Opinion
Ce qui s'est vraiment passé en Ukraine
Israël Shamir
Israël
Shamir
Mercredi 1er janvier 2014
Il fait un froid de
canard à Kiev, la ville légendaire aux
dômes dorés sur les bords du Dniepr,
creuset de la civilisation de l'ancienne
Russie, et charmante entre toutes les
capitales de l'Europe orientale. C'est
une place cossue, agréable, les petits
restos sympa pullulent, les rues sont
nettes, les parcs soignés, et le fleuve
est magnifique. Quant aux filles, elles
sont jolies, et les hommes plutôt
robustes. Kiev cultive la tradition avec
enjouement, plus que Moscou, et tape
moins au porte-monnaie. Les statistiques
affirment que l'Ukraine est au bord du
gouffre et que ses habitants devraient
être aussi pauvres que les Africains,
mais ils ne s'en sortent pas si mal,
grâce à certaines imprudences fiscales.
Le gouvernement a emprunté et dépensé en
toute liberté, subventionnant largement
le logement social et le chauffage, puis
froidement a refusé la dévaluation de la
monnaie nationale et le programme
d'austérité prescrits par le FMI. Mais
vivre à crédit a un prix: c'était la
faillite assuré le mois prochain ou plus
tôt, et c'est l'une des raisons de la
secousse actuelle.
Les cris de guerre entre l'Ouest et
l'Est se disputant l'avenir de l'Ukraine
ont retenti pendant un bon mois, et ont
fini par donner une victoire
retentissante à Vladimir Poutine, ce qui
s'ajoute à ses succès en Syrie et en
Iran. Les choses avaient commencé à se
gâter lorsque l'administration du
président Yanoukovitch s'est mis en
quête de nouveaux crédits pour
rééchelonner ses dettes et éviter le
défaut de paiement. Il n'y avait pas
d'offre. Ils ont appelé l'Union
Européenne au secours; celle-ci,
concrètement la Pologne et l'Allemagne,
voyant l'administration ukrainienne aux
abois, a préparé alors un accord d'une
sévérité inhabituelle.
L'Union Européenne est dure avec ses
nouveaux membres de l'Est, tels que
Lettonie, Roumanie, Bulgarie. Les
industries et agricultures y ont été
décimées, la jeunesse part en Europe de
l'Ouest accepter des gagne-pain de
subalternes, au point que la population
a chuté plus que pendant la Deuxième
guerre mondiale.
Mais l'accord d'association offert à
l'Ukraine était encore pire. Il ferait
de l'Ukraine une colonie appauvrie de
l'UE, sans la contrepartie douteuse de
la réciprocité (en termes de liberté de
circulation et d'emploi dans toute
l'UE). Acculé, Yanoukovitch acceptait de
signer, dans l'espoir d'y gagner un
délai pour éviter l'effondrement. Mais
l'UE n'a plus d'argent à répartir, elle
doit approvisionner la Grèce, l'Espagne,
l'Italie. C'est alors que la Russie
entre en scène. A cette étape, les
rapports avec la Russie étaient loin
d'être bons. Les Russes font les malins,
sûrs de la rente de leur pétrole, et les
Ukrainiens ont rejeté la faute de leurs
malheurs sur les Russes, mais la Russie
n'en restait pas moins le plus grand
marché pour la production ukrainienne.
Pour la Russie, l'accord avec l'UE
n'était pas une solution;
habituellement, l'Ukraine vend ses
excédents en Russie avec peu de
contraintes douanières; les frontières
sont poreuses, les gens les traversent
librement, même sans passeport. Si
l'accord d'association était signé, les
produits de l'UE inonderaient la Russie
en profitant de la brèche ukrainienne.
Aussi Poutine a mis les point sur les i:
en cas d'accord avec l'UE, les tarifs
douaniers russes vont augmenter, a-t-il
annoncé. Ce qui mettrait au chômage
environ 400 000 Ukrainiens sans coup
férir. Yanoukovitch, contrarié, a fait
machine arrière à la dernière minute (ce
que j'avais prédit trois semaines
auparavant, dans mon reportage sur Kiev,
et que personne n'avait pris au sérieux,
ce qui ne me rend pas peu fier).
