France-Irak
Actualité
Qassem Suleimani, un «Guevara» chiite
Gilles Munier
Photo:
D.R.
Jeudi 1er janvier 2015
(Afrique Asie – janvier
2015)
Le 10 juin dernier, quelques heures
après la prise de Mossoul, le jet privé
du général iranien Qassem Suleimani,
commandant des Forces al-Quds,
a atterri à Bagdad. Il était accompagné
d’«experts» iraniens et du
Hezbollah libanais. Objectifs
prioritaires : remonter le moral des
troupes chiites irakiennes et empêcher
l’Etat islamique (EI) de
s’emparer du sanctuaire chiite de
Samarra. Le maître-espion, parfaitement
informé du projet de l’opposition
sunnite de renverser Nouri al-Maliki, et
qui fuyait jusque-là les médias comme la
peste, est ensuite apparu en plein jour
et en photo sur tous les points chauds
anti-EI .
Fin août dernier, on l’a vu sur
You Tube fêtant la libération d’Amerli
avec des membres de milices chiites
irakiennes. Début novembre, Suleimani
était à Jurf al-Sakher, ville à majorité
sunnite, située à 50 km au sud de
Bagdad, tenue par l’Etat islamique qui
barrait la route à des millions de
pèlerins se rendant, comme chaque année,
dans la ville sainte chiite de Kerbala.
Fin novembre, il apportait son soutien
aux peshmergas à Jalawla située dans les
zones pétrolières, revendiquées par la
Région autonome du Kurdistan et occupées
sur ordre de Massoud Barzani après la
prise de Mossoul par l’EI, puis
« libérée » par les djihadistes
aidés par des membres de la tribu Kroui,
anciens militaires dans l’armée
irakienne de Saddam Hussein. La
frontière avec l’Iran étant proche,
l’aviation iranienne est entrée en
action et l’EI s’est retiré.
Mais, au final, Barzani a eu la mauvaise
surprise de voir les milices chiites
contester son autorité sur les
territoires reconquis.
L’omniprésence du général Suleimani
sur le front anti-EI, et la
médiatisation qui en a été faite l’ont
vite transformé en « sauveur suprême
» de tout ce que l’Iran possède de
collaborateurs et alliés en Irak, une
sorte de « Che Guevara »
chiite…. Des milices chiites comme
Asaib ahl al-Haq (la Ligue des
Vertueux), condamnées pour des
atteintes aux droits de l’homme
comparables à celles de l’EI –
assassinats, tortures, nettoyages
ethniques - sont quasiment
réhabilitées par les récits de leurs
batailles contre les djihadistes. Du
coup, Hadi al-Amiri, chef de la Brigade
Badr, créée par l’ayatollah Khomeini
pendant la guerre Iran-Irak, en photo
aux côtés de Suleimani, est devenu un
des dirigeants les plus puissants de la
scène irakienne. Il a fait du forcing
pour devenir ministre de l’Intérieur de
Haidar al-Abadi, nouveau Premier
ministre, mais a dû retirer sa
candidature devant la levée de boucliers
des quelques personnalités sunnites
pro-gouvernementales. Mohammed al-
Ghabban, un de ses proches a été nommé,
avec son accord, à sa place. Par son
intermédiaire, Amiri et le général
Suleimani auront les mains libres pour
constituer l’encadrement d’une «
Armée populaire » dans laquelle
devraient se fondre toutes les milices
chiites pour ne pas laisser trop de
terrain à une « Garde nationale
sunnite » financée par les
Etats-Unis.
Barak Obama n’est pas étranger au
rappel par les Nations unies d’une
décision, prise en 2007, interdisant au
général Suleimani tout voyage à
l’étranger. L’intéressé n’en a jamais
tenu compte. Sous sa direction -
outre l’Irak, la Syrie et le Liban
- le champ d’intervention des Forces
al- Quds couvre désormais le Yémen
où, avec son aide, les rebelles houtis -
chiites zaïdites, c’est-à-dire ne
reconnaissant que les cinq premiers
imams descendants du Prophète Muhammad
- ont pris le contrôle de Sanaa, la
capitale. Pas étonnant qu’en Iran, la
popularité de Qassem Suleimani enfle
crescendo. Le « martyr vivant »,
comme le surnomme l’ayatollah Khamenei,
Guide suprême de la République
islamique, pourrait être appelé à de
plus hautes fonctions.
© G. Munier/X.
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Publié le 2 janvier 2015 avec
l'aimable autorisation de Gilles Munier
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