Alahed
Après Dilma Rousseff,
des épreuves difficiles attendent le
Brésil
Akil Cheikh Hussein
Samedi 10 septembre 2016
Dilma Rousseff a fait beaucoup d’efforts
pour convaincre le congrès brésilien de
son innocence quant au grief qui lui est
adressé. Elle a utilisé plusieurs
arguments. L’un d’eux lui
rappellent sa participation personnelle
à la guérilla contre la dictature
militaire entre les années soixante et
quatre-vingt du siècle dernier.
Pourtant, et au lieu de
voir la loyauté de Rousseff au service
de son pays et celui des élus
intercéder pour elle auprès d’eux, cet
argument a, au contraire, provoqué, à ce
qu’il parait, la colère et la haine de
la majorité des élus et consolidé leurs
penchants revanchards : Eux et leurs
semblables parmi les gros capitalistes
qui font des gains en exploitant toute
situation catastrophique, constituaient
le principal soutien au régime
militaire. Nul doute qu’ils sont
maintenant en train de se frotter les
mains tellement ils se sentent
joyeux de miser sur l’obscure situation
dans laquelle le Brésil est entré avec
l’éviction de Rousseff. Son éviction
constitue en effet une occasion à ne pas
rater pour le retour du régime militaire
ou, pire, pour l’éclatement de la guerre
civile.
Oui, une guerre civile :
Pour éviter que des violences aient lieu
entre les partisans de Rousseff et ses
opposants, le gouvernement brésilien
n’a-t-il pas construit, dans une rue de
Sao Paulo, un mur métallique de deux
mètres de hauteur et de trois kilomètres
de longueur entre les deux parties qui,
pour l’une on fêtait l’éviction de
Rousseff alors que, pour l’autre, on
condamnait cette éviction ?
Une procédure de
destitution qui a duré quatre mois et
des dizaines d’heures de débats au
congrès ainsi que des interrogatoires
auxquels Rousseff a été soumise ont fini
par la destituer. Elle est alors sortie
avec, a-t-elle dit «un goût amer
d’injustice».
Il est vrai qu’elle a
enfreint la constitution en empruntant
de l’argent du budget de l’un des
ministères pour masquer le déficit d’un
autre. Il est vrai aussi qu’elle l’a
fait pour renforcer sa situation en tant
que candidate à la présidence en 2014.
Mais elle ne l’a pas fait parce qu’elle
s’attachait obsessionnellement au
pouvoir, mais parce qu’elle savait qua
sa sortie du pouvoir ouvrira
inévitablement la porte devant
l’enterrement du processus de réformes
commencées par le président Lula da
Silva, processus qui est arrivé, durant
son propre mandat à elle, à un niveau
tel que des enquêtes judiciaires étaient
lancées contre des dizaines de
personnalités politiques corrompues et
impliquées dans des complots étasuniens
visant à faire de nouveau du Brésil et
de l’ensemble de l’Amérique latine un
arrière cour pour les intérêts de
Washington.
Cependant, cette atteinte
portée à la constitution par
Rousseff reste sans grande importance
comparée à celles de ses détracteurs
avec, en tête, Michel Temer, désigné
président, jusqu’à la fin de 2018, et
qui fait partie d’une vingtaine de
personnalités politiques qui ont touché
des grandes sommes d’argent sale issu de
la corruption et qui ont insisté à
poursuivre Rousseff qui, depuis 2014,
avait ordonné d’enquêter au sujet de
cette affaire.
Il est également certain
que la volonté de couper court à ces
enquêtes qui devraient constituer un
coup dur à la corruption, suite à
d’autres coups ayant été assénés à ce
fléau sous Rousseff et son
prédécesseur Da Silva, est l’une des
raisons qui ont poussé les comploteurs à
fomenter leur complot qui a abouti à
l’éviction de Rousseff.
Il existe aussi d’autres
motifs de la haine portée par les
cercles hégémoniques à Rousseff.
N’est-elle pas connue pour son soutien
sans faille à la cause palestinienne ?
N’est-elle pas l’unique dirigeant qui,
parmi tous les autres, à avoir versé ses
larmes pour les enfants de Gaza tués par
les bombardements israéliens ?
Un autre motif est
représenté par la frayeur des Etats-Unis
face au grand progrès réalisé par le
Brésil depuis la victoire électorale
remportée par le Parti des Travailleurs,
victoire qui a permis à Lula da Silva
d’accéder à la présidence de la
république. En fait, le Brésil est
passé, durant les quinze dernières
années, de sa situation comme pays
pauvre et marginal, à sa situation comme
grande puissance et pays principal dans
le groupe des Brics, et d’un pays
lourdement endetté à un pays qui
occupe, économiquement, la première
place en Amérique latine, la seconde
dans le continent américain après les
Etats-Unis et le sixième à l’échelle
mondiale.
Le plus important est,
peut-être, le profond fossé entre les
riches et les pauvres qui a été, dans
une grande mesure, comblé sous Da Silva
et Rousseff. Il s’agit là d’un exploit
très difficile à réaliser dans les
conditions qui règnent actuellement dans
le monde contemporain.
Il est également important
de signaler le rôle qu’a joué le Royaume
saoudien -dans le but de plaire aux
Etasuniens et aux Israéliens- dans le
complot visant Rousseff, et ce en
brisant le prix du pétrole. Cette mesure
qui a porté un coup douloureux à
l’économie brésilienne a entraîné des
tensions sociales que Washington et
l’opposition intérieure ont réussi à
exploiter en manipulant une grande
partie de la rue brésilienne.
On ne manque pas
d’observateurs qui pensent que Michel
Temer est candidat à ne pas rester dans
son poste de président jusqu’à la fin de
2018. D’une part, pace qu’il fait
l’objet d’enquêtes pour son implication
dans de grands coups de corruption.
D’autre part, parce que les cercles des
finances, du Bisness et de la corruption
n’hésiteront pas à vouloir abroger les
réformes introduites par Da Silva et
Rousseff, alors que la rue brésilienne
ne manquera pas de se mobiliser pour
défendre ces réformes.
D’où la peur de voir le
Brésil sombrer dans une longue étape de
troubles, sauf si les Brésiliens en
arrivent à sauver leur pays en portant
Rousseff ou Da Silva à la présidence en
2008 ou avant cette date, dans des
élections précoces, et après de
nécessaires amendements
constitutionnels.
Source :
French.alahednews
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