L'actualité du
droit
Volkswagen : Reste-t-il assez de
non-fraudeurs
pour licencier les fraudeurs ?
Gilles Devers
Mardi 22 septembre 2015
C’est une asso étasunienne et
allemande,
L’International Council on Clean
Transportation (ICCT), qui vient de
mettre Volkswagen à poil, et le
spectacle n’est pas affriolant : depuis
fin 2008, les voitures étaient équipées
d’un logiciel espion qui enclenchait un
mécanisme de limitation des gaz
polluants au moment des tests, alors que
le niveau réel, pour l’usage courant de
la voiture, était très supérieur. Les
contrôles étatiques ont été bernés,
pendant des années, le temps de vendre
482.000 véhicules aux US, dit-on. Wahou.
L’association
a procédé à ses propres tests, et elle a
réussi à empapaouter le logiciel
vicelard : aussi, elle a trouvé de gros
écarts, et a transmis à
l'agence fédérale de protection de
l’environnement (EPA) et à une
agence de l'Etat de Californie, qui
enquêtent à vitesse grand V.
C’est de la
fraude ultra-intéressée car Volkswagen
en faisait des tonnes sur le thème de la
voiture « propre » face à ses rivaux
étasuniens, pas au niveau. C’est en plus
une atteinte à la santé publique, car
les voitures dégageaient tout ce qu’il
ne faut pas, à commencer par le dioxyde
d'azote, que nos poumons n’aiment pas du
tout.
Ces faits
d’une gravité exceptionnelle interrogent
sur le nombre de personnes impliquées,
et leur niveau dans la hiérarchie :
peut-on imaginer qu’un tel système ait
pu être imaginé, conçu et réalisé
pendant presque dix ans, dans le but
exclusif de flinguer les concurrents,
sans que les plus hauts dirigeants aient
donné leur feu vert ? En agissant de la
sorte, les dirigeants ont mis en péril
le groupe, c’est-à-dire l’emploi des
salariés qui, eux, sont d'honnêtes gens.
Ce soir, les
informations parlent d’une extension de
l’enquête vers d’autres constructeurs
impliqués dans diesel et vers l'Europe.
Wait and see…
La direction
du groupe a reconnu la fraude, a
présenté des excuses, et dit qu’elle
coopérerait avec la justice :
« Nous avons reconnu les faits
devant les autorités. Les accusations
sont justifiées.
Nous collaborons activement ».À
vrai dire, Volkswagen n’a pas beaucoup
d’autres solutions…
Alors, quelle
sanctions ?
Amende
civile
Sur le plan
financier, on parle d’une amende civile
fixée par la loi sur l'air propre (Clean
Air Act) de 37.500 dollars par
fraude. Nous serions déjà 18 milliards
de dollars. L’amende correspond
pratiquement au prix de vente de la
voiture et c’est donc une catastrophe
totale pour le groupe.
Bonne
nouvelle : cette somme sera affectée à
l’accueil des réfugiés en Europe.
- Ah bon ?
- Mais non,
c’est pour rire !
Suites
pénales
Il y a aussi
des suites pénales, pour identifier les
acteurs de la fraude, et leur juste
degré de responsabilité. Il faut
souhaiter que l’enquête soit soignée car
c’est une affaire de près de 10 ans, et
la haute hiérarchie de l’entreprise est
nécessairement impliquée. Qui ? Quand ?
Comment ?
Concurrence déloyale
A moins que
tous les constructeurs fassent de même –
nous verrons – il faudra prévoir de
solides recours en concurrence déloyale,
car Volkswagen s’est servi de l’argument
du diesel propre pour prendre des parts
de marché. A prévoir encore plusieurs
dizaines de milliards de dollars.
Licenciement des fraudeurs et des
mafieux
Hier soir, la
presse annonçait le début des règlements
de compte dans la haute direction, sur
fond de rivalités saignantes entre
actionnaires, et des démissions sont
attendues. Oki. Mais ça ne règle pas le
problème de droit du travail.
Volkswagen va
devoir assumer ses responsabilités
d’employeur… et licencier pour faute
grave tous ceux qui ont manqué à la
loyauté inhérente à l’exécution du
contrat de travail. Qui a imaginé le
projet ? À quel degré ont été prises les
décisions ? Qui fabrique ce logiciel ?
Comment est-il facturé ? On trouve quoi
en comptabilité ? Comment est-il
installé ? Comment les contrôles
internes ont-ils été truandés pour que
rien n’apparaisse ? Quid des
hauts responsables vantant les vertus
des voitures, alors que tout était
faux ? Les faits devront être appréciés
avec beaucoup de sévérité, car a été
imposée une terrible loi du silence, de
telle sorte que cette affaire ne s’est
pas ébruitée. Quelle ambiance de
chiens !
L’une des
difficultés va être de savoir qui va
gérer cette enquête interne et qui
prendra les sanctions, alors que c’est
la haute direction qui a tout
manigancé... Bref, reste-t-il assez de
non-fraudeurs pour licencier les
fraudeurs ? Il faudra peut-être inventer
l’auto-licenciement…
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