Comment je
vois le monde
L'Algérie, du
Qatar à la Chine:
Le choix entre la rente et
l'intelligence
Chems Eddine Chitour
Le Pr
Chems Eddine Chitour
Lundi 23 décembre 2013
«Au
lieu de donner un poisson à quelqu'un,
apprends-lui à pêcher»
Mao Tsé
Toung
Hasard du calendrier, à quelques jours
d'intervalle l'Algérie, après avoir reçu
une délégation française de haut rang
venue conclure des marchés, recevait le
ministre des Affaires étrangères du
Qatar, et celui de la Chine. Quelle est
la particularité commune de ces trois
visites? Sans nous tromper de beaucoup,
ces pays viennent nous proposer de
commercer, en clair sans transfert de
savoir ni savoir-faire. Bref, des
visites indexées d'une façon ou d'une
autre sur la santé financière du pays,
en un mot sur la rente qui nous
permet...
L'Algérie et le Qatar
Singularité de la diplomatie algérienne!
Elle a gardé tout au long de ces années,
une certaine retenue devant les
convulsions du monde et a gardé un cap
hérité de la glorieuse révolution de
Novembre, celui de ne jamais s'ingérer,
de militer sans cesse pour la paix, le
consensus. Nous l'avons vu avec le drame
syrien; l'Algérie a constamment milité
pour un arrangement syro-syrien en vain.
S'agissant des relations commerciales,
l'émir du Qatar, Hamad Bin Khalifa Al
Thani, a fait en janvier 2013, un
déplacement à Alger pour la signature de
huit accords et mémorandums de
coopération dans la sidérurgie, le
transport maritime et les hydrocarbures.
Cependant, ces derniers temps pour le
projet de Bellara, confié à Qatar Steel
International, le blocage semblait
total, on parlait d'un probable retrait
de l'investisseur qatari. Brusque
revirement! Reçu par le Premier
ministre, M. Essayed, ministre qatari
des Affaires étrangères, a déclaré: «La
visite d'aujourd'hui est un indice de la
transition de ce projet vers de
nouvelles étapes». Il a exprimé sa
satisfaction de l'avancée du projet, un
partenariat algéro-qatari entre
l'entreprise algérienne Sider et Qatar
international pour la réalisation d'un
complexe sidérurgique avec une capacité
de production à terme de 5 millions de
tonnes/an. «Les deux pays sont prêts à
renforcer leurs relations dans de
nombreux domaines, dont celui de
l'économie», a-t-il affirmé.
L'investissement sera de deux milliards
de dollars dans une première phase et
permettra de produire deux millions de
tonnes d'acier par an à partir de 2017
avant de s'élever progressivement à cinq
millions de tonnes.
Cependant et avec tout le respect que
nous devons au peuple qatari, les
potentats au pouvoir ont- par leur
capacité de nuisance réelle- tout fait
pour créer le chaos sur instruction.
Nous l'avons vu avec le drame libyen et
la mort atroce du leader Maamar Kadhafi,
nous l'avons vu avec les ingérences en
Egypte, en Tunisie et d'une façon plus
nette au point d'avoir créé une armée de
mercenaires armée avec les gazodollars
du sous-sol qatari et qui ont porté la
mort, le sang en Syrie. Certes, Hamad
Bin Khalifa Athani a été débarqué en une
semaine sous ordre des Etats-Unis, au
profit de son fils. Mais la nouvelle
politique qatarie manque encore de
clarté. Certes, l'ancien ministre des
Affaires étrangères invectivant la
délégation algérienne- qui lui a répondu
vertement- nous a promis que notre
printemps arabe allait arriver répondant
étrangement à Nicolas Sarkozy qui
prédisait: L'Algérie dans un an, l'Iran
dans deux ans. C'était dans l'euphorie
de la mise à mort de Kadhafi et de la
mise à genou de la Libye.