L'UE et les US qui l'épaule ont été
outrés. Au-delà de la perte d'un profit
potentiel, il y a une autre raison: ils
voulaient tenir la Russie à distance de
l'Europe, et ils voulaient une Russie
faible. La Russie n'est pas l'Union
soviétique, mais il y a quand même des
relents de désobéissance aux projets
impériaux occidentaux à Moscou, qu'il
s'agisse de la Syrie, de l'Egypte, du
Vietnam, de Cuba, de l'Angola, de
Venezuela ou du Zimbabwe: l'Empire ne
peut pas faire ce qui lui chante tant
que l'ours russe reste relativement
fort. Et la Russie sans l'Ukraine ne
peut pas être puissante: ce serait comme
les US amputés de leur façade orientale
et satellites dans le Pacifique.
L'Occident ne veut pas d'une Ukraine
prospère, encore moins stable et forte,
ce pourquoi il ne faut pas qu'elle
rejoigne la Russie et la renforce. Une
Ukraine affaiblie, pauvre et
déstabilisée, en dépendance
semi-coloniale de l'Occident, avec
quelques bases de l'OTAN, voilà tout
l'avenir promis à l'Ukraine, vu de
Washington ou de Bruxelles.
Irrité par la dérobade in extremis de
Yanoukovitch, l'Occident a mobilisé ses
supporteurs. Penant près d'un mois, Kiev
a été assiégée par des foules ramassées
depuis le fin fond de l'Ukraine en bus,
comme un vague écho nordique des
printemps arabes. Moins violente que la
place Tahrir, leur place Maidan est
devenue symbole du combat pour l'avenir
de l'Ukraine selon la stratégie
européenne. En Ukraine se livre la
dernière battaille au sol entre
l'Alliance atlantique et la Russie qui
monte. Revanche après la débâcle d'Obama
en Syrie, ou nouveau coup de boutoir
contre l'hégémonie américaine dégonflée?
La division simple entre pro-orientaux
et pro-occidentaux se trouve compliquée
par l'hétérogénéité de l'Ukraine. Cet
assemblage assez lâche entre des régions
bien différentes est assez semblable à
ce qui prévalait en Yougoslavie jadis.
C'est un autre héritage du traité de
Versailles, un patchwork composé après
la Première guerre mondiale, indépendant
seulement depuis l'effondrement
soviétique en 1991. Certaines portions
de l'Etat ukrainien actuel avaient été
incorporées à la Russie depuis 500 ans,
l'Ukraine proprement dite (un territoire
bien plus petit, du même nom) avait
rejoint la Russie il y a 350 ans, tandis
que l'Ukraine occidentale (les "régions
de l'Est") était acquise par Staline en
1939, et enfin la Crimée se trouva
englobée dans la République soviétique
d'Ukraine par Kroutchev en 1954.
L'Ukraine est aussi russe que le Midi
est français, le Texas et la Californie
états-uniens. Certes, il y a de cela
quelques siècles, la Provence était
indépendante de Paris, elle a sa propre
langue et son histoire artistique, et
qui plus est Nice autant que la Savoie
sont françaises depuis une date récente
(1860). Pourtant nous comprenons, pour
le moment, que ces territoires font
partie de leurs Etats respectifs plus
vastes, envers et contre tout. Mais
s'ils se voyaient acculés à la
sécession, ils développeraient
probablement un récit historique
soulignant les brimades françaises au
temps de la croisade des Cathares, ou la
dépossession des résidents espagnols et
russes en Californie.
De même, depuis l'indépendance de
l'Ukraine, les autorités se démènent
pour édifier une nation, renforcent une
langue officielle unique et créent un
mythe national commun pour ses 45
millions d'habitants. Les foules qui se
sont précipitées sur la place Maidan
étaient en majorité (mais pas
exclusivement) des gens de Galicie, le
comté montagneux qui borde la Pologne et
la Hongrie, à 500 km de Kiev, et les
natifs de Kiev se réfèrent à
"l'occupation par les Galiciens" de la
place Maidan.
