L'actualité du
droit
Le Hezbollah mouvement terroriste
?
Gilles Devers
Lundi 7 mars 2016
Jusqu’où veulent aller les
Saoudiens ? Mercredi, les six monarchies
du
Conseil de coopération du Golfe (CCG),
à savoir Arabie saoudite, Qatar,
Bahreïn, Koweït, Emirats arabes unis et
Oman, ont annoncé leur décision de
considérer
«terroriste» le Hezbollah. Le
Premier ministre libanais, Tammam Salam,
a dit regretter cette décision.
Cette mesure vient dans un
calendrier bien précis, à savoir la
pression de l’Arabie Saoudite et des
autres pétromonarchies sur le Liban, ce
Liban qui cherche à défendre une unité
politique qui inclut le Hezbollah. En
toile de fond, la volonté d’un
affrontement avec l’Iran.
Cette initiative met Paris sous
tension, alors que ce fidèle allié de
Riyad est bien tenté d’aider ses
entreprises à faire des bonnes affaires
en Iran… Il y
aura des choix à faire… En 2013, la
France avait été très active pour que la
branche militaire du Hezbollah soit
portée sur la liste de l'UE des
organisations terroristes. Mais il y a
des enjeux plus contingents. Après la
dénonciation par l’Arabie Saoudite du
don de 3 milliards de dollars au
Liban pour l’équipement de son armée, la
France a négocié la
livraison du matériel… aux Saoudiens,
et on apprend – hasard total du
calendrier – que notre finissant
Hollande vient en cachette de remettre
la
Légion d’honneur au
ministre de l’intérieur saoudien, un
homme de paix chargé entre autre du
calendrier des exécutions capitales…
Alors, qualifier le Hezbollah
de groupe terroriste ? Le problème est
qu’il y a des réalités, lourdes, et les
ignorer ne mènera pas loin.
Le Hezbollah est un parti
politique, avec des représentants
légitimement élus, participant à la
coalition gouvernementale. Ramtane
Lamamra, le ministère des affaires
étrangères algérien a été le plus net
pour
dénoncer cette décision,
rappelant le principe de
non-ingérence dans les
affaires internes des pays. Pour
l’Algérie, il s’agit d’ « un mouvement
politico-militaire qui est actif sur la
scène politique interne au Liban »,
ajoutant : « Nous devons dans le même
temps respecter la Constitution du Liban
et les dispositions sur lesquelles
repose la coexistence dans ce pays ».
Ensuite, il y a les réalités du
terrain. Ces dix dernières années, le
mouvement s’est renforcé sur les plans
politique et militaire. Hassan Nasrallah
explique régulièrement que le Hezbollah
est en passe de devenir l’ennemi commun
d’Israël et de l’Arabie Saoudite, et
qu’il surveille une offensive militaire
à laquelle il se prépare. De fait, qui
peut contester l’efficacité militaire
des combattants du Hezbollah, et leur
ancrage dans la société libanaise ?
Enfin, l’Arabie Saoudite, après
s’en être prise
au Yémen, pour ses liens réels et
supposées avec l’Iran, peut envisager
d’en découdre avec Hezbollah, mais la
déstabilisation du Liban aurait des
effets ravageurs dans la région.
L’Europe laissera-t-elle s’engager une
telle opération qui enverrait une
nouvelle masse de migrants vers l’Europe
? Et puis, qui souhaite que les groupes
pro-Daech puissent prospérer dans un
Liban déstabilisé ? Aussi, en poussant
dans cette logique de l’affrontement,
l’Arabie Saoudite s’aliène le soutien
des Etats-Unis et de l’Europe, lesquels,
bien au contraire, apprécient de savoir
désormais compter sur un Iran qui
s’annonce diplomatiquement impeccable
comme grand stabilisateur de la région.
Les pétro-monarchies arabes du
Golfe – qui se sentent lâchées par les
US – jouent de plus en plus une carte
autonome, profitant de leur
faible coût d’exploitation du
pétrole pour écrouler le prix du brut,
avec la volonté ruiner d’autres pays
exportateurs et de rendre non-rentable
le
pétrole de schiste aux US,
pour fragiliser les banques qui ont
massivement joué sur cet investissement.
Prochain épisode, la réunion
des ministres arabes des Affaires
étrangères.
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