«L'Algérie doit tomber»
Lors d'une conférence, sur la situation
du Mond Arabe, Anna Marie Lisa,
présidente honoraire du Sénat belge,
accuse, quant à elle, ouvertement
l'Arabie Saoudite «d'oeuvrer à
déstabiliser volontairement les
frontières Sud de l'Algérie à travers,
notamment, le financement des salafistes
et jihadistes». «L'Algérie, et par le
rapt de ses diplomates à Gao, paye pour
avoir combattu le terrorisme durant les
années 1990. Prenant la parole, Eric
Denussy, directeur du Centre français de
recherches sur le terrorisme, et ancien
officier des services secrets, tire la
sonnette d'alarme: «La situation est
très grave. L'Algérie est considérée par
le Qatar et l'Arabie Saoudite, et par
l'alliance entre les USA et les Frères
musulmans, comme le domino qui n'est pas
tombé et qui doit tomber, coûte que
coûte.» Il accuse l'Otan d'avoir
reconfiguré le terrorisme dans la région
du Sahel, avec l'intervention militaire
engagée dans ce pays. «Certains pays ont
même largué des armes, profitant, du
coup aux terroristes du GIA, devenu Gspc
puis Aqmi, après que les terroristes
eurent été défaits en Algérie et fui
vers le Sud», ajoute-t-il. «Ils ne
comprennent pas comment l'Algérie n'a
pas chuté avec le printemps arabe et
veulent déstabiliser ce pays coûte que
coûte», lance-t-il».(1)
Dans une contribution remarquable, Majed
Nehmé a interviewé Nicolas Beau et
Jacques-Marie Bourget. Ces deux
journalistes ont enquêté sur ce
minuscule État tribal, obscurantiste et
richissime, qui, à coup de millions de
dollars et de fausses promesses de
démocratie, veut jouer dans la cour des
grands en imposant partout dans le monde
sa lecture intégriste du Coran.
Ecoutons-les: ´´ (...) L'on y a
l'impression de séjourner dans un pays
virtuel,(...) convaincus qu'il y avait
une stratégie de la part du Qatar enfin
de maîtriser l'Islam, aussi bien en
France, que dans tout le Moyen-Orient et
en Afrique. D'imposer sa lecture du
Coran qui est le wahhabisme, donc
d'essence salafiste, une interprétation
intégriste des écrits du Prophète. (...)
Le paradoxe du Qatar, qui prêche la
démocratie sans en appliquer une seule
once pour son propre compte, nous a
crevé les yeux. (...) Il existe une
folie des grandeurs. L'autre vérité est
qu'il faut, par peur de son puissant
voisin et ennemi saoudien, que la
grenouille se gonfle. Enfin, il y a la
religion. Un profond rêve messianique
pousse Doha vers la conquête des âmes et
des territoires. (...)» (2)
On pensait en définitive avoir tout dit
de la nuisance du Qatar. Il n'en est
rien. Nous découvrons chaque jour
l'étendue de sa capacité de malfaisance
proportionnelle à une rente imméritée et
inversement proportionnelle à
l'intelligence. Ceci, du fait d'un
machiavélisme qui fait que sa diplomatie
est celle du chéquier à laquelle
personne, apparemment, ne résiste.
Justement, cette diplomatie du chéquier
fait des ravages. On se souvient aussi
de la réconciliation spectaculaire entre
le Hamas et le Fatah à Doha. Il n'est
pas étonnant dans cet ordre d'idées au
nom d'une impunité des grands, que le
Qatar se croit tout permis. On sait que
la Ligue arabe n'a jamais été que
l'antichambre de la politique
égyptienne, l'OPA du Qatar permettrait à
ce dernier de brader sans état d'âme ce
qui reste de l'unité arabe et de sa
position concernant la cause
palestinienne.»
La Chine ce «géant» qui avance à
pas mesurés
Au contraire du Qatar (200.000 Qataris
sur 10.000 km2), la Chine est un
continent: 9.677.009 kilomètres carrés.
Avec plus de 1350 millions d'habitants
en 2010. La Chine c'est d'abord le
vivre-ensemble: La Chine est un
État-nation composé de 56 «nationalités»
dont l'ensemble forme la «Nation
chinoise» (zhonghua minzu). L'égalité en
devoirs et en droits de toutes ces
nationalités est inscrite dans le droit
constitutionnel de la République
populaire de Chine. D'un côté le futur
avec ligne emblématique LGV
Pékin-Shanghai est une ligne à grande
vitesse (500 km/h) de 1 318 km de long
reliant Pékin et Shanghai, ouverte
depuis le 30 juin 2011. On estime que la
Chine a été la première puissance
économique mondiale durant la majeure
partie des 20 derniers siècles jusqu'au
xviiie siècle et la révolution
industrielle, c'est également en Chine
qu'on trouvait le niveau de vie le plus
élevé de la planète. La Chine deviendra
la 1re puissance mondiale en 2016
d'après l'Ocde.