Comme les fiers Bretons, les Galiciens
sont d'ardents nationalistes, et ils
incarnent un véritable esprit ukrainien
(quoi que cela puisse signifier, au
demeurant). Sous la férule des Polonais
et des Autrichiens pendant des siècles,
tandis que les juifs étaient
économiquement puissants, ils
constituent un bloc aussi anti-juif
qu'hostile aux Polonais, et leur
identité moderne s'est centrée sur le
soutien à Hitler pendant la Deuxième
guerre mondiale, assorti du nettoyage
ethnique de leurs voisins polonais et
juifs. Après la guerre, les SS galiciens
restants ont été adoptés par les
services d'intelligence US, ré-armés, et
ils ont mené une guérilla contre les
Soviétiques. Ils ont ainsi ajouté une
ligne anti-russe à leurs anciennes
inimitiés et ont continué à mener la
"guerre de la forêt" jusqu'en 1956; et
cet assortiment d'ennemis du temps de la
Guerre froide a survécu au dégel.
Après 1991, lorsque l'Ukraine
indépendante fut créée, les Galiciens
furent encensés en tant que "véritables
Ukrainiens" car ils sont de fait les
seuls Ukrainiens qui aient jamais
souhaité l'indépendance. Leur langue a
été utilisée comme base de la nouvelle
langue officielle, leurs traditions ont
été préservées au niveau de l'Etat. Les
monuments à la gloire des collaborateurs
du nazisme et des assassins de masse
Stepan Bandera et Roman Shukhevyche ont
fleuri, provoquant d 'ailleurs souvent
des réactions indignées de la part
d'autres Ukrainiens. Les Galiciens ont
joué un rôle important en 2004, dans la
Révolution orange, de fait, lorsque les
résultats des élections ont été annulés,
et que le candidat pro-occidental
Youschenko a gagné lors du nouveau
scrutin.
Pourtant, en 2004, beaucoup d'habitants
de Kiev ont également soutenu Youschenko,
dans l'espoir d'une alliance avec
l'Ouest et d'un avenir radieux.
Maintenant, en 2013, le soutien de la
capitale aux foules de la place Maidan
était fort tiède, et les gens de Kiev se
plaignent haut et fort des hordes qui
les ont envahis, des arbres abattus, des
bancs publics brûlés, des bâtiments
saccagés et des tas d'ordures
biologiques. Kiev n'en reste pas moins
le siège de nombreuses ONG; les
intellectuels locaux reçoivent une aide
généreuse de la part des US et de l'UE.
Le vieil esprit "comprador" reste
toujours vif dans les capitales.
Pour le sud et le sud-est de l'Ukraine,
les régions populeuses et lourdement
industrialisées, le projet d'association
avec l'UE est une impasse, un point
c'est tout. Ils produisent du charbon,
de l'acier, des machines-outils, des
voitures, des missiles, des tanks et des
avions. Les importations européennes
rayeraient l'industrie ukrainienne de la
carte, ce que les officiels européens
reconnaissent volontiers. Même les
Polonais, qui sont loin d'être un
parangon en matière de développement
industriel, ont eu le culot de dire aux
Ukrainiens: nous on s'occupera de la
partie technique, vous, investissez
plutôt dans l'agriculture. Plus facile à
dire qu'à faire, parce qu'il y a des
quantités de réglementations européennes
qui font que les produits ukrainiens n'y
sont pas vendables pour la consommation
en Europe. Les experts ukrainiens ont
estimé leurs pertes probables, en cas
d'association avec l'UE, entre 20
milliards d'euros, et 150 milliards
d'euros.
Pour les Galiciens, l'association serait
une aubaine. Leur porte-parole sur la
place Maidan a appelé la jeunesse à
aller "partout où vous pourrez faire de
l'argent" et de ne pas se faire de souci
pour l'industrie. Ils tirent leurs
revenus de deux ressources: les chambres
d'hôtes pour les touristes occidentaux
et les petits boulots en Pologne et en
Allemagne. Ils espéraient qu'ils
auraient accès à l'Europe sans visa et
qu'ils feraient leur beurre. Mais en
attendant, personne ne leur a offert le
moindre accord de circulation sans
contrainte. Les Anglais envisagent de
quitter l'UE à cause des Polonais qui
ont déferlé sur le pays; les Ukrainiens,
ce serait trop, pour Londres. Seuls les
Américains, toujours généreux aux dépens
d'autrui, ont demandé à l'UE de renoncer
au visa d'entrée pour eux.
