Opinion
Quand Fabius cajole un lobby sioniste
américain
Hicham Hamza
Photo:
D.R.
Mardi 13 mai 2014
INFO
PANAMZA. Lundi, le ministre des Affaires
étrangères était à Washington pour tenir
un discours pro-israélien au sein d'une
organisation dirigée par un "faucon"
du lobby sioniste américain. Décryptage.
Imaginez un groupe étranger et
pro-palestinien de pression -dénommé "le
Comité anglais musulman" et
auto-surnommé "le Département
d'État du peuple musulman" -
qui aurait toute l'attention du ministre
français des Affaires étrangères. A tel
point que celui-ci se rendrait à leur
grand-messe annuel, organisé au Caire,
pour y tenir un discours
particulièrement favorable envers
l'Autorité palestinienne et le Hamas.
Un tel scénario s'est produit,
à deux ou trois détails près.
Hier soir, Laurent Fabius,
actuellement
en visite officielle aux Etats-Unis,
était à Washington pour
se joindre au "forum global"
de l'AJC.
Thèmes de son intervention
diffusée -par webcast- hier soir, à
minuit (heure française): la lutte
contre l'antisémitisme sur Internet, la
défense de la sécurité d'Israël et la
"menace" du nucléiare iranien.
Composante du lobby
sioniste américain, cette organisation -fondée
en 1906 et forte aujourd’hui de 175 000
membres- exerce une influence auprès
de nombreux dirigeants occidentaux
(parmi lesquels, dans le passé, Nicolas
Sarkozy et François
Fillon).
Elle organise également -depuis
une trentaine d’années- des séjours
en Israël à destination des futurs
leaders politiques, financiers,
médiatiques et culturels. Le but ?
Donner à voir une image positive de
l’Etat hébreu et faire nouer localement
des contacts avec des personnalités du
monde entier considérées comme de
potentiels décideurs influents dans
l’avenir. Chaque participant coûte 5000
dollars à l’AJC.
Parmi les "élèves" du "programme
éducatif" de la session 2011
figurait, comme
l'avait révélé Panamza, un certain
Manuel Valls. Celui-ci aura rencontré
l'AJC trois fois en l'espace d'un an (février
2013, juin
2013 à New York,
février 2014). Sans oublier
une rencontre antérieure durant la
dernière campagne présidentielle: Manuel
Valls, alors directeur de communication
de l'équipe du candidat Hollande (lui-même
financièrement appuyé -juste
auparavant- par un lobby
euro-israélo-américain) s'était
entretenu -en février
2012- avec David Harris.
Le 18 février 2014, l'AJC avait
également été reçu -durant
45 minutes- par Laurent
Fabius, un ministre particulièrement
déférent envers la mouvance sioniste.
Une semaine auparavant, les 13
et 14 février, Fabius et Valls – alors présentés actuellement
par les instituts de sondages et les
faiseurs d'opinion comme d'éventuels
concurrents pour Matignon-
rencontrèrent, l'un après l'autre,
Avigdor Liberman, ministre israélien des
Affaires étrangères et leader de
l'extrême droite dans son pays.
"Faucon"
Harris est à Liberman ce que Shimon
Peres est à Benyamin
Netanyahou. Ou Claude
Askolovitch à Gilles-William
Goldnadel: la version diplomatique
et enjôleuse de la même
idéologie sioniste et radicale. En
janvier 2013, le quotidien israélien Haaretz avait accolé
à David Harris le terme peu flatteur
de "faucon" ("Harris is
aligned with a more hawkish approach").
Sous-entendu: en dépit de son
style modéré, l'homme -qui a surnommé
son groupe le "Département d'État du
peuple juif" selon le journal- est
adepte d'une ligne dure, intransigeante
et belliciste dès lors qu'il s'agit de
défendre Israël.
Nulle surprise, dès lors, à le
voir organiser régulièrement des débats
alarmistes sur l'islam, notamment en
compagnie de l'islamophobe Ayaan
Hirsi Ali qu'il encense,
allant jusqu'à affirmer qu'il "partage
son combat".
Aujourd'hui, David Harris,
chantre quasi-mystique de l'État
d'Israël, rendra
également hommage -en
présence d'une
délégation du
Crif- à Latifa
Ibn Ziaten. Présentée comme une "voix
courageuse issue du monde musulman", la mère
de la première victime de
l'affaire Merah
se verra décernée le prix du
"courage moral" pour son
"combat contre la
radicalisation".
HICHAM HAMZA
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