Nous ne devons jamais oublier que la
Chine avait reconnu le Gpra et l'Algérie
combattante en lui fournissant les
moyens de sa lutte. Les relations n'ont
jamais connu de tension véritable tout
au plus un ralentissement notamment
pendant la décennie noire: «Nous étions
bien seuls.» On se souvient pour la
période récente que le président chinois
Xi Jinping avait appelé à des relations
plus fortes et plus complètes entre la
Chine et l'Algérie. M. Xi a fait cette
remarque lors de sa rencontre avec le
président du Conseil de la nation de
l'Algérie, Abdelkader Bensalah, en marge
de la Conférence annuelle du Forum de
Bo'ao pour l'Asie (FBA) qui s'est ouvert
à Bo'ao dans la province méridionale
chinoise de Hainan. M.Xi a indiqué que
la Chine et l'Algérie étaient des pays
amis, les deux peuples ayant forgé une
solide amitié alors que l'Algérie se
battait pour son indépendance, tandis
que le pays a grandement contribué à
aider la Chine à reprendre son siège à
l'ONU en 1971. Décrivant l'Algérie comme
«un bon ami, un bon frère et un bon
partenaire» de la Chine, le président
chinois a noté que c'était la Chine qui
avait initié une politique visant à
développer une coopération amicale avec
l'Algérie et à renforcer la coopération
stratégique bilatérale. (3)
On dit que L'Algérie joue un subtil jeu
d'équilibre entre Washington, Paris,
Moscou et Pékin. L'Algérie voit dans les
États-Unis la puissance susceptible
d'assurer la stabilité et la sécurité du
pays à long terme, dans la France, un
partenaire commercial et culturel
traditionnel, dans la Russie un
fournisseur d'armes et un investisseur
dans le secteur des hydrocarbures et
enfin dans la Chine, un soutien
diplomatique et commercial(4).
L'Algérie et la Chine
Le ministre chinois des Affaires
étrangères sera à Alger aujourd'hui.
L'ambassadeur de Chine en Agérie, yuhe
Liu, a souligné, que cette première
visite depuis l'installation du nouveau
gouvernement, en mars dernier, a pour
objectif d'approfondir davantage la
coopération bilatérale entre les deux
pays. La Chine est le premier
fournisseur de l'Algérie en textiles et
prêt-à-porter, jouets, meubles et
ustensiles de cuisine, papier, affaires
scolaires... La liste est longue, tant
la Chine, véritable atelier du monde,
produit tout et l'Algérie, en revanche,
importe presque tout. Sur le volet
économique, l'ambassadeur chinois a
indiqué que les échanges commerciaux
entre son pays et l'Algérie étaient de
l'ordre de 8 milliards de dollars en
2012 et ont atteint les 7 milliards rien
que pour les 10 premiers mois de l'année
2013. Il y a eu par ailleurs, environ 15
sociétés chinoises qui ont investi en
Algérie avec un montant dépassant 1
milliard de dollars.
La Chine qui a toujours encouragé les
partenariats gagnant-gagnant, assure de
ce fait une formation et un transfert de
technologie aux Algériens. Pékin veut
consolider sa place en Algérie.
D'accord! mais pas en vendant
uniquement. Il tient à sa position
commerciale et économique dans un
contexte de concurrence très dure avec
des partenaires européens, dont la
France, qui souhaitent reprendre le
premier rôle en termes d'investissements
et d'échanges. Les Chinois accordent une
importance particulière à l'Algérie
devenue, selon les experts, ´´leur
deuxième destination préférée en Afrique
après la Nigeria. Près de 45.000 Chinois
travaillent en Algérie dans de nombreux
projets. (5)
Lors de son intervention, l'ambassadeur
n'a pas insisté uniquement sur le
renforcement de la coopération
économique et politique entre l'Algérie
et la Chine, mais également sur la
coopération dans le domaine de
l'éducation et des échanges culturels.
«Nous avons déjà procédé à
l'enseignement de la langue chinoise
dans quatre wilayas et depuis environ un
mois à l'Université Alger II, où nous
avons enregistré des centaines
d'inscriptions», La Chine étant un pays
en développement et l'Algérie le plus
grand pays en Afrique, ont «beaucoup de
points communs», souligne l'ambassadeur.