Tandis que la place Maidan était en
ébullition, l'Ouest a envoyé ses
émissaires, ministres et députés
haranguer les foules rassemblées,
appeler à la démission du président
Yanoukovitch, et appeler de leurs voeux
une révolution pour instaurer un
gouvernement pro-occidental. Le sénateur
McCain s'est déplacé, et y a fait
quelques discours enflammés. L'UE a
déclaré le président Yanoukovitch
"illégitime" parce que trop de citoyens
manifestaient contre lui. Pourtant,
lorsque des millions de Français ont
manifesté contre leur président, et
lorsque les manifestants d'Occupy Wall
Street ont été dispersés par la force,
personne n'a pensé que le gouvernement
de la France ou le président US avaient
perdu leur légitimité...
Victoria Nuland, assistante du
Secrétaire d'Etat, a partagé ses
biscuits avec les manifestants, et a
demandé aux oligarques de soutenir la
"cause européenne", faute de quoi leurs
affaires en pâtiraient. Les oligarques
ukrainiens sont fort riches, et ils
préfèrent l'Ukraine telle qu'elle est,
toujours à cheval sur la limite entre
l'Est et l'Ouest. Ils craignent que les
firmes russes raflent leurs dépôts
bancaires si l'Ukraine rejoint l'union
douanière européenne, et ils savent
qu'ils ne sont pas assez compétitifs
pour rivaliser avec l'UE. Désormais
poussés par Victoria Nuland, ils étaient
prêts à basculer du côté européen.
Yanoukovitch était bien en peine. La
mise en défaut se rapprochait à grand
pas. Il insupportait les troupes
pro-occidentales, et agaçait ses propres
supporteurs, les gens du Sud et du
Sud-est. L'Ukraine risquait vraiment de
sombrer dans l'anarchie. Un parti
nationaliste d'extrême-droite, Svoboda
(Liberté) -probablement ce qui ressemble
le plus à un parti nazi montant en
Europe depuis 1945- lui a fait une
offre. Les politiciens de l'UE ont
accusé la Russie de pressurer l'Ukraine;
les missiles russes ont soudainement
fait leur apparition à la pointe
occidentale de la Russie, à quelques
minutes de vol de Berlin. Les forces
armées russes se sont mises à contester
la stratégie US d'"attaque préventive
destinée à désarmer l'adversaire". La
tension était très élevée.
Edward Lucas, éditorialiste pour
l'international de The Economist, et
auteur de La Nouvelle Guerre froide, est
un faucon de la variété Churchill et
Reagan. Pour lui, la Russie est un
ennemi, qu'elle soit aux mains du Tsar,
de Staline ou de Poutine. Il a écrit:
"Il n'est pas exagéré de dire que
l'Ukraine détermine l'avenir à long
terme de toute l'ex-Union soviétique. Si
l'Ukraine adopte une orientation
euro-atlantique, alors le régime de
Poutine et ses satrapies sont finis...
mais si l'Ukraine tombe entre les
griffes de la Russie, alors l'horizon
est morne, voire dangereux... la
sécurité de l'Europe elle-même sera
compromise. L'Otan est déjà en train de
tout faire pour protéger les Etats
baltes et la Pologne des forces
militaires de la Russie et de la
Biélorussie, qui sont désormais
intégrées et de plus en plus
impressionnantes. Ajoutez l'Ukraine à
cette alliance, et la migraine se fait
cauchemar."
Dans cette situation au bord du gouffre,
Poutine a porté un coup préventif: lors
d'une réunion au Kremlin, il a accepté
de racheter des Euro-bons à hauteur de
15 milliards d'euros, et a baissé les
prix du gaz naturel d'un tiers. Cela
signifiait qu'il n'y aurait pas de
défaut, pas de chômage massif, pas de
joyeuses chasses à l'homme pour les
voyous néo-nazis de Svoboda; point de
hordes de petites Ukrainiennes à pirx
discount et de bons à tout faire pour
les Allemands et les Polonais; et les
Ukrainiens auront du chauffage pour
Noël. Mieux encore, les deux présidents
sont d'accord pour renforcer leur
coopération industrielle. Quand la
Russie et l'Ukraine ne formaient qu'un
pays, ils ont construit des vaisseaux
spatiaux, mais séparément, ils peuvent
difficilement mettre un gros cargo à
l'eau. On n'en est pas encore à discuter
d'unification, mais cela ferait sens
pour les deux partenaires. Ce pays
artificiellement divisé peut être
unifié, et cela serait bénéfique pour
les deux populations, et pour tous ceux
qui cherchent à échapper à l'hégémonie
US.
