Opinion
Le 'Camp sioniste'
révèle son véritable visage raciste
Gideon Levy
Haneen
Zoabi, la première Palestinienne à avoir
été élue à la Knesset,
le Parlement israélien, pour le parti
national-palestinien Baladi.
Dimanche 8 janvier 2015
Gideon Levy dans Haaretz à
propos de la disqualification de la
parlementaire Haneen Zoabi, l'empêchant
de se porter candidate à la Knesset.
Shimon Peres est de retour, son nom
est Isaac Herzog. Le vent mauvais du
Mapai est également de retour, il
s'appelle le « Camp sioniste ».
Endormez, endormez, endormez tout le
monde ; tournez vos regards vers la
droite, n'ayez d'yeux que pour elle,
rivalisez avec elle, gardez-vous bien de
toute démarche courageuse. Parfois une
décision malheureuse suffit pour se
rendre compte comment toute la chose
fonctionne. Dans le cas du Camp
sioniste, il s'agit de la décision de
soutenir la disqualification de la
parlementaire Haneen Zoabi (Joint
List – Liste unie) l'empêchant de
se porter candidate à la Knesset. Avec
une gauche de cet acabit, nous n'avons
plus du tout besoin du président de
Yisrael Beiteinu, Avigdor Lieberman ;
Yariv Levin, du Likoud, fera très bien
l'affaire.
Le seul espoir que le Camp sioniste
soit parvenu à créer, c'était qu'il
allait au moins mettre un terme à
l'écrasement de la démocratie par la
droite. Des gens comme Herzog, les
députés Tzipi Livni, Shelly Yacimovich,
Merav Michaeli et Stav Shaffir
connaissent deux ou trois choses des
dangers qui guettent la démocratie ici.
Ils savent également que le véritable
test de la démocratie se situe dans son
attitude envers les Arabes et la gauche
radicale. Aujourd'hui, cet espoir a été
anéanti.
Si le Camp sioniste disqualifie
Zoabi, une candidate courageuse,
authentique et légitime qui n'a pas fait
de mal à une mouche et qui reflète les
opinions de ses électeurs, les Arabes
d'Israël et les vrais partisans de la
démocratie le sauront : Sur cette
question non plus, il n'y a pas de
différence entre la droite et cette
gauche. Après que Herzog a annoncé que «
dans la guerre contre le terrorisme,
il n'y a pas de différence »,
aujourd'hui, il n'y a pas de différence
non plus dans la guerre contre les «
Zoabi ». Ainsi donc, qu'est-ce que
veut tout ce camp ? Et Manuel
Trajtenberg [l'économiste identifié aux
protestations sociales de 2011 et qui
désormais a rallié le Camp sioniste] ?
La première conclusion des Arabes
d'Israël et de leurs représentants à la
Knesset doit être celle-ci : Pas de
coopération avec le Camp sioniste,
ni durant les élections, ni après. Ne
pas voter pour lui et ne pas recommander
au président que Herzog forme le
prochain gouvernement. Herzog a signé le
décret de divorce lui-même, après avoir
déjà annoncé l'exclusion de la Liste
unie de son gouvernement. Il doit en
payer le prix.
Mais, dans sa décision, le Camp
sioniste a prouvé quelque chose de
plus profond et de plus significatif :
Dans l'Israël de 2015, le sioniste et la
démocratie ne peuvent aller main dans la
main ; il y a une contradiction interne,
inhérente et inévitable, entre le
sioniste contemporain et les droits de
la minorité arabe d'Israël et il y a
aussi, naturellement, une contradiction
profonde entre « juif » et «
démocratique ».
De ce point de vue, le Camp sioniste a
rendu une grande contribution à la
vérité : cela n'existe pas, « juif
» et « démocratique ». Dans sa
décision, le Camp sioniste a
choisi « juif » au détriment de
« démocratique » : Le Camp
sioniste sait que, derrière la
décision de disqualifier Zoabi, se tient
le désir transparent d'écarter tous les
« Zoabi » de la Knesset. Cela
n'existe pas, une démocratie où les
responsables élus sont empêchés
d'émettre des critiques, comme Zoabi est
accusée de le faire, à l'encontre d'un
membre de leur propre peuple qui sert
dans une force de police tuant d'autres
membres de leur peuple.
Mais un parti qui a choisi de s'appeler
le « Camp sioniste », en
crachant au visage des Arabes dont
certains l'ont soutenu dans le passé, ne
peut qu'appuyer la disqualification d'un
individu qui menace l'ordre sioniste et
défie les privilèges juifs au sein d'une
démocratie complètement déformée. Zoabi
devrait être disqualifiée, selon Herzog
et Livni, parce qu'elle met en danger la
structure idéologique chancelante sur
laquelle leur camp s'appuie, et qui ne
propose aucune solution au problème
palestinien ni de réponse aux Arabes
d'Israël. Ce camp sait seulement comment
tricher et tromper, aux mieux de sa
tradition. Livni veut en arriver à un
arrangement, mais uniquement pour
réaliser son rêve d'un État juif, un
rêve nationaliste dans tous les sens du
terme. Et Herzog ne veut que plus de
négociations encore, et ainsi il y aura
la paix et la tranquillité.
Conscient des légers dégâts que le
Camp sioniste pourrait provoquer,
il s'est hâté d'« équilibrer »
sa décision : Il soutiendra également la
disqualification de Baruch Marzel, de
l'ultra-droite. Cet équilibrage
complètement absurde, si typique, est
même pire encore dans son hypocrisie.
Aux yeux du Camp sioniste, le
tueur en série, la brute violente et
déclarée coupable est comparable à Zoabi,
qui n'a jamais été déclarée coupable de
quoi que ce soit. Mais ayez confiance
dans le Camp sioniste et dans
les sycophantes arabes. Assez tôt, nous
verrons Herzog et Livni en tournée dans
les communautés arabes, en train de
manger du knafeh, de se faire prendre en
photo avec des gens coiffés de keffiehs
et de scander des slogans lapidaires à
propos de la démocratie, de la paix et
de l'égalité.
Publié sur
Haaretz le 8 février 2015
Gideon Levy est
journaliste au quotidien israélien
Haaretz.
Il a publié : Gaza, articles
pour Haaretz, 2006-2009,
La Fabrique, 2009
Traduction pour le site de la
Plate-forme Charleroi-Palestine : JM
Flémal.
Publié le 9 janvier
2015
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