Les mythes sur la Russie de
Poutine : un regard critique d’Alexandre
Latsa, écrivain et analyste français, et
de Pierre Gentillet, président des
Jeunes de la Droite Populaire afin de
permettre aux lecteurs de se faire une
idée un peu plus objective sur la Russie
d’aujourd’hui.
Tribune
commune d’Alexandre Latsa, écrivain et
analyste français résidant à Moscou, et
de Pierre Gentillet, président desJeunes de la Droite
Populaire.
Le président russe Vladimir
Poutine, qu’une commentatrice
talentueuse a récemment qualifié de «
volcan de givre », vient
de jouer un drôle de tour à la
communauté internationale en
agrandissant le territoire de la Russie
vers l’ouest et l’Europe.
Pourtant cette
réunification des territoires russes
n’est pas si inattendue qu’il peut
paraitre et s’inscrit dans une logique
politique et stratégique tout aussi
méconnue que ne l’est la situation
réelle en Russie, pays victime de
préjugés et de mythes apparus au cours
des dernières années au sein de la
majorité des médias occidentaux.
Par souci de vérité et
volonté de reinformation nous avons
choisi de porter un regard critique sur
ces mythes afin de permettre aux
lecteurs de se faire une idée un peu
plus objective sur la Russie
d’aujourd’hui.
Mythe n°1
: La Russie ce pays qui a annexé la
Crimée de force
A tel point que la
population s'est prononcée à plus de 96%
en faveur du rattachement à la Russie
avec une participation de 83%. En
réalité si l'on fait un peu d'histoire
on s'aperçoit que la Crimée est devenue
définitivement une province Russe dès
1774 grâce à Catherine II. C'est en 1954
que l’Ukrainien va rattacher
administrativement à la république
soviétique Ukrainienne la péninsule сriméenne.
En somme la Crimée ne reste
véritablement Ukrainienne que de 1991 à
2014 soit à peine 23 ans. Contrairement
à certaines idées reçues le Kremlin
n’avait pas manigancé ce rattachement de
la Crimée. La Russie avait en effet
depuis déjà quelques années lancé une
politique de rapatriement des russes
vivant en Crimée et souhaitant rentrer
sur le territoire russe. L'argument de
velléité impériale est donc totalement
hors de propos. La Russie a simplement
saisi l’occasion historique qu'elle
n'attendait pas de pouvoir réunifier son
territoire en y rattachant la Crimée qui
est un territoire russe sur le plan
ethnique, linguistique, culturel et
historique. Un rattachement vécu en
Russie comme les allemands de l’ouest
ont vécu le rattachement avec
l’Allemagne de l’est en 1991.
Mythe n°2
: La Russie, ce pays ou Vladimir Poutine
est élu via des élections truquées
Depuis 13 ans celui-ci
remporte en réalité haut la main et au
premier tour toutes les échéances
électorales présidentielles ou il se
présente obtenant 52,52% des voix en
2000, 71,22% en 2004 et 63,6 % en 2013.
Seule la dernière élection
de 2013 a été critiquée par des ONG
américaines qui prétendent que celui-ci
n’aurait dû obtenir que 55% au premier
tour et non 63%!
Le parti dominant,
Russie-Unie a lui obtenu 37% en 2003,
64,1% en 2007 et 49,3% en 2011. En
réalité les soupçons de « fraude
électorales en Russie » sont nés des
élections législatives de fin 2011 qui
ont été entachées d’irrégularités
administratives réelles. Pour autant
nombre d’études ont démontré que ces
fraudes locales et identifiés n’auraient
pu influer sur les scores finaux puisque
ne comptant pas (selon les analyses
sérieuses a ce sujet) pour plus de 3 à
5% des bulletins dans le pire des
scénarios.
Il faut noter que ces
fraudes ne concernent du reste pas que
le parti du pouvoir mais également tous
les partis politiques participant aux
élections notamment ceux d’opposition.
