juif, je
suis israélien par le cœur et par
l’esprit. »
Chaque fois qu’un
gosse palestinien est abattu, chaque
fois qu’un olivier est déraciné par les
bulldozers juifs, Weinstein et
Silberstein sont complices du crime.
Maintenant en
Angeleterre, il y a une terrible chasse
aux antisémites au sein du parti
travailliste ; l’idée est de démolir
Jeremy Corbyn, de restituer le parti à
la bande Blair et de son maître payeur
Madelson, qui a dit : « Je tente de
couler Jeremy Corbyn tous les jours »,
avec des accusations d’antisémitisme.
Corbyn fait tout ce qu’il peut pour se
couvrir de ce côté-là. De braves gens,
des militants solides ont été expulsés
pour des raisons futiles, si les juifs
demandaient leur tête. Même le vieux
professeur Moshe Machover, un
universitaire et un socialiste
israélien, qui réside depuis longtemps
au Royaume Uni, a été chassé du parti
travailliste, sur ordre de l’ambassadeur
israélien au Royaume Uni.
Les US représentent
le pire cas de crainte des juifs. Les
Américains en ont si peur qu’ils
expriment leur amour servile des juifs à
tout bout de champ. Pas en privé, de
fait. J’ai rencontré certains
dignitaires américains : chaque fois
qu’ils ont cru ne pas être écoutés ou
enregistrés par la NSA, ils ont parlé
tout à fait librement de l'impossibilité
pour eux d'échapper à l’étau du
vice juif. Mais en public, jamais ils
n’auraient rien dit de contraire au bon
vouloir juif. Je ne connais qu’une
députée qui ait osé, C’est Cynthia
McKinney. Elle a perdu son siège, mais
elle a gagné les cœurs. Une personne
« de couleur », comme vous dites aux US,
qui est la plus blanche de tous.
Voyez maintenant la
situation de Donald Trump. Depuis le
début de sa carrière politique, chaque
jour ou deux fois par jour, il répète
qu’il n’est pas un antisémite. Et il se
trouve de plus en plus attaché à Israël,
pour le prouver.
Il fait tout pour
Israël. Il a claqué la porte de l’Unesco
parce qu’ils ne sont pas assez
obéissants envers Israël, alors qu’ils
ont piétiné leur propre règlement pour
élire la juive franco-marocaine Azoulay
à leur tête, juste pour faire plaisir à
Trump et à Netanyahou. Il a bousillé
l’accord nucléaire avec l’Iran, parce
que c’est Netanyahou qui le lui
demandait. Et malgré cela, tous les
jours, les juifs hurlent que c’est un
antisémite ; aujourd’hui même, au moment
où j’écris ces lignes, ils le traitent
d’antisémite parce qu’il a recommandé au
sénateur Chuck Schumer de faire le point
avec Israël sur sa position au sujet de
l’accord nucléaire avec l’Iran (2).
Avec Netanyahou,
voilà que Trump prépare maintenant une
guerre civile inter-palestinienne, ou du
moins il bloque la voie palestinienne
pour régler leurs problèmes internes.
Depuis 2006, les Palestiniens ont été
divisés entre le Fatah et le
Hamas. Maintenant ils veulent constituer
un gouvernement de coalition et
organiser des élections proprement
démocratiques, comme ils l’avaient fait
en 2006. Israël est contre,
naturellement, comme ils sont contre
toute tentative pour en finir avec les
effusions de sang dans la région. Les
juifs veulent plus de guerre dans tous
les cas de figure, qu’il s’agisse de la
guerre Iran Irak puis de la guerre
contre le terrorisme puis de la guerre
en Syrie, ils sont toujours pour la
guerre, mais ils tiennent
particulièrement à ce qu’il y ait une
bonne guerre civile palestinienne. Et
c’est là que les US interviennent, en
disant que le Hamas est terroriste et
que les US vont bloquer l’Autorité
palestinienne devant les tribunaux comme
au niveau des banques, s’ils acceptent
le Hamas.
Les juifs
continuent donc à se servir de cet outil
merveilleux, la chasse aux antisémites.
Même s’ils ne détruisent pas leur ennemi
- Trump n’est pas à terre, Corbyn non
plus, Kurz non plus - ils obligent les
politiciens qu’ils attaquent à soutenir
Israël encore plus. Pile tu perds, face
je gagne. Or c’est le chemin de la
perdition.
La seule façon de
se sortir de là est de rendre les gens
insensibles à l’accusation
d’antisémitisme. Voilà pourquoi
j’applaudis à certaines publications
bien pugnaces sur le site Unz.com et
ailleurs, car même si ce n’est pas tout
à fait honnête, cela contribue toujours
à désensibiliser le lecteur.
Certains bons
militants juifs suggèrent de manœuvrer
en sens contraire: « combattez
l’antisémitisme, ne leur passez rien,
disent-il, l’antisémitisme est
contreproductif. » Il y en a, des bons
militants juifs, pour sûr. Par exemple,
Philip Weiss ou Norman Finkelstein. Et
de temps en temps, ils tirent sur des
antisémites supposés, par exemple sur
l’écrivain et musicien israélien Gilad
Atzmon. Je ne veux pas discuter avec
eux, parce qu’ils font du bon boulot,
mais pas quand ils se joignent aux
chasseurs d’antisémites. Il n’y a rien à
dire si on n’aime pas telle ou telle
affirmation ou tel mot d’ordre anti
juif ; en fait, c’est inévitable parce
que la critique des juifs a plusieurs
visages. Mais il y a de la marge, entre
faire la grimace et se retrouver dans le
camp de Netanyahou et de Weinstein.
L’âme des
politiciens goys est tellement fragile,
ils sont si craintifs devant les juifs
qu’il vaut mieux ne pas les traumatiser
en leur suggérant qu’il y a certains
affreux antisémites qu’il faudrait
affronter. Chaque vote juif perdu sera
bien compensé par les votes gagnés.
C'est le bon moment pour se débarrasser
du joug juif, tout spécialement si ce
joug est en fait un blocage purement
psychologique.
Les gens peuvent ne
pas aimer les gitans, les immigrants qui
arrivent en masse, les banquiers,
remettre à leur place les journalistes
et les machers. Il est
parfaitement acceptable de ne pas aimer
les juifs, ce n’est pas contraire à la
loi. Aucune obligation de compenser cela
en pliant le genou devant l’Israël.
Si vous gardez cela
présent à l’esprit, nous libèrerons la
Palestine; mais si vous ne le faites
pas, la guerre est inévitable.
Notes:
(1) Jean
mentionne expressément la peur des juifs
quatre fois, en particulier 20 : 19.
(2) Le tout de
Trump est "antisémite" dans la mesure où
il remet en lumière la question de la
souveraineté US
Pour joindre
l'auteur: adam@israelshamir.net
Traduction et
notes: Maria Poumier
Première
publication: The
Unz Review.
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