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Opinion - El Watan
Le pouvoir face à la
rue
Zine Cherfaoui
Photo: El Watan
Samedi 8 janvier 2011
De violentes émeutes du pain aux portes du pouvoir Près
d’une semaine après le début des émeutes, les autorités
continuent à se retrancher dans un profond mutisme.
A l’exception de l’intervention, jeudi, devant les caméras de la
télévision et les micros de la Radio nationale, du ministre du
Commerce, Mustapha Benbada, qui est revenu sur les «raisons» de
la flambée des prix de certains produits de large consommation,
comme le sucre et l’huile, et qui, par ailleurs, a promis «un
retour à la normale à partir de la semaine prochaine», aucun
responsable important de l’Etat n’a encore daigné s’adresser à
la population pour la rassurer.
Au moment où les rumeurs évoquant un embrasement général se sont
répandues comme une traînée de poudre et où, à Alger, les
manifestations se sont étendues jeudi soir à la station
balnéaire de Staouéli où résident les principaux décideurs
politiques du pays et aux nouveaux quartiers résidentiels de
Draria et de Chéraga, il était pour ainsi dire impossible, hier,
de recueillir un avis officiel sur la situation quasi
insurrectionnelle qui prévalait dans plusieurs villes du pays.
Les services de sécurité ont été très peu communicatifs
concernant l’étendue et le bilan de ces émeutes que l’on
explique par la cherté de la vie et qui ont pour point de départ
Fouka, une petite localité de Tipasa. Tous les policiers
accostés ou sollicités ont gentiment refusé de s’exprimer à la
presse. Toutefois, un officier de police a indiqué sous le
couvert de l’anonymat que «cette explosion sociale était
prévisible depuis longtemps eu égard à la misère, aux inégalités
sociales et à la chute drastique du pouvoir d’achat». «Tout cela
figure dans les rapports que nous envoyons régulièrement à nos
chefs», a-t-il poursuivi.
Aux abonnés absents
D’habitude, très prolixes, certains membres du gouvernement
étaient injoignables durant toute la journée. Connus pour leur
éloquence, le Premier ministre tout autant d’ailleurs que le
président de la République sont, également, restés aux abonnés
absents. Le chef de l’Etat qui, pour ainsi dire, vit ces
derniers mois à la marge de la vie politique nationale n’a pas
prononcé de discours à la nation depuis sa réélection en avril
2009. Il consacre l’essentiel de son temps à ses déplacements à
l’étranger. En une année, il ne s’est déplacé que deux ou trois
fois à l’intérieur du pays. Sa dernière sortie date du mois
d’octobre 2010.
Le président de la République s’était rendu à Ouargla pour y
annoncer l’ouverture solennelle de l’année universitaire
2010-2011. Puis plus rien ! Mépris ? Craintes d’attiser la
colère de la population ? Mauvaise évaluation de la situation ?
Difficile de savoir ce qui se trame dans la tête des principaux
décideurs du pays qui semblent s’être «bunkerisés». Un constat
cependant : face à ce black-out institutionnel, la colère de la
population n’a fait que monter crescendo hier.
Les villes de l’est du pays, qui étaient jusque-là épargnées par
les émeutes, ont fini par être secouées par de violentes
manifestations.
L’ire de la population est attisée par les scandales de
corruption en série qui ont éclaboussé ces derniers mois le
sommet de l’Etat et l’incapacité du pouvoir à répondre aux
besoins de la population, alors que le pays enregistre, grâce à
l’exportation des hydrocarbures, des rentrées d’argent record.
Comme attendu, le département dirigé par Mustapha Benbada a
annoncé, dans le courant de l’après-midi d’hier, la tenue
aujourd’hui d’un Conseil interministériel «pour examiner les
moyens de juguler la forte hausse des prix de certains produits
de large consommation enregistrée ces derniers jours». Une
hausse à l’origine des émeutes. Cependant, il est peu probable
que cette annonce soit suffisante pour calmer les émeutiers et
une population auprès de laquelle le pouvoir «corrompu» a perdu
toute crédibilité.
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