Palestine
Les marches du retour : le défi
palestinien au monde
Fadwa Nassar
Dimanche 14 octobre 2018
Lancée le 30 mars dernier, à l’occasion
de la Journée de la terre, la « grande
marche du retour » se poursuit dans la
bande de Gaza et semble bien être sur le
point de s’étendre vers la Cisjordanie
occupée. La 29ème marche du
vendredi 12/10 s’est achevée par un
massacre perpétré par les sionistes, une
fois encore, avec l’exécution de 7
manifestants. Près de 300 blessés, dont
certains gravement atteints par des
balles explosives, ont été transportés
par des ambulances, ciblées également
par les soldats sionistes.
La « grande marche
du retour » a dévoilé toute la
brutalité, la cruauté, le racisme et
l’arrogance de l’entité d’occupation,
mais aussi sa faiblesse, son instabilité
politique, sa lâcheté et sa veulerie.
Lorsque des dizaines de milliers de
Palestiniens de tous âges se retrouvent
une fois par semaine, pendant quelques
heures, à proximité des barrières
installées par les sionistes séparant ce
qu’ils ont volé de ce qui ne l’est pas,
pour manifester pacifiquement (sans
armes à feu) et réclamer leur droit à
retourner dans leur pays volé et leur
droit à vivre dignement sans blocus, les
soldats sionistes tirent, blessent,
estropient, tuent et dansent de joie
lorsqu’ils visent des enfants âgés de 12
ans ou des secouristes. C’est la scène
renouvelée chaque semaine, depuis le 30
mars aux yeux du monde, scène à laquelle
se sont ajoutées les scènes
hebdomadaires maritimes, qui veulent
briser le blocus meurtrier instauré
depuis 12 ans sur près de deux millions
d’êtres humains, blocus accepté ou
encouragé par la communauté
internationale.
La « grande marche
du retour » dévoile l’implication, la
compromission, l’hypocrisie ou
l’impuissance de ce qui s’appelle
« communauté internationale » lorsqu’il
s’agit de l’entité coloniale sioniste.
Depuis le 30 mars, les Etats et
organismes internationaux qui la
composent assistent à des massacres sans
oser lever la voix contre le monstre
qu’ils ont engendré, aidé ou protégé.
Comme elle dévoile la soumission et la
bassesse des Etats arabes et musulmans
qui s’empressent de normaliser des
relations avec cette entité criminelle,
croyant que ce faisant, ils verront
s’ouvrir à eux les portes de la fortune,
alors qu’en réalité, c’est la porte de
l’enfer qui s’ouvrira pour les
engloutir.
Parce qu’elle se
poursuit avec toute la détermination
d’un peuple héroïque, la « grande marche
du retour » a mis dans l’impasse et
réussi à ébranler l’entité coloniale, la
communauté internationale et tous ceux
qui gravitent autour. Ils se posent les
questions : que faire de la bande de
Gaza ? Comment arrêter ces marches ?
Comment jeter des miettes et faire
semblant de résoudre la question du
blocus tout en le maintenant ? Comment
calmer les Palestiniens sans fâcher
l’entité coloniale ? L’armée
d’occupation a essayé de faire cesser
les marches du retour en tuant, mais le
nombre des participants a plus que
doublé, à partir du mois de septembre,
et les unités de harcèlement nocturne et
récemment, l’unité des arcs à flèche, se
sont ajoutées aux unités du caoutchouc,
de la cisaille (cisailler les barbelés),
des ballons incendiaires et des cerfs
volants, car le peuple palestinien a
trouvé dans ces marches, et notamment à
partir de la bande de Gaza, de quoi
satisfaire son ingéniosité et son
courage.
L’entité coloniale,
excédée par les marches du retour,
essaie de trouver une solution pour les
stopper. Considérant que c’est le
mouvement Hamas qui les anime (bien
qu’il y participe activement), les
sionistes proposent d’alléger le blocus,
et non de le supprimer, en contrepartie
de l’arrêt des marches, ce que refuse
complètement le haut conseil national
des marches du retour, dont le président
Khaled al-Batsh a récemment déclaré :
« les solutions partielles des crises
vécues par la bande de Gaza ne mettront
pas fin aux marches du retour, car il
faut que le blocus entier soit levé »,
ajoutant : « les marches se poursuivront
jusqu’à la réalisation de leurs
objectifs premiers et les sacrifices des
blessés et des martyrs ne feront l’objet
d’aucune concession ». Même la fin du
blocus criminel contre la bande de Gaza
ne fait pas partie de ces objectifs
premiers, qui ont été définis dès le
départ : le retour des réfugiés à leurs
terres spoliées en 48, en 67 et après,
et faire échec au plan américain dans
ses deux volets les plus importants :
al-Quds et la question des réfugiés.
Quelques mois après
le début des marches du retour, la
« communauté internationale » vole au
secours de l’entité coloniale sioniste,
en proposant de régler cette
insubordination palestinienne à l’ordre
impérialiste, par un allègement contrôlé
du blocus, sans nécessairement passer
par l’Autorité de Mahmoud Abbas. Car les
marches du retour n’ont pas seulement
mis dans l’impasse l’entité coloniale et
ses supports, mais également l’Autorité
palestinienne de Mahmoud Abbas, l’Egypte
et le Qatar, principalement, quant à la
question soulevée : comment retrouver le
calme aux abords de la bande de Gaza,
sans irriter l’entité sioniste, d’une
part, et sans irriter Mahmoud Abbas,
d’autre part, alors que les intérêts des
uns et des autres semblent se
contredire ? Faut-il réclamer la
soumission totale de la bande de Gaza à
Mahmoud Abbas, qui serait le détenteur
du droit de négocier une accalmie avec
l’entité d’occupation, ou bien la
négocier malgré Mahmoud Abbas, dont
l’éloignement de la scène est perçu par
lui et par des secteurs du Fateh, comme
une acceptation du « deal du siècle » de
Trump ? Mais négocier l’accalmie, selon
quels critères ?
La réponse de la
résistance à cet imbroglio suscité par
les marches du retour est simple :
il faut réaliser la réconciliation
interpalestinienne, qui doit être la
priorité, mais une réconciliation qui
s’appuie sur le droit de résister à
l’occupant et non selon les désirs du
Quartet moribond, ce qui signifie qu’il
n’est pas question de remettre les armes
de la résistance à l’Autorité
palestinienne, au vu de ce qui se passe
en Cisjordanie, où la coordination
sécuritaire avec l’ennemi a ouvert la
voie à la colonisation et la soumission.
Or, depuis quelques mois, Mahmoud Abbas
et son gouvernement ne réclament qu’une
seule chose : les armes de la résistance
(sous l’appellation « renforcement du
pouvoir », accusant les résistants de
vouloir séparer la bande de Gaza de la
Cisjordanie, conformément au « deal du
siècle » trumpien.
Les marches du
retour ont dévoilé non seulement la
cruauté et la veulerie des sionistes, ni
seulement la compromission de la
« communauté internationale », ni
seulement la bassesse des régimes arabes
qui accourent vers la normalisation de
leurs relations avec l’entité, mais
elles ont aussi dévoilé tous ceux qui
craignent et s’opposent à la résistance,
sous des prétextes divers, et qui
craignent et s’opposent à des mouvements
populaires, pour ne pas ébranler l’ordre
impérialiste.
C’est toute
l’importance des marches du retour,
c’est aussi toute leur force.
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