Mythe n°3 :
La Russie, ce pays qui a orchestré un
Génocide en Tchétchénie
La Russie est toujours
présentée comme le pays dont le pouvoir
aurait orchestré un véritable génocide
en Tchétchénie. La réalité n’est
évidemment pas aussi simple.
En 1994, une prise de
pouvoir par la force et des élections
entrainent la proclamation de
l’indépendance de la Tchétchénie.
Craignant que la vague sécessionniste ne
s’étende le pouvoir russe décide
d’intervenir pour mater ce coup d’état
militaire intérieur. Cette guerre
régionale durera 2 ans et fera plus de
100.000 morts jusqu’au cessez le feu
d’août 1996 qui laisse à la Tchétchénie
un statut d’autonomie régionale mais pas
d’indépendance.
Peu à peu la rébellion va
s’islamiser avec la présence croissante
de combattants djihadistes étrangers
(Wahhabites) souhaitant l’instauration
d’un califat islamique pancaucasien. En
1999 la guerre reprend lorsque des
attentats terroristes frappent Moscou
mais aussi car des groupes armés mènent
de nombreuses incursions dans les
régions voisines du Caucase pour y
attaquer les forces de l’ordre et
kidnapper des civils dont certains
seront décapités.
La guerre verra la
victoire de l’armée russe dont la
réaction musclée a sans doute néanmoins
évité que ne se constitue dans cette
région un authentique Djihadistan qui
aurait été déstabilisateur pour toute la
région. Il est également difficile
d’appréhender les évènements de cette
époque dans cette région sans les mettre
en relief au cœur de la bataille
stratégique que ne se livrent l’Amérique
et la Russie pour le contrôle des
ressources énergétiques régionales et
notamment de la Caspienne.
Mythe n°4
: La Russie, ce pays ou le pouvoir tue
les journalistes
La Russie est souvent
décrite comme le pays dans lequel on
assassinerait les journalistes puisque
300 journalistes ont été tués en Russie
post-soviétique soit l’équivalent d’un
journaliste par mois.
Pourtant si l’on prend en
compte les journalistes tués de façon
avérée dans l’exercice de leurs
fonctions ou à cause de leur activité de
journaliste le chiffre tombe à 56 selon
le CPJ dont 28 entre 1992 et 2000 soit
avant que Vladimir Poutine n’arrive au
pouvoir.
Depuis l'accession au
pouvoir de Vladimir Poutine, 26
journalistes ont été tués de façon
avérée dans l’exercice de leurs
fonctions ou à cause de leur activité de
journaliste. La tendance longue semble
elle à la normalisation puisque 13 ont
été tués entre 2000 et 2005, 9 entre
2000 et 2010 et 4 entre 2010 et 2014.
Il faut noter que parmi
ces 26 journalistes 12 ont été tués dans
le Caucase russe, 3 à Rostov sur le Don
et 2 dans la ville de Togliatti, soit
dans des zones relativement « mafieuses
» et donc à haut risque.
Mythe n°5
: La Russie, ce pays où l’on ne fait pas
d’enfants
La Russie est souvent
présentée comme un pays avec une
démographie déclinante et donc voué à
disparaitre. Fort mal en point durant
les années qui ont suivi l’effondrement
de l’Union Soviétique la démographie
russe s’est redressé sous les années
Poutine surpassant les scénarios
démographiques les plus optimistes.
De 1992 à 2000 le nombre
de naissances s’est effondré et le
nombre de décès a augmenté entrainant
une baisse naturelle de population de
6.830.423 habitants soit une baisse
moyenne annuelle de 758.935 habitants.
Cette diminution fut cependant compensée
par l’immigration retour vers la Russie
des russes ethniques habitant dans les
républiques soviétiques.
A titre d’exemple pour la
seule année 1999 avec 1.214.689
naissances et 2.144.316 décès la
population a baissé de 929.627
habitants. Le taux de fécondité est
durant cette période passé de 1,89
enfants / femme en 1991 à 1,17 enfants /
femme en 1999.
A partir de 2001 le nombre
de naissances s’est mis à remonter et
dès 2005 le nombre de décès à diminuer.
