L'actualité du
droit
« Coup d'État de velours » au
Brésil :
Réponse dimanche
Gilles Devers

Mercredi 13 avril 2016
C’est ce dimanche que se
tiendra le vote crucial dans la
procédure d’impeachment qui vise à
renverser Dilma Rousseff, la
présidente démocratiquement élue il
y a eu an.
La démocratie, c’est le respect
des règles, et quand les tractations
politiques conduisent à renverser ces
règles, c’est un coup d’Etat. Le modèle
basique du coup d’Etat, c’est l’armée
qui s’empare des lieux du pouvoir et
destitue par la violence le pouvoir
légitime. Ça se voit encore, mais c’est
un trop visible, alors les complotistes
jouent plus malin.
Comme l’égyptien Al Sissi qui en
juillet 2013 a organisé en sous-main de
grandes manifs, pour paralyser le pays
et se dire obligé de répondre à l’appel
du peuple.
C’est un scénario à
l’égyptienne que tente la droite
brésilienne. Il y a un an, la Droite a
perdu les élections, et bien perdu, et
les sondages d’aujourd’hui montre que,
pour la suite, c’est Lula qui ressort en
tête, avant la Droite, n’en déplaise aux
énervés.
Il est clair que le Brésil est
miné par deux maux : la
crise économique et la
corruption. Battue dans les urnes,
la Droite a attisé le mécontentement –
pas trop difficile – pour mettre la
pression par de grandes manifs. Puis est
venue l’idée d’une procédure
d’impeachment contre Dilma Rousseff, la
présidente démocratiquement élue.
L’impeachment, ce n’est pas une
motion de censure à l’assemblée pour
renverser le gouvernement… Non, c’est
reprocher au chef de l’Etat une faute
d’une gravité telle qu’il doit être
déchu du pouvoir que lui a donné le
peuple. D’une manière ou d’une autre,
cette procédure existe dans tous les
Etats,… et dans tous les Etats elle est
réservée aux faits les plus graves, du
registre de la trahison.
Au Brésil on appelle cela «
crime de responsabilité ». Quel est donc
le crime commis par Dilma Rousseff ? On
imagine une implication lourde dans le
scandale Petrobras… Ca ne risque pas :
il n’existe aucun acte de procédure, ni
aucune preuve judiciaire mettant en
cause Dilma dans l’affaire Petrobras.
Aucune. Rien. Rien à part les
caviardages d’autres corrompus de
Droite, joyeusement montés en épingle
par la presse.
Le « crime » est d’avoir, lors
du dernier exercice comptable, fait
financer transitoirement des dépenses
sociales par un prêt bancaire, remboursé
depuis et sans dommage pour le Trésor
public. C’est ça le « crime » ! Et c’est
aussi cela le coup d’Etat : utiliser la
procédure en dehors de son cadre
constitutionnel, pour dédire le vote
populaire de l’an dernier. La
démocratie, c’est la force de
l’expression populaire, et comment
peut-on admettre qu’un an après une
élection présidentielle, les
parlementaires puissent organiser la
destitution du président pour avoir
financé pendant six mois des dépenses
sociales par un prêt…
Hier, une commission
parlementaire, par une décision
attendue, a officiellement ouvert la
première phase de la destitution, avec
comme grande étape un vote devant la
chambre des députés du Brésil se
prononcera dimanche à 14H00, soit 19H00
à Paris. Chaque député sera appelé par
son nom et devra se lever pour aller
annoncer son vote au micro. Le résultat
devrait être connu en fin de soirée.
Pour que la procédure se
poursuive, il faudra un vote de deux
tiers des députés (342 sur 513). Si le
chiffre n’est pas atteint, ce sera fini.
Si le seuil est atteint,
l’affaire ira au Sénat, qui devra
approuver à la majorité simple la mise
en accusation de la présidente. En cas
de vote favorable, Dilma Rousseff sera
alors écartée du pouvoir pendant un
délai maximum de 180 jours, en attendant
un vote définitif du Sénat sur sa
destitution, prononcée aux deux tiers
des suffrages des sénateurs.
Pronostic ? Il y a un courant
ascendant pour la destitution, depuis
que le grand parti centriste PMDB a
annoncé rejoindre la Droite. Des
convictions profondes : le parti espère
pouvoir installer à la place de Rousseff
son insipide leader, Michel Temer,… qui
à ce jour est le vice-président de
Rousseff. Un drôle de gus qui s’est
enregistré sur son téléphone portable à
essayer un discours d’investiture… et
qui
a fait fuiter ce document en
l’adressant à des amis… «Je confesse
qu'après, quand j'ai voulu envoyer
l'enregistrement à un ami, c'est parti à
un groupe et le message s'est diffusé».
Commentaire de Rousseff : «Nous vivons
des moments étranges de coup d'Etat, de
farce et de trahison ».
Alors, l’ascendant est
favorable, mais la chambre, c’est 25
partis, et les tractations sont intenses
ces jours-ci. Et puis
le réflexe légaliste – refuser cette
procédure car le fait reproché n’est pas
un crime – peut jouer pour quelques-uns.
Si elle prospère, la procédure
de destitution « restera dans l'Histoire
comme le coup d'Etat d'avril 2016 », a
mis en garde dans la matinée l'avocat
général du gouvernement, José Eduardo
Cardozo. Et Lula en écho : « Je n'aurais
jamais imaginé que ma génération verrait
des putschistes en train d'essayer de
renverser une présidente
démocratiquement élue».

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