Plate-forme
Charleroi-Palestine
Cessez de vous plaindre. Longue vie à ce
nouvel et brave gouvernement israélien
Gideon Levy
Bennett et Netanyahu à la
conférence de presse du 5 mai,
annonçant l'accord de coalition entre
les deux partis. Photo : Emil Salman.
Mercredi 13 mai 2015
Le nouveau gouvernement
israélien ne dégoisera pas de slogans
creux sur la paix, les droits de l'homme
ou la justice, mais assénera la vérité à
la face des Israéliens – et du monde.
Le 34e gouvernement méritera
Israël tout comme Israël
méritera son 34e gouvernement. C'est un
gouvernement authentique et
représentatif, la manifestation vraie de
l'esprit de l'époque et des sentiments
les plus profonds de la plupart des
Israéliens. Ce sera un vrai
gouvernement, sans faux semblants, sans
cosmétiques et sans auto-justification.
Ce que nous voulons, nous l'aurons.
Bienvenue au quatrième gouvernement
Netanyahu.
Ils ne parleront pas avec arrogance
et ils ne dégoiseront pas de slogans
creux. Ni sur la paix, ni sur les droits
de l'homme ; ni sur deux États, ni sur
les négociations ; ni non plus sur les
lois internationales, la justice ou
l'égalité. C'est la vérité qui sera
assénée à la face des Israéliens et du
monde. Et cette vérité, la voici : La
solution à deux États est morte (jamais
elle n'est née), l’État palestinien ne
naîtra pas, les lois internationales ne
s'appliquent pas à Israël, l'occupation
continuera à ramper rapidement vers
l'annexion, l'annexion se muera en État
d'apartheid ; le mot « Juif »
supplantera le mot « démocratique
», le nationalisme et le racisme
obtiendront l'approbation officielle du
gouvernement, mais ils sont déjà
présents et ils le sont depuis
longtemps.
Ni Netanyahu, ni le député Naftali
Bennett, président du Habayit Hayehudi
(Foyer juif), ni les députés de ce même
parti, Ayelet Shaked et Eli Ben-Dahan,
n'ont initié tout ce processus. Ils
n'ont fait qu'accélérer les choses. Et
il ne devrait y avoir ni commotion ni
indignation, ni lamentations non plus
sur l'âpreté du sort qui nous frappe. Ce
gouvernement est placé sous le signe de
la continuation, pas sous celui du
changement.
C'est vrai, certains de ses membres
sont plus extrémistes que leurs
prédécesseurs, mais il ne s'agit avant
tout que de différences rhétoriques.
Même la désignation la plus incendiaire,
celle de Shaked comme ministre de la
Justice, qui a secoué le monde entier
durant tout le week-end, est moins
révolutionnaire qu'il ne paraît. Shaked
est brutale et violente, alors que la
députée de l'Union sioniste, Tzipi Livni,
qui l'a précédée, était délicate et
convenable. Mais la ministre de la
Justice Shaked ne devra pas fournir de
gros efforts pour fissurer notre
démocratie ; ces fissures étaient déjà
présentes depuis très longtemps.
Le meilleur test sur la nature du
régime en Israël est celui portant sur
l'occupation et les crimes de guerre ;
les fondements de l'apartheid sont déjà
profonds et il n'y a toujours pas eu
d'enquête sur les crimes de guerre.
Depuis son bureau au cœur de Jérusalem
occupée, Livni n'a pas rendu Israël plus
juste, sur ce plan. C'est vrai, les
idées de Shaked sont plus nationalistes
et sa compréhension de l'essence de la
démocratie est nulle. C'est vrai, bien
des gens dans le monde ont été choqués
de ce qu'une personne s'identifiant à
l'un des articles les plus virulents
jamais écrits chez nous contre le peuple
palestinien (de la plume d'Uri Elitzur)
ait été nommée ministre de la Justice
d'Israël. Mais il n'y a nullement lieu
ici de jouer aux moralisateurs : Elitzur
exprimait en fait ce que bien des gens
pensent.
La désignation d'un autre raciste,
Eli Ben-Dahan, au poste de vice-ministre
de la Défense responsable de
l'Administration civile, ne devrait pas
provoquer de tremblement de terre non
plus. C'est vrai, Ben-Dahana dit que
« les Palestiniens sont des bêtes, ils
ne sont pas des êtres humains, ils ne
méritent pas de vivre » – mais ces
propos ne reflètent-ils pas l'attitude
réelle de nombreux Israéliens ? Ben-Dahan
parlera en leur nom. Voilà comment
Israël traite les Palestiniens depuis
près de 50 ans ; Ben-Dahan ne fait que
dire les choses ouvertement. Désormais,
il sera responsable de l'Administration
civile et tout le système des « démarches
humanitaires » sera mis en pièces.
Ben-Dahan est l'homme idéal, au moment
le plus opportun, pour cette tâche. Une
excellente désignation.
Un individu qui affirme avec fierté
avoir « tué des masses d'Arabes
» et qui traite ces derniers d'« éclats
d'obus dans les fesses » sera
ministre de l'Éducation – et qui en
Israël ne pense pas pareil ? Le général
de l'opération Plomb durci avec
tous ses crimes, l'homme qui a enfreint
les restrictions dans la construction,
Yoav Galant, sera le ministre de la
Construction. N'est-ce pas une belle
nomination ? Le député Uri Maklev, du
parti du Judaïsme unifié de la Torah, va
devoir diriger la Commission
scientifique de la Knesset ? Mais cela
ne reflète-t-il pas fidèlement
l'attitude de certains Israéliens à
l'égard de la science ?
Cessez de vous plaindre. Peut-être le
gouvernement fantôme d'Israël devrait-il
être plus éclairé, mais ce ne sera pas
le cas de son gouvernement réel. C'est
ce que les Israéliens ont choisi, cela
reflète leurs véritables points de vue.
Et, ainsi donc, longue vie au nouveau
gouvernement !
Publié sur
Haaretz le 10 mai 2014.
Traduction : JM Flémal.
Gideon Levy est
journaliste au quotidien israélien
Haaretz.
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