Des points communs qui peuvent être un
avantage pour développer et diversifier
encore plus la coopération entre les
deux pays. «Si vous voulez aller plus
vite allez seuls, mais si vous voulez
aller plus loin allez ensemble»,
soutient-il avec un proverbe chinois.
(5)
Ce que nous attendons de la
Chine
Tout ce qui se fait va dans la bonne
direction mais ce n’est pas suffisant !
Car il n'y a pas transfert de
technologie. La grande majorité des
projets confiés à la Chine le sont dans
le social! Avec aussi à la clé, la
destruction de ce qui restait du tissu
industriel incapable de supporter la
concurrence chinoise, notamment dans le
secteur des industries manufacturières
qui ont pratiquement disparu. Où sont
les complexes de Ben khadda, les
soieries de l'ecotex de Tlemcen, les
chaussures de la Sonipec. Sans faire
dans la nostalgie, on savait faire
beaucoup de choses, dont nous avons
perdu le savoir-faire au profit du
consommer, du dépenser sans penser, bref
de la bazarisation. Il est temps si la
Chine veut aider réellement au
décollage, qu'elle nous aide à
redémarrer sur un bon pied. Il y a deux
sujets qui me tiennent à coeur en tant
qu'universitaire, c'est l'aide de la
Chine dans la fabrication des outils
pédagogiques que nous importons en
totalité, c'est au bas mot un de
dollars, une politique déterminée et
rationnelle permettra graduellement
d'intégrer un savoir-faire national
irréversible et perfectible. En 1983, à
l'Institut d'optique de l'Université de
Sétif le premier microscope était né,
fruit d'une recherche de deux élèves
ingénieurs de cinquième année. C'était
un marché à l'époque de 10.000
microscopes. Il n'a jamais été
développé... C'est un dossier mature qui
peut être développé rapidement et créer
de la richesse en confiant aux
universitaires dans le cadre de
prototypes, la fabrication graduelle de
ces équipements. Un deuxième volet
important est l'aide à la mise en place
d'une stratégie énergétique qui permet
d'intégrer les énergies renouvelables au
bouquet énergétique de l'Algérie. Il est
scandaleux de dire que l'Algérie a des
réserves, notamment les gaz de schiste,
fait des découvertes, perpétuant de ce
fait, la remise aux calendes grecques le
compter sur soi, sur son intelligence
plutôt que sur la rente.
La Chine est leader mondial dans le
solaire photovoltaïque. Pourquoi
importer des panneaux solaires tout
faits, pourquoi ne pas les fabriquer en
Algérie? Il en est de même de l'éolien,
nous peinons à mettre en place 10 MWà
Adrar et nous avons en face de nous un
pays dont l'immense potentiel lui permet
de construire une éolienne de 2MW toute
les deux heures, une centrale à charbon
par mois, un réacteur nucléaire par an,
tout en rappelant que le barrage
hydroélectrique des Trois Gorges de
18.000 MW est équivalent à deux fois la
puissance totale électrique de
l'Algérie.
On considère lit-on dans l'encyclopédie
Wikipédia que la boussole, l'imprimerie,
le papier et la poudre à canon sont les
«Quatre grandes inventions» de la
Chine.. Au début du xviie siècle, le
philosophe anglais Francis Bacon, sans
connaître l'origine de ces inventions,
remarque que trois d'entre elles:
l'imprimerie, la poudre à canon et la
boussole, «ont changé la face du monde».
«Le papier est, avec l'imprimerie, la
boussole et la poudre à canon, l'une des
quatre grandes inventions chinoises qui
ont contribué à construire l'Occident
moderne.
1.
http://www.mondialisation.ca/des-services-secrets-accusent-le-qatar-l-arabie-saoudite-les-usa-et-les-fratrnit-musulmane-faire-chuter-l-alg-rie/30489
2. C.E. Chitour
http://www.mondialisation.ca/opa-sur-la-ligue-arabe-et-bradage-de-la-cause-palestinienne-la-nuisance-du-qatar/5334107
3. Nadine Mardi 9 Avril 2013 - http:
//www.reflexiondz.net/Le-president-chinois-appelle-a-renforcer-les-relations-avec-l-Algerie_a23355.html
4.
http://www.diploweb.com/La-Chine-en-Afrique-une-realite-a.html
5. http:
//www.lnr-dz.com/index.php?page=details
&id=30171
Prof. C.E. Chitour
Ecole Polytechnique enp-edu.dz
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