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Russie, Israël et Syrie
Sharif Nashashibi
Photo:
D.R.
Mercredi 16 décembre 2015
Par Sharif Nashashibi
(revue de presse / opinion : Middle East
Eye – 11/12/15)*
« L’axe de
la résistance » devient de plus en plus
tributaire de la Russie, un pays dont
les relations avec Israël ne cessent de
se renforcer.
Tout au long du conflit syrien, le
régime et ses partisans ont tenté de
présenter l’opposition à la révolution
comme synonyme d’opposition à Israël.
Les objectifs de cette campagne de
propagande consistent à s’attirer un
soutien, à saper l’insurrection et à
contrecarrer la répulsion généralisée
dans la région face à la brutalité du
régime syrien et au soutien militaire
direct qu’il reçoit de ses alliés
étrangers, principalement de l’Iran, de
la Russie et du Hezbollah libanais.
Ces efforts ont subi un revers
lorsque le Hamas, la composante
palestinienne de « l’axe de la
résistance », qui comprend le Hezbollah,
Damas et Téhéran, a publiquement
approuvé la révolution, saluant « le
peuple héroïque de Syrie qui lutte pour
la liberté, la démocratie et la réforme
».
Le soutien de la Russie au président
syrien Bachar al-Assad a affaibli
davantage les références
anti-israéliennes de son camp.
L’implication militaire directe de
Moscou en Syrie, via la mise en place de
bases, l’envoi de troupes et les frappes
aériennes, aurait sauvé un régime qui,
cet été, semblait proche de
l’effondrement. Au départ, celle-ci a
été dépeinte par les partisans de Bachar
al Assad et les israéliens comme une
menace potentielle pour les ambitions et
la marge de manœuvre d’Israël en Syrie.
Toutefois, la participation directe
de la Russie a permis de mettre en
évidence ses liens de plus en plus
étroits avec Israël. Cette solide
relation est minimisée par Israël afin
de ne pas contrarier les États-Unis, par
la Russie pour ne pas aliéner Damas et
Téhéran, et complètement ignorée par «
l’axe de la résistance », sans le Hamas
maintenant, de manière à éviter tout
embarras.
Cette alliance prétend défendre la
cause palestinienne, alors que le régime
de Bachar al Assad affame et bombarde
les réfugiés palestiniens de Yarmouk. Or
Moscou, allié clé de l’alliance, est
également un allié clé du pays même
auquel l’axe est censé résister, bien
que ce rôle de résistance ait longtemps
été réduit à de simples paroles en l’air
puisque l’alliance tue activement des
syriens à la place.
Alors qu’Israël massacrait des civils
palestiniens dans la bande de Gaza
l’année dernière, le président russe
Vladimir Poutine déclarait que « je
soutiens la lutte d’Israël, car il tente
de protéger ses citoyens ». Quelques
mois plus tôt, Israël, comme l’Iran, le
Liban et la Syrie, avait refusé de
condamner l’annexion de la Crimée par la
Russie.
Au moment où la solidarité avec Gaza
contre l’attaque d’Israël s’exprimait au
niveau régional et international, Bachar
al Assad a mis un coup au Hamas, qui
gouverne le territoire, en parlant «
d’amateurs qui portent le masque de la
résistance en fonction de leurs intérêts
pour améliorer leur image ou consacrer
leur autorité ».
Cela de la part de quelqu’un qui,
comme l’Iran, n’a jamais résisté
directement à Israël, même contre
l’occupation du territoire syrien et les
violations répétées de la souveraineté
syrienne. Il semble qu’on puisse
sacrifier plus facilement des vies
palestiniennes et libanaises au nom de
la résistance.
Sauver
Bachar al Assad n’est « pas
nécessairement » mauvais pour Israël
Moscou a prévenu Israël avant de
lancer sa campagne aérienne en Syrie,
Mercredi 30 Septembre 2015.
Quelques jours avant, le premier
ministre israélien Benjamin Netanyahou a
rencontré Vladimir Poutine en Russie.
Benjamin Netanyahou n’était pas
accompagné par la presse, mais avait
emmené ses principaux généraux qui,
comme l’a fait remarquer le journal
israélien Jerusalem Post, « accompagnent
très rarement le premier ministre lors
de ses voyages à l’étranger ».
Cela a fait naître des spéculations
sur l’étendue de la collusion bilatérale
concernant la campagne aérienne, que
Benjamin Netanyahou n’a pas critiquée.
En octobre 2015, un de ses confidents a
confié à Reuters « qu’un partenariat
russe avec l’Iran et le Hezbollah pour
sauver Bachar al Assad n’est pas
nécessairement mauvais pour nous ».