Il y a encore des tas de difficultés à
venir: Poutine et Yanoukovitch sont loin
d'être des amis. Les dirigeants
ukrainiens sont enclins au reniement,
les US et l'UE ont de la ressource et
des ressources. Mais en attendant, nous
tenons une victoire à fêter pour Noël.
C'est le genre de victoire qui a protégé
l'Iran d'un bombardement US, qui a donné
le coup d'envoi aux Japonais pour
demander la fermeture de la base
d'Okinawa, qui inspire ceux qui
réclament la fermeture du bagne de
Guantanamo, soulève l'enthousiasme des
Palestiniens qui croupissent dans les
geôles israéliennes, effraie la NSA et
la CIA, et donne la force aux
catholiques français de se dresser
contre le trafic d'enfants légalisé par
le président Hollande.
***
Quel est le secret du succès de Poutine?
Dans une interview à la radio
pro-occidentale Echo de Moscou, Edward
Lucas a dit : "l'année a été excellente
pour Poutine: Snowden, la Syrie,
l'Ukraine. Il a fait échec et mat à
l'Europe. C'est un grand joueur: il
perçoit nos faiblesses et en fait ses
victoires. Il est bon dans le bluff
diplomatique, et sait diviser pour
régner. Il pousse les Européens à penser
que les US sont affaiblis, et il a
convaincu les US que les Européens sont
des bons à rien."
Pour ma part, j'offrirais une autre
explication. Les vents et courants
souterrains de l'histoire portent ceux
qui les épousent. Poutine ne ressemble
pas moins à un brigand à la tête de la
résistance globale que la princesse Leia
ou le capitaine Solo ne l'étaient dans
Star Wars. Simplement, les temps sont
mûrs pour ce genre d'homme.
A la différence du capitaine Solo, ce
n'est pas un aventurier. C'est un homme
prudent. Il ne tente pas sa chance, il
attend, il remet au lendemain, même. Il
n'a pas tenté de renverser le régime à
Tbilissi en 2008, lorsque ses troupes
étaient déjà dans les faubourgs de la
ville. Il n'a pas poussé la chance à
Kiev, non plus. Il a passé beaucoup
d'heures en rencontres avec Yanoukovitch,
qu'il n'apprécie pas, personnellement.
Comme le capitaine Solo, Poutine est un
homme prêt à payer pour ses choix, au
prix fort, et ce genre d'hommes
politiques est rare. "Savez-vous
l'expression la plus fière que vous
entendrez jamais dans la bouche d'un
Anglais?" demande un personnage de James
Joyce; et il répond: "sa devise la plus
orgueilleuse c'est : j'ai payé de ma
personne." Evidemment, c'étaient des
Anglais d'autrefois, bien avant les
Blair et compagnie.
Alors que McCain et Victoria Nuland,
Merkel et Beildt parlent de choix
européen pour l'Ukraine, aucun d'entre
eux n'est prêt à payer le prix pour
cela. Seule la Russie y est prête, dans
le sens de Joyce, soit en liquide, comme
maintenant, soit en sang versé, comme
pendant la Deuxième guerre mondiale.
Poutine est en outre quelqu'un de
magnanime. Il a célébré sa victoire
ukrainienne et il a fêté d'avance la
Nativité en pardonnant à ses ennemis
politiques personnels, et en les
libérant: les punkettes Pussy Riot,
Khodorkovsky l'oligarque assassin, les
émeutiers divers... Et dans sa dernière
conférence de presse il a incarné le
mode Solo, ce qui, pour un homme dans sa
situation, est très bon signe.
Israël Shamir, depuis Moscou, envoie des
reportages pour Counterpunch, décrypte
l'actualité sur Russa Today et tient une
rubrique régulière dans le plus grand
quotidien russe Komsomolskaya Pravda. Il
est joignable sur adam@israelshamir.net.
Traduction: Maria Poumier
Le sommaire d'Israël Shamir
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