Tendances de
l'Orient
La Syrie, l'Ukraine et le monde nouveau
Ghaleb Kandil
Photo:
D.R.
Lundi 3 mars 2014
Ce qui s'est passé en Ukraine est le
résultat d'une décision
américano-européenne, prise depuis un
certain temps, d'asséner un coup dur à
la Russie au cœur de sa sphère
d'influence stratégique. L'Ukraine est
d'une grande importance sur les plans
économique et militaire pour la Russie.
Située entre l'Asie et l'Europe de
l'Est, elle constitue un de ses rares
accès aux eaux chaudes, avec la flotte
de la Mer noire, basée en Crimée. C'est
par l'Ukraine, aussi, que passe les
gazoducs, qui alimentent l'Europe en gaz
russe. Il va sans dire que le coup
d'Etat américano-européen en Ukraine est
totalement anticonstitutionnel et n'a
rien de démocratique ni de pacifique. Il
constitue une violation flagrante de
l'accord conclu sous l'égide des
ministres européens des Affaires
étrangères entre le président Viktor
Ianoukovitch et l'opposition. Les
empreintes des services de
renseignements américains et européens
apparaissent clairement dans les
événements qui ont conduit à l'éviction
de Ianoukovitch, lequel a trouvé refuge
en Russie. Cette escalade occidentale
face à la Russie a pour but d'imposer à
Moscou les règles du nouveau partenariat
international, dirigé par les
Etats-Unis, conformément au concept de
Richard Haas, président de l'Institut
américain des relations extérieures. Ces
développements placent la Russie devant
le défi de défendre sa sécurité
nationale et ses intérêts supérieurs,
ainsi que sa conception du partenariat
international entre elle et les
Etats-Unis. Il faut reconnaitre que la
Russie a fait preuve d'un laisser-aller
à la veille de la conférence de Genève
II sur la Syrie, ce qui a encouragé
Washington et l'Occident à tester la
possibilité de forcer le bras du
commandement russe et de consacrer des
précédents et des faits accomplis
supplémentaires. En acceptant que l'Iran
ne soit pas invité à la conférence de
Genève II, et que le secrétaire général
des Nations unies, Ban ki-moon, continue
à recevoir des ordres des Etats-Unis, la
Russie a donné des signaux de soumission
au concept du partenariat conduit par
les Américains, au détriment de la
logique de l'équilibre et de l'égalité
des responsabilités. Cela a
naturellement poussé les Américains et
les Occidentaux à faire preuve
d'arrogance et d'actes provocateurs, qui
se sont manifestés à la conférence de
Munich au sujet de l'Ukraine et du
bouclier anti-missile. L'Etat syrien est
parvenu, à travers sa fermeté dans la
gestion de la confrontation, à faire
échec à l'agression et à préserver son
alliance avec la Russie. La solidité, la
rationalité et l'esprit de résistance,
avec lesquels la délégation
gouvernementale syrienne a négocié à
Genève, ont permis de faire échouer le
plan américain d'exploiter les lacunes
apparues à cause de la mollesse relative
de la Russie. Aujourd'hui, après ce qui
s'est passé en Ukraine, toute
réévaluation de la part de la Russie
doit aboutir à une plus grande fermeté
dans la lutte contre le terrorisme et à
un isolement de tous les Etats impliqués
dans le soutien au terrorisme. Elle doit
s'activer au Conseil de sécurité pour
agir contre les sponsors du terrorisme,
conformément à la vision défendue par la
Syrie et l'Iran. Ces deux pays ont
déployé des efforts sérieux pour
préserver et renforcer leur alliance
avec la Russie, tout en prenant soin de
ménager les calculs de Moscou, même
lorsqu'ils n'étaient pas totalement
convaincus de la lecture et de l'analyse
russe de la position américaine au sujet
de la lutte contre le terrorisme. Un
terrorisme soutenu, financé, armé et
entrainé par des Etats satellites des
Etats-Unis, notamment la Turquie, le
Qatar et l'Arabie saoudite. Quelle que
soit la nature de la riposte de la
Russie en Ukraine, elle sera en harmonie
avec une politique russe plus ferme dans
le dossier syrien. Pendant ce temps,
l'Etat syrien et ses alliés enregistrent
des succès politiques et militaires et
le leadership syrien jouit d'un soutien
populaire grandissant. Les Etats-Unis
s'apprêtent à couvrir un projet
israélien d'établir une "zone de
sécurité" en territoire syrien, placée
sous le contrôle d'une milice syrienne
auxiliaire d'Israël. Quelques mois nous
séparent de l'heure de vérité en
Afghanistan, où l'administration Obama
sera contrainte d'ouvrir des canaux de
négociations avec l'Iran et la Russie.
Ces mois vont connaitre l'apparition de
nouvelles équations, permettant
d'instaurer un nouveau partenariat
international, qui doit commencer par le
changement de la structure et des
rapports de force aux Nations unies,
pour libérer cette organisation de
l'hégémonie américaine. La victoire de
la Syrie, qui se profile à l'horizon,
sera couronnée par la réélection du
président Bachar al-Assad, comme le
reconnaissent des rapports de
renseignements américains présentés au
Congrès américains. On assistera alors à
la naissance du monde nouveau.
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