Politique
Le joueur de flûte est « en marche » (I)
Christian Vanneste
Samedi 25 mars 2017
Jeudi soir,
j’intervenais lors d’une réunion du
« Carrefour de l’Horloge » dont le thème
prenait la forme d’une question :
« l’oligarchie va-t-elle confisquer
l’élection présidentielle ? » La réponse
reste ouverte puisqu’il n’est pas exclu
que la machination mise en oeuvre par le
microcosme qui détient le vrai pouvoir
en France finisse par révolter
suffisamment de Français pour permettre
l’élection de François Fillon. En
revanche, si on se penche sur la
stratégie et les moyens qu’elle
mobilise, le « coup d’Etat » insidieux
qui se déroule dans notre république
bananière ne fait pas l’ombre d’un doute
et on peut redouter qu’il réussisse au
point de conduire à une impasse mortelle
pour notre pays. Il faut d’abord
souligner le paradoxe inouï de la
situation. Jamais sans doute, un mandat
présidentiel n’a été jugé plus
calamiteux que celui qui s’achève. Le
Président n’a pas été à la hauteur de sa
fonction. Le bilan de sa politique est
en tous points désastreux. Le parti qui
l’a porté au pouvoir démontre une fois
de plus son incapacité à gouverner.
Chacun de ses passages à la tête du pays
a conduit celui-ci à un nouveau recul.
Ses idées, ses échecs et aujourd’hui ses
divisions devraient l’exclure à jamais
du gouvernement de la France. Désavoué à
chacun des scrutins intermédiaires, il
devait être laminé à la Présidentielle
comme aux Législatives. Or, les sondages
actuels révèlent une forte probabilité
pour que les Français éliminent au
premier tour le candidat de la droite et
du centre et soient conduits au second
tour à barrer la route comme d’habitude
à la candidate du Front National. Serait
alors élu le dauphin de François
Hollande, celui dont tout le parcours
s’est fait à l’ombre du Parti
Socialiste, tendance « gauche caviar »
plutôt que « soupe populaire » : les
« Gracques », la commission Attali, la
Banque Rothschild, le Secrétariat
Général de l’Elysée et Bercy… Révoltés
contre l’incurie du pouvoir sortant, les
Français pourraient donc élire son
héritier et celui qui a inspiré une
grande partie de sa politique. Comment
une telle aberration est-elle possible ?
La première
explication est d’ordre politique. Les
« primaires » devaient être un
glissement vers une démocratie à
l’américaine. Faute de respecter l’idée
gaullienne de l’homme ou de la femme
face au peuple, en direct, et pour
échapper à la dérive de la désignation
du candidat par les partis, ce scrutin
ouvert aux sympathisants, et au-delà,
devait désigner celui qui allait
représenter une famille de pensée
élargie. Le succès même du processus
allait susciter la difficulté. A droite,
la mobilisation des plus motivés, de
ceux qui constituent le noyau dur de la
famille, les conservateurs, a déjoué les
pronostics. Ce n’est ni l’homme du
spectacle, ni celui de la bien-pensance
gauchisante qui a été élu, mais celui
qui incarnait le plus de sérieux, la
plus grande intégrité et qui proposait
les réformes les plus énergiques tout en
s’affirmant catholique, réservé sur les
« progrès sociétaux », et favorable à un
rapprochement avec la Russie. De quoi
révulser le microcosme qui domine les
médias ! A gauche, le résultat a été
semblable, mais pour des raisons
différentes. D’une part, là aussi,
mécontent d’un quinquennat manqué, le
« peuple de gauche » a choisi les
frondeurs plus que les légitimistes,
Hamon plutôt que Valls, mais surtout,
l’oligarchie socialiste avait déjà
choisi un autre représentant, le sieur
Macron, lancé depuis le Secrétariat
Général de l’Elysée, avec de puissants
soutiens, et notamment celui de
Hollande. Si ce dernier a été un
gouvernant pitoyable, il demeure un
manipulateur politicien habile. Se
sachant perdu, il a préféré partir en
douce, sans grandeur, mais sans
humiliation électorale. Si de plus, il
parvient à passer la main à des amis, il
aura transformé le désastre annoncé en
succès inespéré, et pourra jouir en paix
d’une retraite aussi considérable
qu’injustifiée, à moins qu’un parachute
doré ne lui soit offert par ses amis
demeurés contre toute attente à la
direction des affaires.
Son calcul emprunte
deux axes. Le premier est celui du
rapport des forces politiques. S’il se
moque de l’intérêt national, il a
toujours été expert en conquête du
pouvoir. Depuis les années 1980, la
« droite » a tout fait pour ne pas
perdre le centre. Les électeurs étaient
RPR et les élus UDF, disaient les
mauvaises langues. Avec l’UMP, les
premiers ont fini par se confondre avec
les seconds et à penser comme eux. Ils
étaient partisans de la préférence
nationale, qu’ils ont abandonnée au FN.
Ils sont devenus européïstes et
progressistes. Chirac avait commencé à
droite de Giscard et il a fini dans une
posture de gauche. Sarkozy faisait ses
campagnes à droite et gouvernait dans
l’ouverture à gauche. Plus le Front
National montait, plus la droite se
préoccupait de garder le centre, dans la
crainte d’être prise en étau entre la
droite dite populiste et une alliance de
la gauche modérée et du centre, cette
« troisième force » que la Ve République
a toujours repoussée. La tactique
« hollandaise » vise d’abord à
reconstituer celle-ci. Elle comprend une
grande partie des socialistes dont les
préoccupations de carrière et les enjeux
de pouvoir sont choses infiniment plus
importantes que les préférences
idéologiques. Elle comprend surtout
l’oligarchie qui domine notre pays, du
monde de la presse à celui des affaires,
et au sein de laquelle des groupes de
pression jouent un rôle important dans
tous les lieux de pouvoir :
administration, cabinets politiques,
instances réputées neutres, nomenclature
judiciaire et fromages divers. M. Macron
vient de la gauche, mais il n’a pas
tardé à être rejoint par de nombreuses
cautions situées plus au centre, liées à
ces coteries, et par ailleurs sans doute
ulcérées de n’être pas employées à la
hauteur de l’idée qu’elles se font
d’elles-mêmes.
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