Analyse
Esclavage en Libye : merci l’OTAN !
Bruno Guigue
Dimanche 19 novembre 2017
Une découverte, les
pratiques esclavagistes filmées par CNN
? On tombe vraiment des nues ?
Certainement pas. Le 11 avril 2017,
l’Office international des migrations
publiait un rapport indiquant que des
milliers de migrants transitant par la
Libye étaient vendus comme du bétail sur
des marchés aux esclaves, avant d’être
soumis au travail forcé ou à
l’exploitation sexuelle. Cette réalité,
tout le monde la connaissait, et
personne n’a rien fait.
Lorsque Emmanuel
Macron a consacré son premier voyage
présidentiel à la région sahélienne, on
n’a pas le souvenir qu’il ait dit
quelque chose. Mais on le comprend : la
sécurité des approvisionnements miniers
de l’ex-puissance coloniale est une
affaire beaucoup plus sérieuse, et on ne
va quand même pas perdre son temps avec
des broutilles. C’est vraiment dommage,
car la France aurait eu beaucoup à dire
sur la situation en Libye.
Il ne faudrait pas
l’oublier : si ce pays est à la dérive,
s’il est dépecé par les factions
rivales, si la violence y règne, c’est
parce que la France et ses alliés l’ont
anéanti en 2011. Les marchands
d’esclaves ne sont pas tombés du ciel :
ils sont arrivés dans les bagages de
l’OTAN. Sous des prétextes humanitaires
fabriqués par la propagande, Paris,
Londres et Washington se sont arrogé le
droit de détruire un Etat souverain. Ils
l’ont remplacé par la loi de la jungle
et le chaos milicien. On voit le
résultat.
Où sont-ils, ceux
qui ont décidé de renverser Mouammar
Kadhafi ? On aimerait les entendre, ces
visionnaires. Nicolas Sarkozy voulait
faire de cette croisade le joyau de son
mandat. “Le chef de l’Etat a fait de
l’intervention en Libye un combat
personnel. Pour le rayonnement de la
France”, titre “Le Monde” le 23 août
2011. Le rayonnement est aveuglant !
Pour Alain Juppé, l’intervention en
Libye est “un investissement pour
l’avenir”. Il aurait dû préciser que cet
investissement n’était pas seulement
pétrolier. Les esclavagistes le
remercient. Eux aussi, ils investissent.
Du côté de
l’opposition de “gauche”, ce n’est guère
mieux. François Hollande approuve le
recours à la force contre Kadhafi “parce
que sinon Kadhafi aurait massacré une
partie de son peuple”. Qu’il se rassure
: pour ce qui est des massacres, l’OTAN
a fait ses preuves. Le 21 mars 2011,
“Libération” demande à Jean-Luc
Mélenchon pourquoi il approuve les
frappes aériennes en Libye. Il répond :
“La première question à se poser est la
suivante : y a-t-il un processus
révolutionnaire au Maghreb et au
Moyen-Orient ? Oui. Qui fait la
révolution ? Le peuple. Il est donc
décisif que la vague révolutionnaire ne
soit pas brisée en Libye.”
Il faudrait
pourtant que les progressistes ou
prétendus tels se mettent sérieusement à
méditer la leçon des faits. Car la
politique occidentale, c’est toujours le
grand écart : on part avec les droits de
l’homme et on finit avec le marché aux
esclaves. Certains ont beau l’emballer
de rhétorique humaniste ou
révolutionnaire, l’impérialisme reste
l’impérialisme. On peut multiplier à
foison les variantes du cache-misère
idéologique, le prétendu devoir
d’ingérence n’est que le droit que l’on
s’arroge à écraser le voisin. C’est le
droit du plus fort revu et corrigé par
BHL.
Les hypocrites
diront que l’esclavage ne date pas
d’hier et que cette affaire concerne les
Africains, niant la responsabilité du
néo-colonialisme. Poussés par la misère,
ils sont des centaines de milliers à
vouloir franchir la Méditerranée au
péril de leur vie. La destruction de
l’Etat libyen les a mis à la merci des
passeurs qui les vendent comme du
bétail. S’ils échappent à leurs griffes,
leur calvaire ne fait que commencer.
Quel paradoxe ! Victimes d’un monde
dual, ces damnés de la terre n’ont
d’autre espoir que d’aller traîner leur
misère dans les pays qui ont fait leur
malheur.
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