Année après année, l’amélioration des
conditions de vie associée à une forte
propagande d’Etat défendant la famille
et incitant à faire des enfants ont eu
des résultats plus qu’inattendus. Le
nombre de naissances ne cesse
d’augmenter et l’année 2012 a même vu
une hausse naturelle de population avec
1.901.182 naissances et 1.878.269 décès,
le taux de fécondité atteignant 1,73
enfants / femme soit plus que dans l’UE.
Mythe n°6
: La Russie, ce pays qui ne profite
qu'aux riches
On renvoie souvent l'idée
fausse que la richesse en Russie ne
profiterait qu'à des élites financières,
militaires et aux fameux oligarques. Il
s'agit de remettre un peu de vérité en
apportant quelques éléments de
ré-information.
Tout d'abord, le revenu
annuel moyen des russes est passé de
1.322 euros en 2000 (arrivée au pouvoir
de Vladimir Poutine) à 7.988 euros en
2013. Le taux de pauvreté quant à lui a
littéralement fondu passant de plus de
35% en 1999 à près de 13% en 2012, soit
l’équivalent de la moyenne française,
pendant que le taux de chômage n’est lui
que de 5,5%
Dans le même temps le pays
a connu l’apparition d’une très
importante classe moyenne qui représente
selon les critères de définition de 25 à
40% du pays. Ces résultats économiques
ne sont pas dus qu’à la rente
énergétique (qui ne représente que 20%
de la création de richesses et 50% des
recettes du budget fédéral) mais aussi à
une relativement saine gestion
économique ayant permis des taux de
croissance positifs sur 12 des 13
dernières années.
Mythe n°7
: La Russie, ce pays ou Vladimir Poutine
serait détesté
Tellement détesté que le
dernier sondage sur sa cote de
popularité dépasse les 80% d'opinions
favorables. Plus sérieusement il s'agit
maintenant de sortir de l'image du
despote tsariste aux relents staliniens
pour constater que l'immense majorité du
pays soutient le président russe.
Le parti présidentiel
Russie Unie est le premier parti du pays
depuis 15 ans, les élections
présidentielles ont toujours été
remportées par une très large majorité
des suffrages dès le premier tour et les
récents évènements ont vu l'ensemble du
peuple Russe très largement favorable à
l'action de Vladimir Poutine en Crimée.
Cette adhésion populaire
se couple sans difficulté à l'exercice
d'un pouvoir fort, seul capable de
maintenir l'unité et l'importance de la
Russie dans le jeu des grandes
puissances du monde.
Malgré avoir pris les
rênes d’un pays au bord du gouffre et
traversé deux guerres (en 2000 et 2008)
ainsi qu’une crise économique (en 2009)
la cote de popularité du président russe
sur les 13 dernières années n’est jamais
descendue au-dessous des 60%.
Les mouvements de
contestation de 2011 n’ont finalement
jamais réuni plus de 80.000 personnes
dans tout la Russie (en réalité surtout
Moscou et dans une moindre mesure Saint
Petersburg) ce qui correspondrait, toute
proportion égale, à 30.000 personnes en
France.
Loin de l'image du despote
tsariste aux relents staliniens trop
souvent véhiculée il faut accepter de
comprendre que l'immense majorité du
pays soutient le président russe et que
cette tendance devrait s’accentuer à
l’avenir puisque des JO de Sotchi (que
la Russie a organisé et remporté) à la
Crimée le seuil de popularité du
président russe atteint désormais les
80%, preuve que les attentes des russes
de voir leur pays redevenir une grande
puissance sont réelles.
Sa gouvernance
réformatrice (modernisation économique
du pays) et conservatrice (sur le plan
des valeurs) mais aussi relativement
verticale et autoritaire semble
parfaitement conforme aux attentes du
peuple russe et permet d’atténuer
l’apparition de potentielles tendances
d’inerties territoriales voir
séparatistes, tendances inévitables sur
un aussi grand et vaste territoire.
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