Immédiatement après sa rencontre avec
Vladimir Poutine, Benjamin Netanyahou a
déclaré que Moscou lui avait donné
l’assurance qu’il ne ferait pas obstacle
à des frappes israéliennes sur les
transferts d’armes syriens au Hezbollah,
ce que Vladimir Poutine n’a pas nié.
En effet, bien que la Russie déploie
ses systèmes les plus avancés de défense
aérienne dans le conflit syrien, Israël
a effectué la semaine dernière plusieurs
raids au nord de Damas sans entrave et
aurait ciblé un convoi du régime composé
de quatre camions chargés de missiles
balistiques. Tant pis pour l’espoir des
partisans de Bachar al Assad de voir
Moscou couper les ailes d’Israël en
Syrie.
Le ministre israélien de la défense,
Moshe Yaalon, a résumé la situation
entre son pays et la Russie vis-à-vis de
la Syrie de la manière suivante, « nous
ne les dérangeons pas et ils ne nous
dérangent pas non plus ».
Cependant, cela va beaucoup plus loin
que de simplement rester en hors du
chemin de l’autre.
Amos Gilad, directeur de la division
politique et sécurité du ministère de la
défense israélien, a souligné le mois
dernier « l’excellente coordination
concernant la sécurité qui a commencé
juste après la rencontre entre Benjamin
Netanyahou et Vladimir Poutine », qui a
eu lieu quelques jours avant le
lancement de la campagne de l’air russe.
Une ligne directe a été mise en place
et des exercices aériens communs ont été
menés. Après de nouvelles discussions
avec Vladimir Poutine à la fin du mois
de novembre 2015, Benjamin Netanyahou a
annoncé une coordination militaire
accrue concernant les frappes aériennes
en Syrie.
Triangle
avec la Turquie
Moscou et Israël ont cherché à faire
de ce dernier un bénéficiaire de la
dispute concernant l’avion de chasse
russe abattu par la Turquie. Vladimir
Poutine a cité Israël comme une
alternative aux importations turques et
Israël a exprimé sa volonté de combler
le vide. Il investit également deux
millions quatre cent mille euros
supplémentaires dans une campagne visant
à attirer les touristes russes suite aux
restrictions sur les voyages en Turquie
et en Égypte, pays qui représentaient à
eux deux un tiers de l’ensemble des
touristes russes l’année dernière.
Dans une démonstration publique et
évidente d’opportunisme politique suite
à la destruction de l’avion militaire
par la Turquie, les responsables
israéliens ont expliqué que des avions
de chasse russes pénètrent parfois dans
l’espace aérien israélien mais que de
tels incidents sont résolus en
communiquant.
Israël entretient des relations
étroites avec la Russie de Vladimir
Poutine. C’est le premier pays qu’il a
visité après sa réélection en 2012, et
comme le souligne le correspondant
d’Haaretz Anshel Pfeffer, « tout au long
de sa présidence, il a fait en sorte de
rencontrer les dirigeants israéliens
chaque année ». Depuis 2014, la Russie
est le plus grand fournisseur en pétrole
brut d’Israël.
Cependant, les graines de ces liens
étroits ont été semées avec
l’effondrement de l’union soviétique en
1991 qui a entraîné un afflux de juifs
de l’ancienne union soviétique en
Israël. Ils représentent maintenant plus
d’un million de citoyens sur les huit
millions deux cent mille citoyens que
compte Israël, le troisième plus grand
nombre de russophones à l’extérieur des
anciens états soviétiques et le plus
élevé par rapport à la population
totale.
La Russie compte la plus grande
communauté d’expatriés en Israël au
monde, presque tous des russophones
natifs. Le russe est maintenant la
troisième langue la plus parlée en
Israël après l’hébreu et l’arabe.
En tant que tel, il n’y a rien de
surprenant à ce que des liens bilatéraux
étroits se tissent. Cependant, dépeindre
une plus grande implication de la Russie
en Syrie comme un obstacle à la
puissance et aux ambitions d’Israël
relève au mieux de l’ignorance et, au
pire de la tromperie pour le camp de
Bachar al Assad.
« L’axe de la résistance » devient de
plus en plus tributaire de la Russie, un
pays dont les relations avec Israël ne
cessent de se renforcer, une vérité qui
dérange et sur laquelle l’alliance et
ses partisans continuent à fermer les
yeux.
Photo : Vladimir
Poutine et Benjamin Netanyahou
Sharif Nashashibi est un
journaliste et analyste qui collabore
notamment avec Al-Arabiya News et
Al-Jazeera English.
*Source :
Middle East Eye
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